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augmente le poids, & la fait tendre nécessairement vers les parties inférieures ; les personnes enceintes risquent cette maladie lorsqu’elles font des exercices violens, qu’elles font de grands efforts pour lever des fardeaux pesans, pour aller à la selle, pour vomir, tousser, éternuer, &c. lorsqu’elles dansent & sautent beaucoup, lorsqu’elles font des voyages un peu longs dans des voitures mal suspendues qui cahotent beaucoup, &c. Mais de toutes les causes, celle qui est la plus fréquente & la plus dangereuse, c’est l’accouchement laborieux & opéré par un chirurgien mal-adroit, qui ébranlera, secouera vivement la matrice, tirera sans ménagement les vaisseaux ombilicaux, & voudra détacher par force l’arriere-faix ; par-là il entraînera la matrice en bas, tiraillant ou déchirant ses ligamens, ou il la renversera, & même, ce qui est le plus fâcheux, il emportera tout-à-fait la matrice.

Lorsque la descente est incomplette, cette maladie est plus incommode que dangereuse ; elle est, outre cela, un obstacle au coït, & par conséquent à la génération ; elle trouble par-là une des fonctions les plus intéressantes & la plus agréable ; on a cependant vû quelquefois des femmes concevoir dans cet état. Lorsque la matrice est tout-à-fait tombée, il est à craindre qu’il ne se forme un étranglement qui amene l’inflammation & la gangrene ; l’action de l’air sur des parties qui n’y sont point accoutumées peut être facheuse ; néanmoins les deux filles dont Moriceau nous a laissé l’histoire, gardoient depuis sept ans cette descente sans autre incommodité, étoient très-bien reglées, & il n’en est pas de même lorsque la matrice est renversée ; l’inflammation & la gangrene suivent de près l’accident, & la mort est ordinairement prochaine : les descentes qu’occasionne un défaut dans l’accouchement, sont accompagnées d’un danger beaucoup plus prompt & plus pressant que les autres ; enfin, lorsqu’elle a lieu dans les filles qui le sont réellement, elle est plus opiniâtre & plus difficile à réduire, à cause que les parties par lesquelles on doit faire rentrer la matrice, naturellement fort étroites, n’ont pas encore été élargies.

Dès qu’on s’apperçoit de la descente de matrice, il faut tâcher de la réduire ; mais on doit auparavant examiner si elle est bien saine, sans inflammation & gangrene : car si on en appercevoit quelques traces, il faudroit, avant de la remettre, y faire quelques légeres scarifications avec la pointe de la lancette, & la fomenter avec des décoctions de quinquina, de scordium, l’eau-de-vie camphrée, ou autres anti-septiques, ce qu’on pourra continuer quand elle sera resserrée : avant d’essayer la réduction, il faut avoir attention, pour la faciliter, de faire uriner la femme, de la faire aller du ventre par un leger lavement s’il est nécessaire ; après quoi on la fait coucher sur le dos, la tête fort basse, & les fesses élevées ; on prend la matrice, qu’on envelope d’un linge fort souple, & l’on tâche, par des legeres secousses de côté & d’autres, de la repousser en-dedans ; on a soin auparavant d’oindre ces parties d’huile d’amandes douces, de beurre, ou de graisse bien fraîche, &c. Roderic à Castro, auteur connu par un excellent Traité sur maladies des femmes, conseille, pour faire rentrer la matrice, d’en approcher un fer rouge, comme si on vouloit la brûler ; il assure qu’alors la matrice se retire avec impétuosité ; & pour prouver l’efficacité de ce remede, il cite le succès qu’il a eu dans une descente de boyau, qui fut reduit tout de suite par cet ingénieux artifice. Quand la matrice est bien réduite, il faut en prévenir la rechute, & la contenir par un pessaire qu’on introduira simplement dans le vagin, & non pas dans la matrice, comme le prétend ridiculement

Rousset : ces pessaires seront percés pour laisser passer les excrétions de la matrice, & pour laisser le moyen d’injecter quelque liqueur astringente, comme la décoction de plantin, de grenades, les eaux de forge, &c. pour fortifier la matrice ; d’ailleurs la femme peut alors user du coït, quoiqu’elle doive s’en abstenir, & même engendrer, comme il conste par des observations. Si la descente est une suite d’un relâchement occasionné par un état chlorétique, cachectique, d’hydropisie, &c. il faut user des remedes qui sont convenables dans ces maladies, & sur-tout insister sur les martiaux. On peut même fortifier les reins par des fomentations astringentes, &c. Si une femme enceinte est sujette à cet accident, il faut qu’elle agisse très-peu, qu’elle reste presque toujours au lit, ou couchée dans une bergere ; & lorsqu’on les accouche, il faut que le chirurgien, ou la sage-femme à chaque douleur soutienne l’orifice de la matrice, en même tems qu’elle tâche d’attirer en-dehors la tête de l’enfant ; sans cette précaution on risque d’entrainer la matrice avec l’enfant. Il arrive quelquefois que la matrice ayant resté trop long-tems dehors, est étranglée dans quelque partie ; l’inflammation se forme, le volume augmente, la gangrene survient ; alors ou la réduction est impossible, ou elle est dangereuse ; il n’y a pas d’autre parti à prendre que de couper entierement la matrice ; il ne manque pas d’observations qui font voir qu’on peut faire cette opération, sans mettre la vie de la malade dans un danger évident. On a quelquefois pris la matrice pour une tumeur, on l’a extirpée en conséquence, sans qu’il en soit résulté aucun accident fâcheux ; l’art peut imiter & suivre ces heureux hasards ; mais il ne doit le faire que dans une extrème nécessité ; & lorsqu’elle est bien décidée, il ne faut pas balancer à recourir à ce remede, le seul qui puisse avoir quelque heureux succès, sans examiner scrupuleusement s’il est infaillible. Nihil interest, dit Celse, an satis tutum præsidium sit, quod unicum est.

Hernie de la matrice, hystérocele, υστερο-κηλη. La plus légere teinture d’anatomie suffit pour faire sentir combien il est difficile que la matrice soit portée hors du péritoine, & sur-tout par les anneaux des muscles du bas-ventre, pour y former une hernie ; mars les raisonnemens les plus plausibles ne sauroient détruire un fait, & quelqu’impossible que paroisse un tel déplacement de la matrice, il est certain qu’on en a vû quelques exemples. Sennert raconte que la femme d’un tonnelier, dans les premiers mois de sa grossesse, aidant à son mari à courber des perches, reçut un violent coup à l’aîne gauche de cette perche, qui, étant lâchée, se remettoit par son élasticité ; il survint immédiatement après une tumeur, qui augmenta tous les jours, de façon à mettre un obstacle à sa réduction. Lorsque le terme de l’accouchement arriva, il ne fut pas possible de tirer l’enfant par les voies ordinaires ; on fut obligé d’en venir à l’opération césarienne, qu’on pratiqua sur la tumeur. Cette opération fut avantageuse à l’enfant, & préjudiciable à la mere, dont elle accélera la mort d’ailleurs inévitable. Institut. medic. lib. II. part. I. cap. ix. Moriceau dit avoir vû dans une femme grosse de six mois & demi, une hernie ventrale si considérable, que la matrice & l’enfant étoient presqu’entierement contenus dans cette tumeur, qui s’élevoit prodigieusement par-dessus le ventre. Liv. III. ch. xv.

Pour concevoir comment cette hernie peut se former, il faut faire attention que cette maladie est particuliere aux femmes enceintes, qu’alors la matrice augmentant en volume, force les enveloppes extérieures du bas-ventre, les contraint de se dilater ; il peut arriver alors que le péritoine, peu sus-