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de marmore templum, Virg. Æn. IV. v. 437. Il y avoit dans son palais un temple de marbre, tota de marmore, Virg. Ecl. vii. v. 31. toute de marbre :

. . . . . . . . . solido de marmore templa
Instituam, festosque dies de nomine Phœbi
.

Virg. Æn. VI. v. 70. Je ferai bâtir des temples de marbre, & j’établirai des fêtes du nom de Phœbus, en l’honneur de Phœbus.

Les Latins, au lieu de l’adjectif, se sont souvent servis de la préposition de suivie du nom, ainsi de marmore est équivalent à marmoreum. C’est ainsi qu’Ovide, I. mét. v. 127. au lieu de dire ætas ferrea, a dit : de duro est ultima ferro, le dernier âge est l’âge de fer. Remarquez qu’il venoit de dire, aurea prima sata est ætas ; ensuite subiit argentea proles.

Tertia post illas successit Ahnea proles : & enfin il dit dans le même sens, de duro est ultima ferro.

Il est évident que dans la phrase d’Ovide, ætas de ferro, de ferro n’est point au genitif ; pourquoi donc dans la phrase françoise, l’âge de fer, de fer seroit-il au genitif ? Dans cet exemple la préposition de n’étant point accompagnée de l’article, ne sert avec fer, qu’à donner à âge une qualification adjective :

Ne partis expers esset de nostris bonis,

Ter. Heaut. IV. 1. 39. afin qu’il ne fût pas privé d’une partie de nos biens : non hoc de nihilo esi, Ter. Hec. V. I. 1. ce n’est pas là une affaire de rien.

Reliquum de ratiuncula, Ter. Phorm. I. 1. 2. un reste de compte.

Portenta de genere hoc. Lucret. liv. V. v. 38. les monstres de cette espece.

Coerera de genere hoc adfingere, imaginer des phantômes de cette sorte, id. ibid. v. 165. & Horace i. sat. 1. v. 13. s’est exprimé de la même maniere, cætera de genere hoc adeo sunt multa.

De plebe deo, Ovid. un dieu du commun.

Nec de plebe deo, sed qui vaga fulmina mitto. Ovid.

Mét. I. v. 595. Je ne suis pas un dieu du commun, dit Jupiter à Io, je suis le dieu puissant qui lance la foudre. Homo de schola, Cic. de orat. ij. 7. un homme de l’école. Declamator de ludo, Cic. orat. c. xv. déclamateur du lieu d’exercice. Rabula de foro, un criailleur, un braillard du Palais, Cic. ibid. Primus de plebe, Tit. Liv. liv. VII. c. xvij. le premier du peuple. Nous avons des élégies d’Ovide, qui sont intitulées de Ponto, c’est-à-dire, envoyées du Pont. Mulieres de nostro seculo quæ spontè peccant, les femmes de notre siecle. Ausone, dans l’épitre qui est à la tête de l’idylle VII.

Cette couronne, que les soldats de Pilate mirent sur la tête de Jesus-Christ, S. Marc (ch. xv. v. 17.) l’appelle spineam coronam, & S. Matth. (ch. xv. v. 29.) aussi-bien que S. Jean (ch. xjx. v. 2.) la nomment coronam de spinis, une couronne d’épines.

Unus de circumstantibus, Marc, ch. xiv. ver. 47. un de ceux qui étoient là, l’un des assistans. Nous disons que les Romains ont été ainsi appellés de Romulus ; & n’est-ce pas dans le même sens que Virgile a dit : Romulus excipiet gentem, Romanosque suo de nomine dicet. I. Æneid. v. 281. & au vers 371 du même livre, il dit que Didon acheta un terrein qui fut appellé byrsa, du nom d’un certain fait ; facti de nomine byrsam ; & encore au vers 18. du III. liv. Enée dit : Æneadasque meo nomen de nomine fingo. ducis de nomine, ibid. ver. 166. &c. de nihilo irasci ; Plaut. se fâcher d’une bagatelle, de rien, pour rien. quercus de coelo tactas. Virg. des chênes frappés de la foudre. de more ; Virg. selon l’usage. de medio potare die, Horace, dès midi ; de tenero ungui, Horace, dès l’enfance ; de industriâ, Teren. de dessein prémédité ; filius de summo loco, Plaut. un enfant de bonne

maison ; de meo, de tuo, Plaut. de mon bien, à mes dépens ; j’ai acheté une maison de Crassus, domum emi de Crasso ; Cic. fam. liv. V. Ep. vj. & pro Flacco, c. xx. fundum mercatus & de pupillo. il est de la troupe, de grege illo est ; Ter. Adelp. III. iij. 38. je le tiens de lui, de Davo audivi ; diminuer de l’amitié, aliquid de nostra conjunctione imminutum ; Cic. V. liv. epist. v.

3. De se prend aussi en Latin & en François pour pendant ; de die, de nocte ; de jour, de nuit.

4. De pour touchant, au regard de ; si res de amore meo secundæ essent ; si les affaires de mon amour alloient bien. Ter.

Legati de pace, César, de Bello Gall. 2. 3. des envoyés touchant la paix, pour parler de paix ; de argento somnium ; Ter. adelp. II. j. 50. à l’égard de l’argent, néant ; de captivis commutandis ; pour l’échange des prisonniers.

5. De, à cause de, pour, nos amas de fidicinâisthac ; Ter. Eun. III. iij. 4. vous m’aimez à cause de cette musicienne ; lætus est de amicâ ; il est gai à cause de sa maîtresse ; rapto de fratre dolentis ; Horace, I. ep. xjv. 7. inconsolable de la mort de son frere ; accusare, arguere de ; accuser, reprendre de.

6. Enfin cette préposition sert à former des façons de parler adverbiales ; de integro, de nouveau. Cic. Virg. de industria ; Teren. de propos délibéré, à dessein.

Si nous passions aux auteurs de la basse latinité, nous trouverions encore un plus grand nombre d’exemples : de cælis Deus, Dieu des cieux ; pannus de lanâ, un drap, une étoffe de laine.

Ainsi l’usage que les Latins ont fait de cette préposition a donné lieu à celui que nous en faisons. Les autorités que je viens de rapporter doivent suffire, ce me semble, pour détruire le préjugé répandu dans toutes nos grammaires, que notre de est la marque du génitif : mais encore un coup, puisqu’en Latin templum de marmore, pannus de lana, de n’est qu’une préposition avec son complément à l’ablatif, pourquoi ce même de passant dans la langue Françoise avec un pareil complément, se trouveroit-il transformé en particule, & pourquoi ce complément, qui est à l’ablatif en Latin, se trouveroit-il au génitif en François ?

Il n’y est ni au génitif ni à l’ablatif ; nous n’avons point de cas proprement dit en François ; nous ne faisons que nommer : & à l’égard des rapports ou vûes différentes sous lesquels nous considérons les mots, nous marquons ces vûes, ou par la place du mot, ou par le secours de quelque préposition.

La préposition de est employée le plus souvent à la qualification & à la détermination ; c’est-à-dire, qu’elle sert à mettre en rapport le mot qui qualifie, avec celui qui est qualifié : un palais de roi, un courage de héros.

Lorsqu’il n’y a que la simple préposition de, sans l’article, la préposition & son complément sont pris adjectivement ; un palais de roi, est équivalent à un palais royal ; une valeur de héros, équivalent à une valeur héroïque ; c’est un sens spécifique, ou de sorte : mais quand il y a un sens individuel ou personnel, soit universel, soit singulier, c’est-à-dire, quand on veut parler de tous les rois personnellement comme si l’on disoit l’intérêt des rois, ou de quelque roi particulier, la gloire du roi, la valeur du héros que j’aime, alors on ajoûte l’article à la préposition ; car des rois, c’est de les rois ; & du héros, c’est de le héros.

A l’égard de notre à, il vient le plus souvent de la préposition Latine ad, dont les Italiens se servent encore aujourd’hui devant une voyelle : ad uomo d’intellecto, à un homme d’esprit ; ad uno ad uno, un à un ; (S. Luc, ch. jx. v. 13.) pour dire que Jesus-