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ΑΒΡΑϹΑΞ. ΑΔΩΝΑΙ. ΔΑΙΜΟΝΩΝ. ΔΕΞΙΑΙ. ΔΥΝΑΜΕΙϹ. ΦΥΛΑΞΑΤΕ. ΟΥΛΒΙΑΝ. ΠΑΥΛΕΙΝΑΝ. ΑΠΟ. ΠΑΝΤΟϹ. ΚΑΚΟΙ. ΔΑΙΜΟΝΟϹ ; c’est-à-dire Abraxas Adonar, ou Seigneur des démons, bonnes Puissances, préservez Ulpie Pauline de tout méchant démon ; formule qui ressent fort le Paganisme. Mais ce qu’ajoûte M. Basnage n’est pas aussi juste : « Abraxas, continue-t-il, est un mot barbare qui ne signifie rien, & dans lequel il ne faut chercher que des nombres. Les Basilidiens s’en servoient pour exprimer le Dieu Souverain qui a créé trois cens soixante-cinq Cieux, & partagé le cours du Soleil en trois cens soixante-cinq jours ». On a vû ci-dessus qu’abraxas n’est point le nom que les Basilidiens donnoient au Dieu Suprème ; & nous allons montrer que ce terme n’est pas un mot barbare, & qui ne signifie rien.

Les recherches de M. de Beausobre nous en fourniront la preuve. « Je crois, dit ce Savant, qu’abraxas ou abrasax est composé de deux mots Grecs. Le premier est ἀϐρὸς qui a diverses significations ; mais entr’autres celle de beau, de magnifique. C’est une épithete ou un attribut du Dieu appellé Jao, comme on le voit dans cet Oracle d’Apollon de Claros rapporté par Macrobe. Saturnal, lib. 1. 17.

Κείματι μὲν τ’Ἀΐδην, Διὰ δὲ εἴαρος ἀρκομένοιο
Ἠέλιος δὲ ἴερειν, μεταπῶρα δ’ἄϐρον Ἰαό.

« C’est-à-dire, Pluton préside sur l’hyver, Jupiter sur le printems, le Soleil sur l’été, & le beau Jao sur l’automne. On traduit ordinairement mollis Iao, ce qui ne veut pas dire une Divinité molle & foible, mais une Divinité qui fournit aux hommes toutes les délices de la vie, & qui préside sur l’automne, saison des vins & des fruits… Ἀϐρὸς signifie aussi beau, majestueux, superbe, de là vient l’ἀϐραϐαινεῖν d’Euripide, pour dire une démarche superbe, majestueuse.... Dans les vers que je viens d’alléguer Iao est Bacchus : mais Bacchus est le Soleil, comme Macrobe l’a fait voir.... Quoi qu’il en soit, ἀϐρὸς est une épithete du Soleil. Le second mot Grec dont abrasax est composé, est ou celui de Sao, ΣΑΩ, qui est souvent employé dans Homere, & qui veut dire sauver ou guérir, ou celui de Sa, ΣΑ, qui signifie salut, santé. Ainsi abrasax voudroit dire à la lettre le beau, le magnifique Sauveur, celui qui guérit les maux, & qui en préserve ». Hist. du Manichéis. tome II. pag. 55.

M. de Beausobre détaille ensuite fort au long les preuves qui établissent qu’abrasax ou ce magnifique Sauveur n’est autre que le Soleil. C’est pourquoi nous renvoyons les Lecteurs à l’ouvrage de cet Auteur. Cet article est en grande partie tiré des Mémoires de M. Formey, Historiographe de l’Académie royale de Prusse. (G)

ABREGÉ, s. m. épitome, sommaire, précis, raccourci. Un abregé est un discours dans lequel on réduit en moins de paroles, la substance de ce qui est dit ailleurs plus au long & plus en détail.

« Les Critiques, dit M. Baillet, & généralement tous les Studieux qui sont ordinairement les plus grands ennemis des abregés, prétendent que la coûtume de les faire ne s’est introduite que long-tems après ces siecles heureux où fleurissoient les Belles-Lettres & les Sciences parmi les Grecs & les Romains. C’est à leur avis un des premiers fruits de l’ignorance & de la fainéantise, où la barbarie a fait tomber les siecles qui ont suivi la décadence de l’Empire. Les Gens de Lettres & les Savans de ces siecles, disent-ils, ne cherchoient plus qu’à abreger leurs peines & leurs études, sur-tout dans la lecture des Historiens, des Philosophes, & des Jurisconsultes, soit que ce fût le loisir, soit que ce fût le courage qui leur manquât ».

Les abregés peuvent, selon le même Auteur, se réduire à six especes differentes ; 1°, les épitomes

l’on a réduit les Auteurs en gardant régulierement leurs propres termes & les expressions de leurs originaux, mais en tâchant de renfermer tout leur sens en peu de mots ; 2°. les abrégés proprement dits, que les Abréviateurs ont faits à leur mode, & dans le style qui leur étoit particulier ; 3°. les centons ou rhapsodies, qui sont des compilations de divers morceaux ; 4°. les lieux communs ou classes sous lesquelles on a rangé les matieres relatives à un même titre ; 5°. les Recueils faits par certains Lecteurs pour leur utilité particuliere, & accompagnés de remarques ; 6°. les extraits qui ne contiennent que des lambeaux transcrits tout entiers dans les Auteurs originaux, la plûpart du tems sans suite & sans liaison les uns avec les autres.

« Toutes ces manieres d’abreger les Auteurs, continue-t-il, pouvoient avoir quelque utilité pour ceux qui avoient pris la peine de les faire, & peut-être n’étoient-elles point entierement inutiles à ceux qui avoient lû les originaux. Mais ce petit avantage n’a rien de comparable à la perte que la plûpart de ces abregés ont causée à leurs Auteurs, & n’a point dédommagé la République des Lettres ».

En effet, en quel genre ces abregés n’ont-ils pas fait disparoître une infinité d’originaux ? Des Auteurs ont crû que quelques-uns des Livres saints de l’ancien Testament n’étoient que des abregés des Livres de Gad, d’Iddo, de Nathan, des Mémoires de Salomon, de la Chronique des Rois de Juda, &c. Les Jurisconsultes se plaignent qu’on a perdu par cet artifice plus de deux mille volumes des premiers Ecrivains dans leur genre, tels que Papinien, les trois Scevoles, Labéon, Ulpien, Modestin, & plusieurs autres dont les noms sont connus. On a laissé périr de même un grand nombre des ouvrages des Peres Grecs depuis Origene ou S. Irenée, même jusqu’au schisme, tems auquel on a vû toutes ces chaînes d’Auteurs anonymes sur divers Livres de l’Ecriture. Les extraits que Constantin Porphyrogenete fit faire des excellens Historiens Grecs & Latins sur l’histoire, la Politique, la Morale, quoique d’ailleurs très-loüables, ont occasionné la perte de l’Histoire Universelle de Nicolas de Damas, d’une bonne partie des Livres de Polybe, de Diodore de Sicile, de Denys d’Halicarnasse, &c. On ne doute plus que Justin ne nous ait fait perdre le Trogue Pompée entier par l’abrege qu’il en a fait, & ainsi dans presque tous les autres genres de littérature.

Il faut pourtant dire en faveur des abregés, qu’ils sont commodes pour certaines personnes qui n’ont ni le loisir de consulter les originaux, ni les facilités de se les procurer, ni le talent de les approfondir, ou d’y démêler ce qu’un compilateur habile & exact leur présente tout digéré. D’ailleurs, comme l’a remarqué Saumaise, les plus excellens ouvrages des Grecs & des Romains auroient infailliblement & entierement péri dans les siecles de barbarie, sans l’industrie de ces Faiseurs d’abregés qui nous ont au moins sauvé quelques planches du naufrage : ils n’empêchent point qu’on ne consulte les originaux quand ils existent. Baillet, Jugem. des Sçavans, tom. I. pag. 240. &. suiv. (G)

Ils sont utiles : 1°. à ceux qui ont déjà vû les choses au long.

2°. Quand ils sont faits de façon qu’ils donnent la connoissance entiere de la chose dont ils parlent, & qu’ils sont ce qu’est un portrait en mignature par rapport à un portrait en grand. On peut donner une idée générale d’une grande Histoire, ou de quelqu’autre matiere ; mais on ne doit point entamer un détail qu’on ne peut pas éclaircir, & dont on ne donne qu’une idée confuse qui n’apprend rien, & qui ne réveille aucune idée déja acquise. Je vais éclaircir ma pensée par ces exemples : Si je dis que Rome fut d’abord gouvernée