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vir. Alors mettez-les dans un plat ou sur une assiette arrosés d’eau ; & servez en même tems du poivre & du sel mêlés.

Pour les frire, prenez-en les culs ; coupez-les par quartiers ; ôtez le foin ; rognez la pointe des feuilles ; saupoudrez-les ensuite de farine détrempée avec du beurre, des jaunes d’œufs, du sel, &c. & jettez-les dans la friture chaude.

On met encore les artichaux à la sauce blanche & à plusieurs autres. Voyez là-dessus les traités de cuisine.

Pour les confire, pelez les culs ; n’y laissez ni feuilles ni foin ; jettez-les dans l’eau fraîche ; faites-les passer dans une autre eau ; faites-leur jetter un bouillon. Prenez un pot ; mettez-y de l’eau bien salée qui surnage de trois doigts ; ajoûtez une partie d’eau & une autre de vinaigre ; l’épaisseur de deux doigts de bonne huile ou de beurre qui ne soit pas trop chaud ; & laissez les artichaux dans cet état.

L’artichaut à la poivrade est ami de l’estomac & fait trouver le vin bon. On en conserve les culs pour l’hyver, en les faisant sécher au soleil ou à la fumée, & en les tenant dans un lieu sec : mais de quelque maniere qu’on les prépare, ils nourrissent peu & fournissent un suc grossier & venteux ; les côtes des feuilles & les tiges tendres & blanches se digerent facilement. Les racines excitent fortement les urines ; on les peut employer dans les décoctions & les bouillons diurétiques. Quelques-uns prescrivent la décoction en lavement pour provoquer les urines.

ARTICLE, s. m. (Gram.) en Latin articulus, diminutif de artus, membre ; parce que dans le sens propre, on entend par article les jointures des os du corps des animaux, unies de différentes manieres, & selon les divers mouvemens qui leur sont propres : de-là par métaphore & par extension, on a donné divers sens à ce mot.

Les Grammairiens ont appellé articles certains petits mots qui ne signifient rien de physique, qui sont identifiés avec ceux devant lesquels on les place, & les font prendre dans une acception particuliere ; par exemple, le roi aime le peuple ; le premier le ne présente qu’une même idée avec roi ; mais il m’indique un roi particulier que les circonstances du pays où je suis, ou du pays dont on parle, me font entendre : l’autre le qui précede peuple, fait aussi le même effet à l’égard de peuple ; & de plus le peuple étant placé après aime, cette position fait connoître que le peuple est le terme ou l’objet du sentiment que l’on attribue au roi.

Les articles ne signifient point des choses ni des qualités seulement ; ils indiquent à l’esprit le mot qu’ils précedent, & le font considérer comme un objet tel, que sans l’article, cet objet seroit regardé sous un autre point de vûe ; ce qui s’entendra mieux dans la suite, surtout par les exemples.

Les mots que les Grammairiens appellent articles, n’ont pas toûjours dans les autres langues des équivalens qui y ayent le même usage ; les Grecs mettent souvent leurs articles devant les noms propres, tels que Philippe, Alexandre, César, &c. Nous ne mettons point l’article devant ces mots-là ; enfin il y a des langues qui ont des articles, & d’autres qui n’en ont point.

En Hébreu, en Chaldéen, & en Syriaque, les noms sont indéclinables, c’est-à-dire, qu’ils ne varient point leur désinence ou dernieres syllabes, si ce n’est comme en François du singulier au pluriel ; mais les vûes de l’esprit ou relations que les Grecs & les Latins font connoître par les terminaisons des noms, sont indiquées en Hébreu par des prépositifs qu’on appelle préfixes, & qui sont liés aux noms, à la maniere des prépositions inséparables, ensorte qu’ils forment le même mot.

Comme ces prépositifs ne se mettent point au no-

minatif, & que l’usage qu’on en fait n’est pas trop

uniforme, les Hébraïsans les regardent plûtôt comme des prépositions que comme des articles. Nomina Hebraïca proprie loquendo sunt indeclinabilia. Quo ergo in casu accipienda sint & efferenda, non terminatione dignoscitur, sed præcipuè constructions, & præpositionibus quibusdam, seu litteris prœpositionum vices gerentibus, quæ ipsis à fronte adjiciuntur. Masclef. gramm. Hebr. c. 11. n. 7.

A l’égard des Grecs, quoique leurs noms se déclinent, c’est-à-dire, qu’ils changent de terminaison selon les divers rapports ou vûes de l’esprit qu’on a à marquer, ils ont encore un article ὁ, ἡ, τό, τοῦ, τῆς, τῆς, &c. dont ils font un grand usage ; ce mot est en Grec une partie spéciale d’oraison. Les Grecs l’appellerent ἄρτρον, du verbe ἄρω, apto, adapto, disposer, apprêter ; parce qu’en effet l’article dispose l’esprit à considérer le mot qui le suit sous un point de vûe particulier ; ce que nous développerons plus en détail dans la suite.

Pour ce qui est des Latins, Quintilien dit expressément qu’ils n’ont point d’articles, & qu’ils n’en ont pas besoin, noster sermo articulos non desiderat. (Quint. Lib. I. c. iv.) Ces adjectifs, is, hic, ille, iste, qui sont souvent des pronoms de la troisieme personne, sont aussi des adjectifs démonstratifs & métaphysiques, c’est-à-dire, qui ne marquent point dans les objets des qualités réelles indépendantes de notre maniere de penser. Ces adjectifs répondent plûtôt à notre ce qu’à notre le ; les Latins s’en servent pour plus d’énergie & d’emphase : Catonem illum sapientem (Cic.) ce sage Caton ; ille alter, (Ter.) cet autre ; illa seges, (Virg. georg. I. v. 47.) cette moisson ; illa rerum domina fortuna, (Cic. pro Marc. n. 2.) la fortune elle-même, cette maitresse des évenemens.

Uxorem ille tuus pulcher amator habet.

Propert. Lib. II. Eleg. XXI. v. 4. Ce bel amant que vous avez, a une femme.

Ces adjectifs Latins qui ne servent qu’à déterminer l’objet avec plus de force, sont si différens de l’article Grec & de l’article François, que Vossius prétend (de Anal. Liv. I. c. j. p. 375.) que les maîtres qui en faisant apprendre les déclinaisons Latines font dire hæc musa, induisent leurs disciples en erreur ; & que pour rendre littéralement la valeur de ces deux mots Latins, selon le génie de la langue Greque, il faudroit traduire hæc musa, αὐτὴ ἡ μοῦσα, c’est-à-dire cette la muse.

Les Latins faisoient un usage si fréquent de leur adjectif démonstratif, ille, illa, illud, qu’il y a lieu de croire que c’est de ces mots que viennent notre le & notre la, ille ego, mulier illa ; Væ homini illi per quem tradetur. (Luc, c. xxij. v. 22.) bonum erat ei si natus non fuisset homo ille. (Matt. c. xxvj. v. 24.) Hic illa parva Petilia Philoctetæ. (Virg. Æn. Lib. iij. v. 401.) C’est-là que la petite ville de Petilie fut bâtie par Philoctete. Ausoniæ pars illa procul quam pandit Apollo. Ib. v. 479. hæc illa Charybdis. Ib. v. 558. Pétrone faisant parler un guerrier qui se plaignoit de ce que son bras étoit devenu paralytique, lui fait dire : funerata est pars illa corporis mei, quâ quondam Achilles eram ; il est mort ce bras, par lequel j’étois autrefois un Achille. Ille Deûm pater, Ovide. Quisquis fuit ille Deorum. Ovide, Metam. Lib. I. v. 32.

Il y a un grand nombre d’exemples de cet usage, que les Latins faisoient de leur ille, illa, illud, surtout dans les comiques, dans Phedre, & dans les auteurs de la basse latinité. C’est de la derniere syllabe de ce mot ille, quand il n’est pas employé comme pronom, & qu’il n’est qu’un simple adjectif indicatif, que vient notre article le ; à l’égard de notre la, il vient du féminin illa. La premiere syllabe du masculin ille, a donné lieu à notre pronom il dont nous