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funestes. Cette maladie met la femme dans un danger beaucoup plus imminent si elle est nouvellement accouchée ou enceinte ; dans ce dernier cas, dit Hippocrate, l’érésipele (ou inflammation) est mortelle. Aphor. 43. lib V. « Le hoquet, le vomissement, la convulsion, le délire & l’extrème tension du ventre en une femme accouchée, qui a une inflammation de matrice, sont tous signes avant-coureurs de sa mort ». Mauriceau, Aphor. 264.

Les remedes qui conviennent dans cette maladie sont ceux, à peu près, que nous avons ordonné dans l’inflammation & les maladies inflammatoires ; on ne doit pas trop compter sur les saignées ; une, deux & peut-être trois, ne peuvent qu’être avantageuses ; mais trop réitérées, elles pourroient devenir nuisibles. Fréderic Hoffman raconte qu’un médecin ayant fait saigner sept fois, dans l’espace de six jours, une dame qui avoit une inflammation à la matrice, d’abord après la septieme saignée, ses yeux s’obscurcirent & elle tomba dans une défaillance mortelle. Oper. tom. ij. sect. 2. cap. x. Les purgatifs sont encore moins convenables. Mauriceau qui, quoique chirurgien, mérite d’en être cru sur cette matiere à cause de sa longue expérience, assure que les purgatifs sont pernicieux à la femme qui a une inflammation de matrice. Aphor. 263. Ainsi on doit se restraindre à l’usage intérieur des tempérans, calmans, antiphlogistiques & légers emménagogues, tels que la liqueur minérale anodine d’Hoffman, le nître, le borax, le sel sédatif, le castor, le camphre &c. Les lavemens adoucissans, rafraîchissans, peuvent avoir quelqu’effet ; on peut aussi appliquer avec succès, ou du moins sans inconvénient, des fomentations avec l’eau vulnéraire : les incessus, ou bains des piés, les demi-bains sont de tous les emménagogues ceux qui conviennent le mieux. Si quelque corps étranger est resté dans la matrice, il faut l’en retirer au plutôt. L’inflammation loin d’être un motif de différer l’extraction de quelque morceau d’ariere-faix retenu, ou d’un fœtus mort, comme plusieurs ont prétendu, doit au contraire faire accélérer cette opération, quoique la matrice dont l’orifice est dur & serré, y apporte un plus grand obstacle ; mais l’inflammation & l’obstacle augmenteroient continuellement si on laissoit persister la cause qui l’a produite & qui l’entretient.

Ulcere de la matrice. L’inflammation de la matrice ordinairement superficielle, ne se termine que rarement en abcès ; lorsqu’elle supure, elle dégénere en ulcere, qui semble n’être qu’un abcès imparfait, dont l’entiere formation est prévenue par la rupture trop prompte des vaisseaux. L’ulcere est quelquefois aussi une suite des fleurs blanches invétérées, d’une excoriation faite pendant un accouchement laborieux ; il peut aussi être le produit du virus vénérien, & je crois que dans ce tems-ci cette cause est la plus fréquente. Frédéric Hoffman assure que les femmes qui font beaucoup usage du lait, & celles qui ne peuvent satisfaire leur appetit vénérien, pour l’ordinaire fort grand, sont les plus sujettes à cette maladie. C’est à l’écoulement du pus par le vagin qu’on connoît sûrement l’ulcere de la matrice. On peut même aussi s’assurer de sa présence, & s’instruire de la partie qu’il occupe, par le tact & même la vûe, au moyen du speculum de la matrice. Les personnes qui en sont attaquées ressentent des douleurs dans cette partie, sont tristes, languissantes, abattues, sans force, sans appetit : la fievre, les frissons, les défaillances, &c. surviennent quelquefois. Si l’ulcere occupe les parties antérieures, il est accompagné de strangurie, de discurie, &c. il excite au contraire le tenesme s’il a son siege aux parties postérieures. L’ulcere de la matrice se guérit rare-

ment, il consume insensiblement la malade ; il entraîne

ordinairement à sa suite la fievre lente, le marasme, & enfin la mort. Une des causes fréquentes de l’incurabilité de ces ulceres, est la mauvaise méthode qu’on suit dans leur traitement ; ce n’est ordinairement qu’avec des rafraîchissans, des affadissans, & sur-tout des laitages qu’on attaque cette maladie ; cependant suivant la remarque d’Hoffman, le lait dispose plûtôt à ces ulceres qu’il ne les guérit. Il est d’ailleurs certain que ce remede si celébre affadit, épaissit & énerve entierement le sang, & s’oppose par-là à la guérison des ulceres ; aussi peut-on s’appercevoir que les ulceres extérieurs, soumis à la vue, sont mollasses, baveux, sordides, & ont beaucoup de peine à se cicatriser tant qu’on use du lait : on doit appliquer cette observation à ceux qui sont dans l’intérieur, & compter un peu moins dans leur curation, sur les propriétés si vantées, mais si peu constatées, du lait & autres médicamens semblables. Les remédes qu’on doit regarder comme plus appropriés, sont les décoctions vulnéraires, balsamiques, les baumes, les eaux minérales, sulphureuses, celles de Berrege, de Banniere, de saint Laurent, &c. prises intérieurement & injectées dans la matrice. Les succès répétés qu’ont eu ces eaux dans la guérison d’autres ulceres, même intérieurs, nous sont des garants assurés de leur efficacité dans le cas présent. Quant aux injections, il faut avoir attention qu’elles ne soient pas adstringentes, car alors elles seroient extremèment pernicieuses, & risqueroient de rendre l’ulcere carcinomateux. Si l’ulcere est vénérien, on doit avoir plus d’espérance pour sa guérison, parce que nous connoissons un spécifique sûr pour détruire ce virus : le même remede réussiroit peut-être dans les autres cas. Du moins lorsqu’il n’est pas permis au médecin de prendre tous les éclaircissemens nécessaires, il doit, si la malade veut s’y résoudre, en venir sans crainte à ce remede ; d’autant mieux qu’il y a peu d’occasions où les soupçons qu’on pourroit avoir ne soient bien fondés. La meilleure façon d’employer le mercure, c’est sous forme d’onguent en friction ; l’usage intérieur est quelquefois nuisible, & toujours très-incertain, de quelque façon qu’on le déguise.

Skirrhe de la matrice. Le skirre de la matrice est ordinairement la suite de l’inflammation traitée par des remedes trop froids, astringens, &c. ou il est précédé & comme préparé par des engorgemens, des embarras qui se forment peu-à-peu dans le tissu de ce viscere, qui augmentent insensiblement par un régime peu exact, & qui acquierent enfin la dureté skirrheuse ; quelquefois la matrice grossit prodigieusement, excite une tumeur considérable à l’hypogastre. On a vu des matrices dans ce cas-là qui étoient monstrueuses, qui pesoient jusqu’à trente & quarante livres : la maladie pour lors se connoît facilement. Quelquefois au contraire le skirrhe n’occupe qu’une petite partie, le col, par exemple, ou l’orifice ; dans ces circonstances la matrice n’est pas trop tuméfiée, on s’apperçoit cependant de cette tumeur par le fait, en appuyant la main sur le ventre, ou en introduisant le doigt sur le col de la matrice : on sent alors son corps grossi, dur, inégal ; l’orifice interne est aussi plus résistant & plus court que dans l’état ordinaire. Cette maladie est souvent occasionnée par un dérangement dans l’excrétion menstruelle, & elle en est ordinairement accompagnée : le cours des regles est ou supprimé ou plus abondant, & toujours irrégulier. Les femmes qui approchent de cinquante ans & qui sont sur le point de perdre tout-à-fait leurs regles, sont assez sujettes à cette maladie. Lorsque le skirrhe se forme, il excite des symptomes plus graves, jette la machine dans un plus grand désordre que lorsqu’il est formé ; pendant qu’il se pré-