Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieu avoit droit de coucher avec la nouvelle mariée la premiere nuit de ses noces. Cette coutume barbare qui avoit lieu en Ecosse, y fut abolie par Malcome, & convertie en une retribution pécuniaire. En France, quelques seigneurs s’étoient arrogé des droits semblables, ce que la pureté de nos mœurs n’a pu souffrir.

Comme il n’y a rien de si naturel que le mariage, & si nécessaire pour le soutien des états, on doit toujours favoriser ces sortes d’établissemens.

L’éloignement que la plûpart des hommes avoient pour le mariage, soit par amour pour leur liberté, soit par la crainte des suites que cet engagement entraîne après soi, obligea dans certains tems de faire des lois contre le célibat. Voyez Célibat.

En France, les nouveaux mariés sont exemts de la collecte du sel pendant un an.

Quoique le mariage consiste dans l’union des corps & des esprits, le consentement des contractans en fait la base & l’essence, tellement que le mariage est valablement contracté, quoiqu’il n’ait point été consommé, pourvû qu’au temps de la célébration l’un ou l’autre des conjoints ne fût pas impuissant.

Pour la validité du mariage, il ne faut en général d’autre consentement que celui des deux contractans, à moins qu’ils ne soient en la puissance d’autrui.

Ainsi les princes & princesses du sang ne peuvent se marier sans le consentement du roi.

Dans le royaume de Naples, les officiers ne peuvent pareillement se marier sans la permission du roi ; il est défendu aux évêques de souffrir qu’il se fasse de pareils mariages dans leur diocese. Autrefois, en France, le gentilhomme qui n’avoit que des filles perdoit sa terre s’il les marioit sans le consentement de son seigneur ; & la mere en ayant la garde qui les marioit sans ce même consentement, perdoit ses meubles. L’héritiere d’un fief, après la mort de son pere, ne pouvoit pas non plus être mariée sans le consentement de son seigneur : cet usage subsistoit encore du tems de saint Louis, suivant les établissemens ou ordonnances qu’il fit.

Les enfans mineurs ne peuvent se marier sans le consentement de leurs pere & mere.

Suivant le droit romain, observé dan, tous les parlemens de droit écrit, le mariage n’émancipe pas ; mais dans toutes les coutumes & dans les pays de droit écrit du ressort du parlement de Paris, le mariage opere une émancipation tacite.

Ceux qui n’ont plus leurs pere & mere & qui sont encore mineurs, ne peuvent se marier sans avis de parens ; le consentement de leur tureur ou curateur, ne suffit pas pour autoriser le mariage.

Pour la validité du mariage, il faut un consentement libre, c’est pourquoi le mariage ne peut subsister entre le ravisseur & la personne ravie.

On regarde comme un devoir de la part du pere de marier ses filles, & de les doter selon ses moyens ; les filles ne peuvent cependant contraindre leur pere à le faire.

Le mariage parmi nous est quelquefois précédé de promesses de mariage, & ordinairement il l’est par des fiançailles.

Les promesses de mariage se font ou par des articles & contrats devant un notaire, ou par des promesses sous seing privé.

Ces promesses pour être valables, doivent être accompagnées de plusieurs circonstances.

La premiere, qu’elles soient faites entre personnes ayant l’âge de puberté, & qui soient capables de se marier ensemble.

La seconde, qu’elles soient par écrit, soit sous seing privé ou devant notaire. L’art. vij. de l’ordonnance de 1679 défend à tous juges, même d’Eglise, d’en recevoir la preuve par témoins.

La troisieme, qu’elles soient réciproques & faites doubles entre les parties contractantes, quand il n’y en a point de minute.

La quatrieme, qu’elles soient arrêtées en présence de quatre parens de l’une & l’autre des parties, quoiqu’elles soient de basse condition ; c’est la disposition de l’art. vij. de l’ordonnance de 1679, ce qui ne s’observe néanmoins que pour les mariages de mineurs.

Quand une des parties contrevient aux promesses de mariage, l’autre la peut faire appeller devant le juge d’Eglise pour être condamnée a les entretenir.

Le chapitre litteris veut que l’on puisse contraindre par censures ecclésiastiques d’accomplir les promesses de mariage ; c’est une décision de rigueur & de séverité, fondée sur le parjure qu’encourent ceux qui contreviennent à leur foi & à leur serment ; & pour obvier à ce parjure, on pensoit autrefois que c’étoit un moindre mal de contraindre au mariage ; mais depuis les choses plus murement examinées, l’on a trouvé que ce n’est point un parjure de résilier des promesses de mariage, on présume qu’il y a quelque cause légitime qu’on ne veut pas déclarer, & quand il n’y auroit que le seul changement de volonté, il doit être suffisant, puisque la volonté doit être moins forcée au mariage qu’en aucune autre action ; c’est pour ce sujet qu’ont été faites les decrétales præterea & requisivit, par lesquelles la liberté est laissée toute entiere pour contracter mariage, quelques promesses que l’on puisse alléguer.

Autrefois, dans quelques parlemens, on condamnoit celui qui avoit ravi une personne mineure à l’épouser, sinon à être pendu ; mais cette jurisprudence dont on a reconnu les inconvéniens, est présentement changée, on ne condamne plus à épouser.

Il est vrai qu’en condamnant une partie en des dommages & intérêts pour l’inexécution des promesses de mariage, on met quelquefois cette alternative si mieux n’aime l’épouser, mais cette alternative laisse la liberté toute entiere de faire ou ne pas faire le mariage.

Les peines apposées dans les promesses de mariage sont nulles, parce qu’elles ôtent la liberté qui doit toujours accompagner les mariages, on accorde néanmoins quelquefois des dommages & intérêts selon les circonstances ; mais si l’on avoit stipulé une somme trop forte, elle seroit reductible, parce que ce seroit un moyen pour obliger d’accomplir le mariage, soit par l’impossibilité de payer le dédit, soit par la crainte d’être ruiné en le payant.

Les fiançailles sont les promesses d’un mariage futur qui se font en face d’Eglise ; elles sont de bienséance & d’usage, mais non pas de nécessité ; elles peuvent se contracter par toutes sortes de personnes, âgées du moins de sept ans, du consentement de ceux qui les ont en leur puissance. Voy. Fiançailles.

Le contrat civil du mariage est la matiere, la base, le fondement & la cause du sacrement de mariage, c’est pourquoi il doit être parfait en soi pour être élevé à la dignité de sacrement ; car Dieu n’a pas voulu sanctifier toute conjonction, mais seulement celles qui se font suivant les lois reçues dans la société civile, de maniere que quand le contrat civil est nul par le défaut de consentement légitime, le sacrement n’y peut être attaché.

Le contrat ne produit jamais d’effets civils lorsqu’il n’y a point de sacrement : il arrive même quelquefois que le contrat ne produit point d’effets civils, quoique le sacrement soit parfait ; savoir, lorsque le contrat n’est pas nul par le défaut de consentement légitime, mais par le défaut de quelque formalité requise par les lois civiles, qui n’est pas de l’essence du mariage, suivant les lois de l’Eglise.

Toute personne qui a atteint l’âge de puberté, peut se marier.