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le terrein oppose de difficultés & d’obstacles. M. Goulon dans ses Mémoires, propose pour la descente du fossé pratiqué dans le roc, de s’enfoncer au bord le plus profondément qu’on peut. Il suppose un fossé creusé de 30 piés, & que les mineurs étant relevés souvent, puissent parvenir à s’enfoncer de 6 ou 7 piés en 7 ou 8 jours ; après quoi il fait faire un fourneau à droite & un à gauche de cette espece de puits, disposés de maniere que l’effet s’en fasse dans le fossé. Avant que d’y mettre le feu, on doit jetter dans le fossé un amas de sacs à terre, de fascines, &c. pour commencer à le combler. Les fourneaux sautant après cela, les décombres qu’ils enlevent couvrent ces fascines & sacs à terre, & ils comblent une partie du fossé ; en continuant ainsi d’en faire sauter, on parvient à faire une descente aisée dans le fossé.

« Pour faire breche dans un rempart taillé dans le roc, le même M. Goulon propose de mettre sur le bord du fossé 7 ou 8 pieces de canon en batterie, pour battre en breche depuis le haut du rocher, jusqu’au haut du revêtement qui peut être construit dessus, afin que les débris de ce revêtement, & de la terre qui est derriere, fassent une pente assez douce, pour que l’on puisse monter à l’assaut. Si l’on veut rendre la breche plus large & plus praticable, on peut faire entrer le mineur dans les débris faits par le canon, & le faire travailler à la construction de plusieurs fourneaux qui en sautant, augmenteront l’ouverture de la breche.

« De l’attaque des villes maritimes. Les villes maritimes qui ont un port, tombent assez dans le cas des autres villes, lorsque l’on peut bloquer leur port, & qu’on est maître de la mer, & en état d’empêcher que la place n’en soit secourue. Si la mer est libre, ou si l’on peut furtivement & à la dérobée faire entrer quelques vaisseaux dans le port, la place étant continuellement ravitaillée, sera en état de supporter un très-long siége. Ostende assiégée par les Espagnols, soûtint un siége de plus de trois ans ; les secours qu’elle recevoit continuellement du côté de la mer, lui procurerent les moyens de faire cette longue résistance.

« Ainsi on ne doit faire le siége de ces sortes de places, que lorsqu’on est en état d’empêcher que la mer n’apporte aucun secours à la ville.

« Ce n’est pas assez pour y réussir d’avoir une nombreuse flotte devant le port, parce que pendant la nuit l’ennemi peut trouver le moyen de faire passer entre les vaisseaux de la flotte, de petites barques pleines de munitions. Le moyen le plus efficace d’empêcher ces sortes de petits secours, seroit de faire, si la situation le permettoit, une digue ou estocade, comme le cardinal de Richelieu en fit faire une, pour boucher entierement le port de la Rochelle. Mais outre qu’il y a peu de situations qui permettent de faire un pareil ouvrage, l’exécution en est si longue & si difficile, qu’on ne peut pas proposer ce moyen, comme pouvant être pratiqué dans l’attaque de toutes les villes maritimes. Ce qu’on peut faire au lieu de ce grand & pénible ouvrage, c’est de veiller avec soin sur les vaisseaux, pour empêcher autant qu’il est possible, qu’il n’entre aucune barque ou vaisseau dans le port de la ville : ce qui étant bien observé, toutes les attaques se font sur terre comme à l’ordinaire ; le voisinage de la mer n’y fait aucun changement ; au contraire, on peut de dessus les vaisseaux, canoner différens ouvrages de la ville, & favoriser l’avancement & le progrès des attaques.

« On bombarde quelquefois les villes maritimes, sans avoir le dessein d’en faire le siége, qui pourroit souffrir trop de difficultés. On en use ainsi pour punir des villes dont on a lieu de se plaindre ; c’est

ainsi que le feu Roi en usa à l’égard d’Alger, Tripoly, Genes, &c.

« Ces bombardemens se font avec des galiottes construites exprès pour placer les mortiers, & que pour cet effet on appelle galiottes à bombes. M. le chevalier Renau les imagina en 1680 pour bombarder Alger. Jusqu’à lui, dit M. de Fontenelle dans son éloge, il n’étoit tombé dans l’esprit de personne que des mortiers pussent n’être pas placés à terre, & se passer d’une assiette solide. Cependant M. Renau proposa les galiottes, & elles eurent tout le succès qu’il s’étoit proposé. Les bombes qu’on tira de dessus ces galiottes, firent de si grands ravages dans la ville, qu’elles obligerent les Algériens de demander la paix. Attaque des places par M. le Blond ».

Attaques des petites villes & châteaux. Ces sortes d’attaques se rencontrent assez souvent dans le cours de la guerre ; elles ne méritent pas ordinairement toutes les attentions du siége royal ; ce sont des postes dont on veut s’emparer, soit pour la sûreté des communications, ou pour éloigner les partis de l’ennemi.

« La plûpart de ces petites villes & châteaux ne sont enfermées que de simples murailles non terrassées ; il y a au plus quelques méchans fossés, assez faciles à passer, ou bien quelques petits ouvrages de terre fraisée & palissadée vis-à-vis les portes pour les couvrir, & les mettre à l’abri d’une premiere insulte.

« Quelque foibles que soient les murailles de ces endroits, ce seroit s’exposer à une perte évidente que d’aller en plein jour se présenter devant, & chercher à les franchir, pour pénétrer dans la ville ou dans le château.

« Si ceux qui sont dedans sont gens de résolution & de courage, ils sentiront bien toute la difficulté qu’il y a d’ouvrir leurs murailles, & de passer dessus, ou de rompre leurs portes, pour se procurer une entrée dans la place.

« Il faut donc pour attaquer ces petits endroits, être en état de faire breche aux murailles ; & pour cet effet, il faut faire mener avec soi quelques petites pieces de canon d’un transport facile, de même que deux mortiers de 7 ou 8 pouces de diametre, & s’arranger pour arriver à la fin du jour auprès des lieux qu’on veut attaquer, & y faire pendant la nuit une espece d’épaulement, pour couvrir les troupes, & faire servir le canon à couvert, & les mortiers ; en faire usage dès la pointe du jour sur l’ennemi, c’est le moyen de les reduire promptement, & sans grande perte.

« Mais si l’on n’est pas à portée d’avoir du canon, le parti qui paroît le plus sûr & le plus facile, supposant qu’on connoisse bien le lieu qu’on veut attaquer, c’est de s’en emparer par l’escalade. On peut faire semblant d’attaquer d’un côté pour y attirer l’attention des troupes, & appliquer des échelles de l’autre, pour franchir la muraille, & pénétrer dans la ville. Supposant que l’escalade ait réussi, ceux qui sont entrés dans la ville, doivent d’abord aller aux portes pour les ouvrir & faire entrer le reste des troupes ; après quoi, il faut aller charger par derriere les soldats de la ville qui se défendent contre la fausse attaque ; se rendre maître de tout ce qui peut assûrer la prise du lieu, & forcer ainsi ceux qui le défendent à se rendre.

« On peut dans ces sortes d’attaques se servir utilement de pétard : il est encore d’un usage excellent pour rompre les portes, & donner le moyen de pénétrer dans les lieux dont on veut s’emparer. Il faut autant qu’il est possible, user de surprise dans ces attaques, pour les faire heureusement & avec peu de perte. On trouve dans les mémoires de M. de Feuquieres différens exemples de postes semblables à ceux dont il s’agit ici, qu’il a forcés ; on peut