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mer l’hydropisie, qu’elle soit retenue dans sa cavité, ou dans des vésicules, ou dans la matrice, son orifice étant fermé par sa propre constriction, par quelque tumeur, par le resserrement voluptueux qui arrive aux femmes dans le moment qu’elles conçoivent ; la matrice voulant alors garder exactement la semence qu’elle a pompée avec avidité, se ferme. L’imperforation du vagin de la matrice par un hymen trop fort, peut produire le même effet.

Outre le danger commun à toutes les hydropisies, cette espece a cela de particulier qu’elle est un obstacle à la génération ; elle cause la stérilité ; si elle ne se forme qu’après la conception, ces eaux gênent pour l’ordinaire l’accroissement de l’enfant, l’affoiblissent ; & elles indiquent d’ailleurs un vice dans la matrice, dont l’enfant doit nécessairement se ressentir.

Lorsque l’hydropisie de la matrice n’est point compliquée avec la grossesse, il faut tâcher de relâcher l’orifice interne de la matrice par des bains, des fomentations, des fumigations, des injections ; si ces remedes ne suffisent pas, on peut y porter la main ou même les instrumens nécessaires, la seule dilatation de cet orifice suffit pour évacuer les eaux, lorsque l’hydropisie n’est pas enkistée ou vésiculaire. Si l’hymen s’opposoit à leur évacuation, il n’y a qu’à le couper ; cette simple opération guérit quelquefois entierement l’hydropisie. Lorsque les eaux se sont écoulées, on peut prévenir un nouvel épanchement, par l’usage des légers adstringens, & surtout des martiaux, qui sont ici spécifiques. Si l’eau est renfermée dans des hydatides, l’ouverture de l’orifice de la matrice est superflue ; on ne doit attendre la guérison que d’un repompement qui peut être opéré par la nature, par les purgatifs hydragogues, par les apéritifs, par les diurétiques, &c. qui en même tems dissipent cette sérosité sur-abondante, par les selles ou les urines, &c. Si cette hydropisie se rencontre dans une femme enceinte, elle se termine ordinairement par l’accouchement ; ainsi on doit éviter tout remede violent, dans ces circonstances, ne tenter aucune dilatation de la matrice ; il faut seulement faire observer un régime exact, dessicatif à la malade : on peut aussi lui faire user de quelqu’apéritif léger, & sur-tout des préparations de fer les moins énergiques, telles que le tartre chalybé, la teinture de mars, &c.

Il y a quelquefois dans la matrice des collections d’air & de sang, qui ressemblent à des hydropisies, & qui en imposent pour la grossesse ; on peut les en distinguer par les signes que nous avons détaillés un peu plus haut, en parlant de l’hydropisie. Mais il est bien difficile de s’assurer de la nature de ces collections ; on ne les connoît le plus souvent que lorsqu’elles se dissipent ; l’air en sortant avec précipitation, fait beaucoup de bruit ; il reste quelquefois emprisonné pendant bien des années, chez quelques femmes il sort par intervalles : on en a vû chez qui cette éruption sonore & indécente étoit habituelle & involontaire ; elle se faisoit brusquement, sans qu’elles en fussent prévenues par aucune sensation, ce qui les exposoit à des confusions toujours désagréables. Ces femmes sont presque dans le cas de celles dont il est parlé dans la folle allégorie des bijoux indiscrets. J’ai connu une jeune dame attaquée d’un cancer à la matrice, qui rendoit fréquemment des vents par-là. Cette éruption, à ce qu’elle m’a assuré, la soulageoit pendant quelque tems. Ces vents seroient-ils, dans ce cas, produits ou developpés par la putréfaction ? Leur origine est dans les autres occasions extrèmement obscure. Lorsque les vents sont renfermés dans la matrice, on n’a pour leur donner issue qu’à en dilater l’orifice ; c’est ordinairement la nature qui opere cet effet : on a vû

quelquefois les purgatifs forts & les lavemens irritans, donnés dans d’autres vûes, procurer l’expulsion de ces vents ; ce pourroit être un motif pour s’en servir dans ce cas. Si l’éruption est habituelle, elle est incurable, ou suit le sort de la maladie qui la produit & l’entretient. Le sang se ramasse dans la matrice, lorsque son orifice ou celui du vagin est fermé ; alors le sang menstruel, fourni par les vaisseaux, mais n’étant point évacué, se ramasse. Sa quantité augmente tous les mois ; le ventre s’éleve quelquefois au point de faire naître des doutes sur la grossesse : cette méprise est de grande conséquence, parce qu’elle peut flétrir la réputation de filles très-sages, ou laisser des femmes dans une funeste sécurité. Un vice qui donne assez ordinairement lieu à cette maladie, est la membrane de l’hymen qui n’est point percée, & qui est quelquefois double. Un fameux médecin de Montpellier, professeur dans la celébre université de cette ville (M. Fize), me racontoit il y a quelques mois, qu’il avoit été appellé pour examiner une jeune fille qu’on avoit soupçonnée de grossesse, jusqu’à ce qu’elle eût passé le dixieme mois, avec une enflure considérable du ventre qui augmentoit encore. En visitant cette fille il s’apperçut qu’elle étoit imperforée ; il ne douta plus alors que cette tumeur ne fût occasionnée par le sang menstruel retenu : il ordonne en conséquence, au chirurgien présent, de couper cette membrane. Cette section donna issue à une quantité prodigieuse de sang, aussi fluide, rouge & naturel que celui qu’on tire de la veine ; & c’est-là le seul secours convenable dans ce cas, quand on est bien assuré de sa réalité. S’il n’y a qu’une simple obstruction, ou resserrement à l’orifice de la matrice, il faut se servir des moyens propres à corriger ces vices, si l’on est assez heureux pour les connoître : le plus souvent la solution de cette maladie, est l’ouvrage de la nature.

Inflammation de la matrice. Cette maladie est peu connue, les médecins modernes en font rarement mention ; les anciens s’y sont un peu plus arrêtés. Paul d’Egine en donne une description fort détaillée. lib. III. cap. 64. Les symptomes qui la caractérisent sont, suivant cet auteur, une fievre ardente, une chaleur vive, une douleur aiguë, rapportée à la région de la matrice, aux aînes, aux lombes, à l’hypogastre, suivant que l’inflammation occupe les parties latérales, postérieures ou antérieures de la matrice ; à ces symptomes se joignent l’extrème difficulté d’uriner, douleur à la tête, à la base des yeux, aux mamelles, qui s’étend de-là au dos & aux épaules, aux jointures des mains, des doigts, &c. les mouvemens irréguliers du col, nausées, vomissement, hoquet, défaillance, convulsions, délire, &c. la langue est seche, le pouls est petit, serré, tel en un mot, que celui qui est connu sous le nom de pouls inférieur ; l’orifice de la matrice paroît dur & resserré ; les douleurs de la matrice augmentent par la pression, ou par les mouvemens de la malade.

Les causes les plus ordinaires de cette inflammation, sans parler ici des générales, (voyez Inflammation) sont les coups, les blessures, la suppression des regles, ou des vuidanges dans les nouvelles accouchées, le froid, des passions d’ame vives & subites, quelque corps étranger, comme l’arriere-faix resté après l’accouchement en entier ou en partie dans la matrice, un fœtus mort y sejournant trop long-tems, un accouchement laborieux, &c.

L’inflammation de la matrice est une maladie très dangereuse, tous les accidens qui l’accompagnent sont grands ; il est rare qu’elle se termine par la résolution, le plus souvent elle dégénere en ulcere, en skirrhe ou en gangrene, terminaisons toutes très-