suivant la nature de l’ordre de la colonne, & même des rudentures. On peut aussi y peindre des bandes de bossage, s’il s’agit de couvrir des joints horisontaux. Il est visible que les colonnes de relief coûtent beaucoup plus que celles en platte peinture, qu’on employe ordinairement aux décorations des théatres : mais aussi l’effet en est incomparablement plus beau, & imite plus parfaitement un somptueux édifice.
De la distribution des artifices sur les théatres, & de l’ordonnance des feux. La premiere attention que doit avoir un Artificier, avant que d’arranger ses pieces d’artifice sur un théatre, est de prévenir les accidens d’incendie, je ne parle pas seulement pour la ville où se donne le spectacle, c’est l’affaire de la police, mais de ces incendies prématurés qui mettent de la confusion dans le jeu des artifices, & troublent l’ordre & la beauté du spectacle.
Pour prévenir ces accidens, on doit couvrir les planchers qui forment les plattes-formes, galeries, corridors, & autres parties dont la situation est de niveau, d’une couche de terre grasse recouverte d’un peu de sable répandu pour pouvoir marcher dessus sans glisser, comme il arriveroit si elle étoit humide, & bien remplir les gerçures, si elle est seche ; au moyen de quoi les artifices qui peuvent tomber avant que d’être consumés & s’arrêter sur ces lieux plats, ne peuvent y mettre le feu.
Outre ces précautions, on doit toûjours avoir sur le théatre des baquets pleins d’eau, & des gens actifs pour les cas où il faudroit s’en servir ; & pour qu’ils ne craignent pas de brûler leurs habits, il faut qu’ils soient vêtus de peau, & toujours prêts à éteindre le feu, au cas qu’il vint à s’attacher à quelques endroits du théatre.
Pour les mettre en sûreté, on doit leur ménager une retraite à couvert dans quelque partie de l’architecture, comme dans une attique, ou sous une pyramide, s’il y en a une, pour l’amortissement du milieu, ou enfin dans les soûbassemens ou pié-d’estaux des statues & groupes, pour qu’ils puissent s’y retirer pendant le jeu de certains artifices dont les feux sortent en grand nombre, & y être enfermés de maniere que les artifices qui se détachent ne puissent y entrer. Il faut de plus que ces retraites communiquent aux escaliers ou échelles par où on y monte.
Ce n’est pas assez de se munir de toutes ces précautions, il est encore de la prudence d’éloigner du théatre les caisses des gerbes qui contiennent beaucoup de moyennes fusées qu’on fait partir ensemble, ou des fusées volantes de gros calibre, qui jettent des grosses colonnes de feu ; c’est pour cette raison qu’on ne tire point de dessus les théatres celles qu’on appelle fusées d’honneur, par lesquelles on commence ordinairement le spectacle : mais on les apporte à l’entrée de la nuit à quelques cinq ou six toises de-là à platte terre, où on les suspend sur de petits chevalets faits exprès pour en contenir un certain nombre, comme de deux jusqu’à douze, qu’on fait partir ensemble ; on les place ordinairement derriere le milieu du théatre, eu égard à la face qui est exposée à la vûe de la personne la plus distinguée parmi les spectateurs, afin qu’elles lui paroissent sortir du milieu du théatre, ou à quelque distance de ce milieu, lorsqu’on les fait partir en symmétrie par paires de chevalets placés de part & d’autre.
La figure des chevalets peut varier suivant l’usage qu’on se propose ; si l’on en veut faire partir une douzaine en même tems, il faut qu’il porte un cercle posé de niveau par le haut, & un autre par le bas, l’un pour les suspendre, l’autre pour tenir leurs baguettes en situation d’aplomb, par des anneaux ou des têtes de clous. Si l’on veut qu’elles partent à quelque distance les unes des autres, on doit faire la tête du chevalet en triangle à plomb par le haut,
& mettre une tringle avec des anneaux ou des clous par le bas pour y faire passer les queues des baguettes, comme on le voit à la figure 75. Pl. III.
Lorsqu’on veut les tirer successivement sans beaucoup d’intervalle, il faut que les chevalets soient plus étendus : alors un poteau montant ne suffit pas ; il en faut au moins deux, trois ou quatre plantés en terre pour y attacher des traverses, l’une à la hauteur de six ou neuf piés, & l’autre à un pié de terre, auxquelles on plante des clous espacés à un pié de distance les uns des autres, plus ou moins, suivant la grosseur des fusées.
Ces clous, pour plus de commodité, doivent être plantés par paires, saillans d’un pouce ; ceux d’enhaut servent à soûtenir la gorge de la fusée, & ceux de la traverse d’embas, pour faire passer entre-deux le bout de la baguette ; c’est pourquoi ceux-ci doivent être posés à-plomb sous les autres, & n’être éloignés que de l’épaisseur de la baguette pour y faire la fonction d’un anneau dans lequel on l’engage pour la tenir à-plomb sous la fusée, au moyen dequoi on tire les fusées successivement, & pendant aussi long tems qu’on en a pour remplacer celles qui ont parti ; surquoi il y a une précaution à prendre pour prévenir la confusion & le desordre, c’est d’écarter un peu du chevalet & de couvrir soigneusement les caisses où l’on va prendre les fusées pour les y suspendre & les faire partir. On doit user de pareilles précautions pour ces groupes de fusées en caisses qu’on fait partir ensemble pour former de grandes gerbes ; lorsque les fusées sont petites, du nombre de celles qu’on appelle de caisse, qui n’ont que neuf lignes de diametre, & que la caisse n’en contient que trois ou quatre douzaines, on peut les placer sur les angles saillans des théatres, & les faire partir seulement à la fin, après que les autres artifices ont joüé : mais lorsqu’elles sont plus grosses & en plus grand nombre, il faut écarter les caisses du théatre, parce qu’il en sort une si prodigieuse colonne de flamme, qu’elle est capable d’embraser tout ce qui est aux environs.
La seconde attention que doit avoir un Artificier, dans l’exécution d’un feu, est de bien arranger les pieces d’artifice dont il a fait provision, pour qu’elles offrent aux yeux une belle symmétrie de feux actuels & de feux successifs. On a coûtume de border de lances à feu les parties saillantes des entablemens, particulierement les corniches, en les posant près à près de huit à dix pouces pour en tracer le contour par des filets de lumieres qui éclairent les faces d’un feu brillant ; on en borde aussi les balustrades & les angles saillans des parties d’architecture.
Pour empêcher que le feu qui sort des lances ne s’attache au théatre, on les met quelquefois sur des bras de bois saillans & dans des bobeches de fer blanc, comme si c’étoient des chandelles ou des bougies, auxquelles elle ressemblent beaucoup par la figure & la couleur de leur cartouche ; si l’on veut épargner cette dépense, on se contente de les attacher par le moyen d’un pié de bois, qui n’est autre chose qu’une espece de cheville qu’on introduit un peu à force dans le bout du cartouche, de la longueur d’un pouce, qu’on laisse vuide pour le recevoir, & l’on plante cette cheville dans des trous pratiqués dans les pieces de bois qui doivent les porter ; ou bien on applatit l’autre bout de cette cheville, & l’on y fait un trou pour la cloüer sur la piece de bois où elle doit être attachée.
Comme toutes ces lances à feu doivent faire une illumination subite, quand on veut les allumer, il faut faire passer une étoupille bien assûrée sur leurs gorges, qu’on arrête avec deux épingles enfoncées dans le cartouche, & on leur donne le feu par le milieu de chaque face. Les appuis des balustrades des