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cet état, y sont rançonnés comme autrefois parmi les chrétiens.

Les alcaïdes gouvernent le royaume sous l’autorité du chérif, car il n’a ni cour de justice, ni conseil particulier, ni ministre ; il est l’auteur, l’interprete & le juge de ses lois. Dans son royaume de Maroc, comme à la Chine, il donne le droit à l’empire par son testament en faveur de celui de ses enfans qu’il lui plaît de nommer, ou même d’un autre sujet pour son successeur. Ainsi les partis peuvent se former pendant la vie du monarque ; & s’il ne fait point de testament, ou s’il ne laisse point de nomination par son testament, tout se trouve préparé à la division & aux guerres civiles.

J’ajoute que le roi de Maroc, malgré son despotisme, reconnoît en matiere de religion l’autorité supérieure du Moufti & de ses prêtres ; il n’a pas le pouvoir de les déposer, quoiqu’il ait celui de les établir : cependant s’ils mettoient obstacle à ses desseins, sa vengeance seroit sûre & leur perte inévitable, à moins qu’ils ne le détronassent au même moment. (D. J.)

Maroc, province de, (Géog.) c’est la principale des sept provinces du royaume de même nom, & qui forme une figure triangulaire au milieu des autres.

Cette province se nommoit autrefois Bocano emero, & sa capitale étoit l’ancienne ville d’Agmet, d’où les Lumptunes ou Almoravides vinrent fondre dans le pays. Ils y bâtirent ensuite la ville de Maroc pour être le siége de leur empire & la capitale non-seulement de la province, mais encore de toute la partie occidentale de la Mauritanie Tangitane.

Les habitans de cette province ont hors des montagnes un terrein abondant en froment, en orge, en millet & en dattes ; ils sont dans les villes assez bien vêtus à leur mode, mais les montagnards sont misérables, parce qu’ils ne recueillent qu’un peu d’orge sous la neige. (D. J.)

Maroc, (Géogr.) capitale du royaume & de la province de même nom ; c’est une grande ville, la mieux située de toute l’Afrique, dans une belle plaine, à cinq ou six lieues du mont Atlas, environnée des meilleures provinces de la Mauritanie tangitane. On croit que c’est l’ancienne Bocanum Hemerum, où il y avoit un évêché avant la domination des Maures. Elle a été bâtie par Abu Téchifien, premier roi des Almoravides, environ l’an 1052, & 454 de l’hégire. Elle est fermée de bonnes murailles faites à chaux & à sable, avec une forteresse du côté du midi ; mais cette ville a bien déchu de son ancienne splendeur, & ne contient pas aujourd’hui 25 mille ames. Sa forteresse & sa mosquée, autrefois si fameuses, ne sont plus rien. Maroc est à environ 100 lieues S. O. de Fez, 50 N. E. de Sus. Long. 10. 50. lat. 30. 32. (D. J.)

Maroc, s. m. (Draps.) serges qui se fabriquent à Rouen. Voyez l’article Manufacture en laine.

MAROCOSTINES, (Pharmacie.) pilules marocostines ; c’est un extrait cathartique composé des drogues suivantes.

Prenez gomme ammoniaque une once & demie ; myrrhe, six gros ; aloës, une livre ; agaric, six gros ; rhubarbe, trois oncas ; safran, une demi-once ; costus, six gros ; bois d’aloës, deux gros ; feuilles de lentisque, une demi-once : faites une décoction des six derniers ingrédiens dans deux livres de suc de rose de damas, & dans une quantité suffisante d’eau commune. Exprimez le tout fortement : ajoutez ensuite la gomme ammoniaque & la myrrhe dissoute dans quatre onces de vinaigre de squille avec l’aloës. Donnez au tout une consistence convenable par évaporation.

Ce remede est apéritif ; il s’ordonne depuis quinze

grains jusqu’à deux scrupules. C’est un grand atténuant & désobstructif.

MAROGNA, (Géog.) c’est l’ancienne Maronca ; petite ville de Turquie dans la Romanie : l’archevêque de Trajanopoli y fait sa résidence. Elle est située proche la mer, à 28 lieues S. O. d’Andrinople, 60 S. O. de Constantinople. Long. 43. 16. lat. 40. 56. (D. J.)

MAROK, s. m. (Hist. nat.) oiseau que l’on trouve en Ethiopie & en Abissinie : on le nomme aussi oiseau de miel, à cause de l’instinct qui lui fait découvrir le miel des abeilles sauvages, qu’elles cachent avec soin ou sous la terre ou dans les creux de quelques arbres. Lorsque le marok a découvert un de ces trésors cachés, il en avertit les voyageurs par son cri ; & lorsqu’il est parvenu à s’en faire suivre, il bat des aîles & fait un ramage agréable sur l’endroit où le miel est renfermé. On a soin d’en laisser quelque portion pour le guide, qui est fort avide de s’en nourrir.

MARON, s. m. terme de relation. On appelle marons dans les îles françoises les negres fugitifs qui se sauvent de la maison de leurs maîtres, soit pour éviter le châtiment de quelque faute, soit pour se délivrer des injustes traitemens qu’on leur fait. La loi de Moïse ordonnoit que l’esclave à qui son maître auroit cassé une dent seroit mis en liberté ; comme les chrétiens n’acquierent pas les esclaves dans ce dessein, ceux-ci accablés de travaux ou de punitions, s’échappent par-tout où ils peuvent, dans les bois, dans les montagnes, dans les falaises, ou autres lieux peu fréquentés, & en sortent seulement la nuit pour chercher du manioc, des patates, ou autres fruits dont ils subsistent. Mais selon le code noir, c’est le code de marine en France, ceux qui prennent ces esclaves fugitifs, qui les remettent à leurs maîtres, ou dans les prisons, ou entre les mains des officiers de quartier, ont cinq cens livres de sucre de récompense. Il y a plus : lorsque les marons refusent de se rendre, la loi permet de tirer dessus ; si on les tue, on en est quitte en faisant sa déclaration par serment. Pourquoi ne les tueroit on pas dans leur fuite, on les a bien achetés ? Mais peut-on acheter la liberté des hommes, elle est sans prix ? Voyez Esclavage, Droit nat. Morale, Religion.

Au reste, j’oubliois de dire une chose moins importante, l’origine du terme maron : ce terme vient du mot espagnol simaran, qui signifie un singe. Les Espagnols qui les premiers habiterent les îles de l’Amérique, crurent ne devoir pas faire plus d’honneur à leurs malheureux esclaves fugitifs, que de les appeller singes, parce qu’il se retiroient comme ces animaux au fond des bois, & n’en sortoient que pour cueillir les fruits qui se trouvoient dans les lieux les plus voisins de leur retraite. (D. J.)

MARONÉE, Maronea, (Géogr. anc.) ville de Thrace entre le fleuve Nestus & la Chersonèse. Il paroît par des médailles qu’elle reconnoissoit Bacchus pour son protecteur, à cause de l’excellence du vin de son territoire, déja renommé dès le tems d’Homere, puisque c’étoit-là qu’Ulysse avoit pris celui dont il enivra le cyclope. Cette ville s’appelle aujourd’hui Marogna, située dans la Romanie sur la côte, près du lac Bouron. Pline dit qu’elle avoit été bâtie par Maron l’égyptien, qui suivit Osiris ou Bacchus dans ses conquêtes. (D. J.)

MARONIAS, (Géog. anc.) ou MARONIAS ; ville de Syrie. Ptolomée la place dans la Chalcydie, & les modernes à environ 12 lieues d’Antioche, elle devint un évêché. (D. J.)

MARONITES, s. m. (Hist. eccles.) nom qu’on donne à une société de chrétiens du rit Syrien, qui sont soumis au pape, & dont la principale demeure est au mont Liban. Leur langue vulgaire est l’arabe.