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l’une de ses extrémités ; deux propositions dont la vérité étoit, dit-il, moins sensible pour les Chaldéens, & pour ceux qui habitoient les régions moyennes du globe. Delà, continue notre auteur, les Suédois engagés dans l’examen & dans la recherche des causes de la grande différence des saisons, n’auront pas manqué de découvrir que le progrès du soleil dans les cieux est renfermé dans un certain espace, &c. mais tous ces raisonnemens ne sont point appuyés sur le témoignage de l’histoire, ni soûtenus d’aucun fait connu.

Si l’on en croit Porphyre, la connoissance de l’Astronomie est fort ancienne dans l’orient. Si l’on en croit cet auteur, après la prise de Babylone par Alexandre, on apporta de cette ville des observations célestes depuis 1903 ans, & dont les premieres étoient par conséquent de l’an 115 du déluge ; c’est-à-dire, qu’elles avoient été commencées 15 ans après l’érection de la tour de Babel. Pline nous apprend qu’Epigene assûroit que les Babyloniens avoient des observations de 720 ans gravées sur des briques. Achilles Tatius attribue l’invention de l’Astronomie aux Egyptiens ; & il ajoûte que les connoissances qu’ils avoient de l’état du ciel se transmettoient à leur postérité sur des colonnes sur lesquelles elles étoient gravées.

Les payens eux-mêmes se sont moqués, comme a fait entr’autres Cicéron, de ces prétendues observations célestes que les Babyloniens disoient avoir été faites parmi eux depuis 470000 ans, ainsi que de celles des Egyptiens : on peut en dire autant de la tradition confuse & embrouillée de la plûpart des Orientaux que les premiers Européens qui entrerent dans la Chine y trouverent établie, & de celle des Persans touchant leur roi Cayumarath, qui régna 1000 ans, & qui fut suivi de quelques autres Rois dont le regne duroit des siecles. Ces opinions, toutes ridicules qu’elles sont, ont été conservées par un assez grand nombre d’auteurs, qui les avoient prises de quelques livres Grecs, où cette prodigieuse antiquité des Assyriens & des Babyloniens étoit établie comme la base de l’histoire.

Diodore dit que lors de la prise de Babylone par Alexandre, ils avoient des observations depuis 43000 ans. Quelques-uns prennent ces années pour des mois, & les réduisent à 3476 ans solaires ; ce qui remonteroit encore jusque bien près de la création du monde, puisque la ruine de l’empire des Perses tombe à l’an du monde 3620. Mais laissant les fables, tenons-nous en à ce que dit Simplicius : il rapporte d’après Porphyre, que Callisthene, disciple & parent d’Aristote, trouva à Babylone, lorsqu’Alexandre s’en rendit maître, des observations depuis 1903 ans ; les premieres avoient donc été faites l’an du monde 1717, peu après le déluge.

Les auteurs qui n’ont pas confondu la fable avec l’histoire, ont donc réduit les observations des Babyloniens à 1900 années ; nombre moins considérable de beaucoup, & qui cependant peut paroître excessif. Ce qu’il y a pourtant de singulier, c’est qu’en comptant ces 1900 ans depuis Alexandre, on remonte jusqu’au tems de la dispersion des nations & de la tour de Babylone, au-delà duquel on ne trouve que des fables. Peut-être la prétendue histoire des observations de 1900 ans signifie-t-elle seulement que les Babyloniens s’étoient appliqués à l’Astronomie depuis le commencement de leur empire. On croit avec fondement que la tour de Babel, élevée dans la plaine de Sennaar, fut construite dans le même lieu où Babylone fut ensuite bâtie. Cette plaine étoit fort étendue, & la vûe n’y étoit bornée par aucunes montagnes ; ce qui a pû donner promptement naissance aux observations astronomiques.

Les Chaldéens n’étoient pas versés dans la Géométrie, & il manquoient des instrumens nécessaires

pour faire des observations justes : leur grande étude étoit l’Astrologie judiciaire ; science dont on reconnoît bien aujourd’hui le ridicule. Leur observatoire étoit le fameux temple de Jupiter Belus, à Babylone.

Les longues navigations des Phéniciens n’ont pû se faire sans quelque connoissance des astres : aussi voyons-nous que Pline, Strabon, & quelques autres, rendent témoignage à leur habileté dans cette science : mais nous ne savons rien de certain sur les découvertes qu’ils peuvent avoir faites. Plusieurs historiens rendent aux Egyptiens le témoignage d’avoir cultivé l’Astronomie avant les Chaldéens. Diodore de Sicile avance que les colonies Egyptiennes porterent la connoissance des astres dans les environs de l’Euphrate. Lucien prétend que comme les autres peuples ont tiré leurs connoissances des Egyptiens, ceux-ci les tiennent des Ethiopiens, dont ils sont une colonie. Les moins favorables aux Egyptiens, les joignent pour l’invention de l’Astronomie aux Chaldéens. Il n’est pas aisé de découvrir qui fut l’inventeur de l’Astronomie chez les Egyptiens. Diodore en fait honneur à Mercure ; Socrate, à Thaul ; Diogene Laerce l’attribue à Ninus, fils de Vulcain ; & Isocrate, à Busiris. Les connoissances astronomiques des Egyptiens les avoient conduits à pouvoir déterminer le cours du soleil & de la lune, & à former l’année : ils observoient le mouvement des planetes ; & ce fut à l’aide de certaines hypotheses, & par le secours de l’Arithmétique & de la Géométrie, qu’ils entreprirent de déterminer quel en étoit le cours. Ils inventerent aussi diverses périodes des mouvemens des cieux ; enfin ils s’adonnerent à l’Astrologie. Tout cela est appuyé sur le témoignage d’Hérodote & de Diodore, &c. Nous apprenons de Strabon, que les prêtres Egyptiens, qui étoient les astronomes du pays, avoient renoncé de son tems à cette étude, & qu’elle n’étoit plus cultivée parmi eux. Les Egyptiens, qui prétendoient être le plus ancien peuple de l’univers, regardoient leur pays comme le berceau des sciences, & par conséquent de l’Astronomie.

L’opinion commune est que l’Astronomie passa de l’Egypte dans la Grece : mais la connoissance qu’on en eut, fut d’abord extrèmement grossiere, & on peut en juger par ce que l’on en trouve dans Homere & dans Hésiode ; elle se bornoit à connoître certains astres qui servoient de guides, soit pour le travail de la terre, soit pour les voyages sur mer ; c’est ce que Platon a fort bien remarqué ; ils ne faisoient aucunes observations exactes, & ils ignoroient l’Arithmétique & la Géométrie nécessaires pour les diriger.

Laerce dit que Thalès fit le premier le voyage d’Egypte dans le dessein d’étudier cette science, & qu’Eudoxe & Pythagore l’imiterent en cela. Thalès vivoit vers la quatre-vingt-dixieme olympiade ; il a le premier observé les astres, les éclipses de soleil, les solstices, & les avoit prédits ; c’est ce qu’assûrent Diogène Laerce, d’après l’Histoire Astrologique d’Eudemus ; Pline, liv. II. chap. xij. & Eusebe dans sa Chronique. Il naquit environ 640 ans avant Jesus-Christ. On peut voir dans Stanley (Hist. Philos.) un détail circonstancié de ses connoissances philosophiques. Anaximandre son disciple cultiva les connoissances qu’il avoit reçûes de son maître ; il plaça la terre au centre de l’univers ; il jugea que la lune empruntoit sa lumiere du soleil, & que ce dernier étoit plus grand que la terre, & une masse d’un feu pur. Il traça un cadran solaire, & construisit une sphere. Anaximene de Milet né 530 ans avant Jesus-Christ, regardoit les étoiles fixes comme autant de soleils autour desquelles des planetes faisoient leurs révolutions, sans que nous pussions découvrir ces planetes, à cause de leur grand éloignement. Trente