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mer ces matieres réduites en poudre seche dans des cartouches goudronnés par dehors, ou enduits de cire, de suif, d’huile ou de matieres résineuses, de maniere que l’eau ne puisse s’y insinuer.

Voici un recueil de différentes compositions des anciens Artificiers Semionowitz & Hanzelet, lesquelles quoique différentes, sont bonnes & éprouvées pour brûler sur l’eau.

Différentes doses de composition pour les artifices qui doivent brûler sur l’eau & dans l’eau. 1. Sur trois parties de poudre, deux de salpetre & une de soufre.

2. Deux parties de salpetre, une de poudre & une de soufre.

3. Sur une livre de poudre, cinq livres de sciure de bois, trois livres de soufre, & six livres de salpetre.

4. Sur huit livres de salpetre, deux de soufre, deux de sciure de bois bouillie dans de l’eau de salpetre & puis séchée, un quart de livre de poudre, deux onces de râpure d’ivoire.

5. Une livre de soufre, trois de salpetre, une once & demmie de camphre, une once de vif-argent pilé avec le camphre & le soufre.

6. Sur trois livres de salpetre, deux livres & demie de soufre, demi-livre de poulverin, une livre de limaille de fer, un quart de livre de poix greque.

De Hanzelet. Sur deux livres & demie de poudre, trois livres & demie de salpetre, une livre de poix blanche, une livre de soufre, un quarteron d’ambre jaune rapé, demi-livre de verre grossierement pilé, & demi-livre de camphre.

8. Une livre de sciure de bois, quatre livres de salpetre & une de soufre.

Composition qui s’allument avec de l’eau, de Hanzelet. Prenez trois livres d’huile de lin, une livre d’huile de brique, autant d’huile de jaune d’œuf, huit livres de chaux vive récente ; mêlez ces matieres, jettez dessus un peu d’eau, & elles s’enflammeront.

Du même. Pierre qui s’allume avec de l’eau. Prenez de la chaux vive récente, de la tuthie non préparée, du salpetre en roche, de chacun une partie ; réduisez le tout en poudre pour le mettre dans un sachet rond de toile neuve ; placez-le entre deux creusets parmi de la chaux vive en poudre ; les creusets étant bien liés avec du fil de fer recuit, il faut encore les luter & les mettre au four à chaux ; cette mixtion s’y convertit en une pierre qui s’allume lorsqu’on l’humecte avec de l’eau ou de la salive.

Maniere de tenir les artifices plongés à fleur d’eau. La plûpart des artifices pour l’eau doivent y être enfoncés jusqu’à leur orifice sans être submergés, afin que leur gorge soit hors de l’eau, & que le reste y soit caché sans couler à fond.

Comme les matieres combustibles dont on remplit un cartouche, sont plus légeres qu’un égal volume d’eau, les artifices qu’on y jette flottent ordinairement trop au-dessus ; c’est pourquoi il faut leur ajoûter un poids qui augmente leur pesanteur au point de la rendre presque égale à celle de l’eau. La pesanteur de ce poids peut être trouvée en tâtonnant, c’est-à-dire en essayant dans un seau ou dans un tonneau plein d’eau, à quelle profondeur un poids, pris au hasard, peut le faire enfoncer, pour y en ajoûter un nouveau, si le premier ne pese pas assez. Rien n’est plus commode pour cet essai, qu’un petit sac à mettre du sable, où l’on en ajoûte & l’on en retranche autant & si peu que l’on veut. Ce moyen est le plus propre pour les artifices dont le contrepoids est ajoûté extérieurement : mais si l’on vouloit le mettre intérieurement au fond du cartouche, avant que de le remplir des matieres combustibles, il faudroit s’y prendre autrement.

Après avoir enduit le cartouche, il faut le remplir d’un poids égal à celui des matieres qui doivent y entrer, & le plonger dans un pot ou seau d’eau plein au ras de ses bords, posé dans un grand bassin propre

à recevoir l’eau qui en tombera lorsqu’on y plongera l’artifice jusqu’à la gorge ou à l’orifice de l’amorce. Cette immersion fera sortir du pot une certaine quantité d’eau qui retombera dans le bassin préparé pour la recevoir, laquelle sera égale au volume de l’artifice.

On pesera cette eau, la différence de son poids avec celle du cartouche & des matieres qu’il doit contenir, donnera le poids qu’il faut y ajoûter pour le tenir enfoncé à fleur d’eau, de maniere qu’il reste à flot sans s’enfoncer davantage. On pesera autant de sable qu’on mettra au fond du cartouche avant de commencer à le remplir de matieres combustibles, qui doivent achever la pesanteur requise.

Artifices fixes qui servent de fanaux ou d’illuminations sur l’eau. Toutes les matieres des artifices destinés pour brûler dans l’air à sec, peuvent être employées de même sur l’eau par le moyen des enduits dont on couvre les cartouches aquatiques pour les rendre impénétrables à l’eau. On peut donc y faire une illumination de lances à feu, & de tous les autres artifices qu’on employe sur les théatres, en les assujettissant à quelque arrangement par des tringles ou fils de fer cachés dans l’eau ; on fait cependant des artifices exprès pour l’eau, qui different entr’eux, suivant l’effet qu’on veut qu’ils produisent. Les premiers sont ces especes de fanaux que Semionowitz appelle globes aquatiques, parce qu’il les faisoit en forme de globes, quoique cette figure soit assez arbitraire, & qu’elle n’ait d’autre avantage sur la cylindrique, qui est la plus ordinaire, que celui de floter plus facilement & de ne pouvoir se renverser ; mais aussi la figure de leurs cartouches est plus difficile à construire, & leur feu n’est pas si égal du commencement à la fin : d’ailleurs les cylindriques étant bien lestés, peuvent aussi balancer sans se renverser. Voici la construction de ces globes aquatiques à l’ancienne mode.

On fait faire par un Tourneur une boule creuse, dont l’épaisseur extérieure est la neuvieme partie de son diametre extérieur ; pour couvrir le trou qui a servi pour vuider le globe, on fait une piece en forme d’écuelle, propre à s’adapter au reste, laquelle est percée au milieu d’un trou, auquel on donne aussi un neuvieme du grand diametre pour l’ouverture de la gorge. On remplit le cartouche par la grande ouverture, d’une de ces compositions faites pour brûler dans l’eau, & après l’avoir bien foulée, on le couvre de la piece où est le trou de la gorge par où on acheve de remplir le globe, après l’avoir bien collée & cloüée sur la premiere ; & enfin on l’amorce avec un peu de poudre comme tous les artifices. Il ne reste plus qu’à couvrir le tout de l’enduit nécessaire, pour empêcher que l’eau n’y pénetre, & à lui ajoûter le contrepoids de flotage, pour le faire enfoncer jusqu’à l’amorce.

Un globe fait ainsi, ne produit qu’un feu fixe : mais si l’on veut lui faire jetter des serpenteaux ou des saucissons à mesure qu’il brûle, il faut qu’il soit d’un bois plus épais qu’on ne l’a dit, pour pratiquer dans son épaisseur des trous de la grandeur nécessaire pour y faire entrer les gorges de ces artifices postiches qu’on y veut ajoûter, comme on voit en S s fig. 81. planche 4. artific. dont un côté est le profil du pot. Ces trous ne doivent être poussés que jusqu’à environ un demi-pouce près de la surface intérieure, où l’on en fait un fort petit, qui pénetre jusqu’au-dedans du globe pour servir de porte-feu de communication du dedans au dehors, comme on voit en Ff.

Si l’on veut faire tirer des coups, on y met des saucissons bien couverts de toile enduite de cire ou de goudron, comme on voit au côté droit qui représente le dehors d’une moitié. Il est visible que la variation de position de ces trous peut produire des effets différens, & varier l’artifice.