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les astres que pour prédire l’avenir. On trouve dans les voyages de Chardin, un long passage tout-à-fait curieux, qui donne une juste idée de l’état de cette science chez les Persans modernes.

Les Tartares descendans de Ginghischan & de Tamerlan, eurent la même passion pour l’Astronomie. Nassireddin, natif de Tus dans le Corasan, auteur d’un commentaire sur Euclide, qui a été imprimé à Rome, a dressé des tables astronomiques fort estimées : il vivoit en 1261. Le prince Olugbeg qui étoit de la même maison, fit bâtir à Samarcande un collége & un observatoire, pour lequel il fit faire de tres grands instrumens ; il se joignit à ses Astronomes pour faire des observations. Les Turcs disent qu’il fit faire un quart de cercle, dont le rayon avoit plus de 180 piés : ce qui est plus sûr, c’est qu’à l’aide de ses Astronomes il fit des tables pour le méridien de Samarcande, dressa un catalogue des étoiles fixes visibles dans cette ville, & composa divers ouvrages, dont quelques-uns sont traduits en Latin, & les autres sont encore dans la langue dans laquelle ils ont été composés. Il y a tout lieu de croire que les observations astronomiques, trouvées dans le siecle dernier entre les mains des Chinois, y avoient passé de Tartarie : car il y a des preuves certaines que Ginghiskan entra dans la Chine, & que ses descendans furent maitres d’une grande partie de ce vaste empire, où ils porterent vraissemblablement les observations & les tables qui avoient été faites par les Astronomes de Corasan. Au reste, l’Astronomie a été cultivée presque de tems immémorial à la Chine. Les missionnaires Jésuites se sont fort appliqués à déchiffrer les anciennes observations. L’on en peut voir l’histoire dans les observations du pere Souciet. Environ 400 ans avant J. C. les sciences furent négligées chez les Chinois. Cette négligence alla en croissant jusqu’à l’empereur Tsin-Chi-Hoang. Celui-ci fit brûler, 246 avant J. C. tous les livres qui traitoient des sciences, à l’exception de ceux de Medecine, d’Astrologie, & d’Agriculture : c’est par-là que périrent toutes les observations antérieures à ce tems : 400 ans après, Licou-Pang rétablit les sciences dans son empire, & érigea un nouveau tribunal de Mathématiques. L’on fit quelques instrumens pour observer les astres, & l’on régla le calendrier. Depuis ce tems-là l’Astronomie n’a point été négligée chez ce peuple. Il semble que les observations faites depuis tant de siecles, sous les auspices & par les ordres de puissans monarques, auroient dû fort enrichir l’Astronomie.

Cependant les missionnaires qui pénétrerent dans cet empire sur la fin du xvi. siecle, trouverent que l’état où étoit cette science parmi les Chinois, ne répondoit point à la longue durée de leurs observations. Ceux d’entre les missionnaires Jésuites qui entendoient les Mathématiques, s’insinuerent par ce moyen dans l’esprit du monarque. Les plus habiles devinrent présidens du tribunal de Mathématiques, & travaillerent à mettre l’Astronomie sur un meilleur pié qu’elle n’avoit été auparavant. Ils firent des instrumens plus exacts que ceux dont on s’étoit servi jusqu’alors, rendirent les observations plus justes, & profiterent des connoissances des Occidentaux. Voyez les relations du P. Verbiest, & des autres missionnaires, ou bien la description de la Chine, par le P. Duhalde.

A l’égard des Juifs, quoiqu’ils ayent composé un assez grand nombre d’ouvrages sur la sphere, dont quelques-uns ont été imprimés par Munster en Hébreu & en Latin, il y a peu de choses néanmoins où ils puissent être considérés comme originaux. Cependant comme la plûpart d’entr’eux savoient l’Arabe, & que ceux qui ne le savoient pas trouvoient des traductions hébraïques de tous les anciens Astronomes Grecs, ils pouvoient aisément avec ce secours faire

valoir leur capacité parmi les Chrétiens. Depuis la naissance de J. C. quelques-uns de leurs docteurs ont étudié l’Astronomie, pour régler seulement le calendrier, & pour s’en servir à l’Astrologie, à laquelle ils sont fort adonnés. Celui qui paroît avoir fait le plus de progrès dans cette science, c’est R. Abraham Zachut. Il vivoit sur la fin du xv. siecle, & fut professeur en Astronomie à Carthage en Afrique, & ensuite à Salamanque : on a de lui divers ouvrages sur cette science.

Les Sarrasins avoient pris en conquérant l’Egypte, une teinture d’Astronomie, qu’ils porterent avec eux d’Afrique en Espagne ; & ce fut-là le circuit par lequel cette science rentra dans l’Europe après un long exil. Voici les plus fameux Astronomes qui se soient distingués en Europe depuis le xii. siecle. Clément de Langhton, prêtre & chanoine Anglois, écrivit vers la fin du xii. siecle sur l’Astronomie. Le xiii. siecle offre d’abord Jordanus Vemoracius, & ensuite l’empereur Fréderic II. qui fit traduire de l’Arabe en Latin les meilleurs ouvrages de Philosophie, de Medecine & d’Astronomie. Il avoit beaucoup de goût pour cette derniere science, jusque-là qu’il disoit un jour à l’abbé de Saint-Gal, qu’il n’avoit rien de plus cher au monde que son fils Conrad, & une sphere qui marquoit le mouvement des planetes. Jean de Sacro-Bosco vivoit dans le même tems ; il étoit Anglois de naissance, & professeur en Philosophie à Paris, où il composa son livre de la sphere qui fut si estimé, que les professeurs en Astronomie l’expliquoient dans leurs leçons. Albert le grand, évêque de Ratisbonne, s’acquit aussi une grande réputation : il composa un traité d’Astronomie, & se distingua dans la Méchanique par l’invention de plusieurs machines surprenantes pour ce tems-là. Depuis ce siecle l’Astronomie a fait des progrès considerables : elle a été cultivée par les premiers génies, & protégée par les plus grands princes. Alphonse, roi de Castille, l’enrichit même des tables qui portent toûjours son nom. Ces tables furent dressées en 1270 ; & ce furent des Juifs qui y eurent la plus grande part. Voyez Table. Roger Bacon, moine Anglois, vivoit dans le même tems. Guido Bonatus, Italien, de Frioul, en 1284. En 1320, Pretus Aponensis, qui fut suivi de quelques autres moins considérables en comparaison de Pierre d’Ailly, cardinal & évêque de Cambrai, & du cardinal Nicolas de Cusa, Allemand, en 1440 ; Dominique Maria, Bolonois, précepteur de Copernic ; George Purbachius, ainsi appellé du bourg de Burbach sur les frontieres d’Autriche & de Baviere, qui enseigna publiquement la Philosophie à Vienne, est un de ceux qui ont le plus contribué au rétablissement de l’Astronomie. Il fit connoissance avec le cardinal Bessarion pendant sa légation vers l’empereur. Par le conseil de Bessarion, Purbachius alla en Italie pour apprendre la langue Greque, & aussi-tôt il s’appliqua à la lecture de l’Almageste de Ptolomée, qu’on n’avoit lû depuis plusieurs siecles que dans ces traductions imparfaites, dont il a été parlé ci-dessus, faites sur les hébraïques, qui avoient été faites sur les Arabes, & celles-ci sur les Syriaques. Il avoit commencé un abregé de l’almageste sur l’original Grec : mais il ne put aller qu’au sixieme livre, étant mort en 1461, âgé seulement de 39 ans. Son principal disciple fut George Muller, appellé communément Regiomontanus, parce qu’il étoit natif de Konisberg en Prusse. Il fut le premier qui composa des éphémerides pour plusieurs années, & divers autres ouvrages très-estimés, entr’autres les Théoriques des planetes. Après la mort de Purbachius il passa en Italie avec le cardinal Bessarion ; après avoir visité les principales académies d’Italie, il revint à Vienne, d’où le roi de Hongrie l’appella à Bude : mais la guerre allumée dans ce pays inquiétant Régiomontanus, il se retira à Nuremberg en 1471, &