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Matrice, se dit aussi des endroits propres à la génération des végétaux, des minéraux & des métaux.

Ainsi la terre est la matrice où les graines poussent. Les marcassites sont regardés comme les matrices des métaux. Voyez Fossile, Minéral, Marcassite, &c.

Matrice, se dit figurément de différentes choses, où il paroît une espece de génération & où certaines choses semblent acquérir un nouvel être, ou du moins une nouvelle maniere d’être. De ce genre sont les moules où l’on met les caracteres d’Imprimerie, & ceux dont on se sert pour frapper les monnoies & les médailles, & qu’on appelle coins. Voyez Coin & Monnoyage.

Matrice, maladies de la, (Médecine.) c’est bien avec raison qu’Hippocrate a dit, que la matrice étoit la source, la cause, & le siege d’une infinité de maladies : elle joue en effet un grand rôle dans l’œconomie animale ; le moindre dérangement de ce viscere est suivi d’un desordre universel dans toute la machine ; on pourroit assurer qu’il n’est presque point de maladie chez les femmes où la matrice n’ait quelque part ; parmi celles qui dépendent principalement de sa lésion, il y en a qui sont générales, connues sous les noms particuliers de fureur, suffocations utérines, vapeurs, passion hystérique & maladies, qui, quoiqu’elles ne soient pas excitées par un déplacement réel de la matrice, comme quelques anciens l’ont prétendu, sont le plus souvent occasionnées & entretenues par quelque vice considérable dans cette partie que les observations anatomiques démontrent, & qui donnent lieu à ce sentiment. Voyez tous ces articles séparés. Les autres maladies sont spécialement restreintes à cette partie, ou locales : le vice de la matrice qui les constitue est apparent, & forme le symptôme principal : dans cette classe nous pouvons ranger toutes celles qui regardent l’évacuation menstruelle, qui sont ou seront traitées à l’article Regles, voyez ce mot ; ensuite la chute ou descente, l’hernie, l’hydropisie, l’inflammation, l’ulcere, le skirrhe, & enfin le cancer de la matrice ; nous allons exposer en peu de mots ce qu’il y de particulier sur ces maladies, relativement à leur siege dans cette partie.

Chute ou descente de matrice, prolapsus uteri, υστερου προπθωσις. La matrice dans l’état naturel est soutenue par plusieurs ligamens à l’extrémité du vagin, à une certaine distance qui varie dans différens sujets de l’entrée de la vulve ; il arrive quelquefois que la matrice descend dans le vagin, en occupe tout l’espace, quelquefois même elle s’étend en dehors, & pend entre les cuisses. Quelques auteurs uniquement fondés sur leur inexpérience (tels sont Kerkringius, Van-Roonhuysen, Van-Meeckren, &c.) ont refusé de croire que la descente de matrice pût avoir lieu ; on pourroit leur opposer une foule d’observations qui constatent évidemment ce fait : on peut consulter à ce sujet Fabrice de Hildan, Mauriceau, Deventer, Diemerbroek, Stalpart, Van-Derwiel, &c. & tous ceux qui ont traité des accouchemens & des maladies des femmes ; il est vrai que quelquefois la descente du vagin peut en imposer ; on peut même prendre des tumeurs polypeuses, attachées à l’orifice de la vulve, pour la chute de la matrice, comme Seger rapporte s’y être trompé lui-même. Meeckren a aussi une observation semblable ; mais les ouvertures des cadavres confirment encore ce fait. Graaf, Blasius assurent avoir ouvert des femmes dans lesquelles ils trouverent effectivement la matrice déplacée, & presqu’entierement contenue dans le vagin ; & Jean Bauhin rapporte qu’il avoit pris une véritable descente de matrice pour un corps étranger, & qu’il ne connut sa méprise que par l’ouverture dû cadavre ; mais ce

qui doit ôter tout sujet de doute, c’est qu’on a quelquefois emporté la matrice ainsi descendue ; Ambroise Paré raconte avoir détaché une matrice qui pendoit dehors le vagin ; cette opération rétablit la santé à la malade ; mais étant morte d’une autre maladie quelques années après, on l’ouvrit, l’on ne trouva point de matrice ; on peut voir des observations semblables dans Berenger, Langius, Mercurialis, Duret, & plusieurs autres, qui tous assurent avoir extirpé la matrice sans suite facheuse. J’ai connu un chirurgien qui, en accouchant une dame, emporta la matrice, & la faisoit voir comme une piece curieuse, bien éloigné de penser que ce fût effectivement elle ; cet accident couta cependant la vie à la malade.

La descente de matrice est accompagnée de différens symptômes, suivant qu’elle est plus ou moins complette, qui servent à nous la faire reconnoître ; lorsque la matrice n’est descendue que dans le vagin, on s’en apperçoit en y introduisant les doigts, on sent l’orifice interne de la matrice se présenter d’abord à l’ouverture ; le devoir & les plaisirs du mariage sont à charge, insipides, douloureux, difficiles ou impossibles à remplir. Il y a outre cela une difficulté d’uriner, d’aller à la selle, la matrice déplacée comprimant la vessie & le rectum ; on sent aussi pour l’ordinaire des douleurs, des tiraillemens aux lombes, partie où vont s’implanter les ligamens larges ; ces douleurs se terminent aussi quelquefois à l’extérieur de la vulve, aux aînes ; & lorsque la matrice est entierement tombée, on peut par la vûe se convaincre de l’état de la maladie ; il faut, pour ne pas se tromper, être bien instruit de la figure de la matrice ; il arrive quelquefois que la matrice en tombant ainsi se renverse, c’est-à-dire, que l’orifice reste en-dedans du vagin, tandis que la partie intérieure du fond se présente au-dehors ; dans ces circonstances, on pourroit, comme il est arrivé plus d’une fois, la confondre avec quelque tumeur, quelque concrétion polypeuse ; mais un bon anatomiste ne risque pas de tomber dans cette erreur, sur-tout s’il fait attention que les tumeurs augmentent insensiblement, au-lieu que cette descente se fait subitement toujours à la suite d’un accouchement laborieux, & par la faute d’un mauvais chirurgien, ou d’une sage-femme inhabile. D’ailleurs, il suinte continuellement de la matrice quelque sérosité jaunâtre ou sanguinolente. Plusieurs auteurs ont pensé que cette maladie étoit spécialement affectée aux femmes mariées, qu’on ne l’observoit jamais chez les jeunes filles, parce que, disent-ils, les ligamens sont trop forts, la matrice trop serrée & trop ferme ; mais ce mauvais raisonnement est démontré faux par quelques observations : Mauriceau dit avoir vû la matrice pendre entre les cuisses de la grosseur de la tête d’un enfant dans deux filles, qui portoient cette incommodité depuis sept ans ; il vint à bout malgré cela de la remettre heureusement. Observation xcvj. Il y a même dans quelque auteur un exemple d’une jeune enfant de trois ou quatre ans atteinte de cette maladie. Pour ce qui regarde le renversement de la matrice, il est très-certain qu’il est particulier aux femmes nouvellement accouchées.

Les causes de cet accident consistent dans un relâchement, ou dans la distraction, & même le déchirement & la rupture totale des ligamens qui retiennent la matrice attachée & suspendue ; le relâchement est principalement occasionnée par l’état cachectique, chlorétique, par les fleurs-blanches, par l’hydropisie ; c’est pourquoi Bartholin remarque que les femmes hydropiques sont très-sujettes à la chute de matrice. Ces causes sont favorisées par la grossesse ; l’enfant qui est alors dans la matrice en