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troupes abondamment fourni de toutes sortes de provisions, soit pour le service de terre, soit pour le service de mer. Voyez Armée. On dit qu’un prince fait un armement, lorsqu’il augmente le nombre de ses troupes, & qu’il fait de grands amas de munitions de guerre & de bouche. (Q)

Armement, s. m. (Marine.) c’est l’équipement, soit d’un vaisseau de guerre, soit de plusieurs, & la distribution ou embarquement des troupes qui doivent monter chaque vaisseau. Il se prend aussi quelquefois pour les gens de l’équipage.

On appelle état d’armement, la liste que la cour envoye, dans laquelle sont marqués les vaisseaux, les officiers, & le nombre des matelots qu’on destine pour armer. On dit encore état d’armement, pour signifier le nombre, la qualité, & les proportions des agreils, apparaux, & munitions qui doivent être employés aux vaisseaux qu’on doit armer.

Armement ; tems d’un armement. On dit : l’armement ne durera que quatre mois. (Z)

* ARMÉNIE, s. f. (Géog. & Hist. anc. & mod.) grand pays d’Asie, borné à l’occident par l’Euphrate, au midi par le Diarbeck, le Curdistan & l’Aderbijan ; à l’orient par le Chirvan ; & au septentrion par la Géorgie. Il est arrosé par plusieurs grands fleuves. Le paradis terrestre y étoit situé.

* Arménie, (pierre d’) Hist. nat. foss. elle est opaque ; elle a des taches vertes, bleues, & brunes ; elle est polie, parsemée de petits points dorés, comme la pierre d’azur, dont elle differe en ce qu’elle se met aisément en poudre. On les trouve dans la même terre ; c’est pourquoi on les employe indistinctement. Elles ont les mêmes propriétés.

La pierre d’Arménie purge seulement plus fortement que celle d’azur ; on les recommande dans les mêmes maladies : la dose en est depuis six grains jusqu’à un scrupule. Elle déterge à l’extérieur, avec un peu d’acrimonie & d’astriction : mais on s’en sert rarement en Medecine.

Les Peintres en tirent un beau bleu tirant sur le verd. Geoff. Alexandre de Trulles préfere la pierre d’Arménie à l’hellébore blanc, en qualité de purgatif, dans les affections mélancholiques.

ARMÉNIENS, s. m. pl. (Théol. Hist. ecol.) considérés par rapport à leur religion, c’est une secte des Chrétiens d’orient, ainsi appellés parce qu’ils habitoient autrefois l’Arménie. Voyez Secte.

On croit que la foi fut portée dans leur pays par l’apôtre S. Barthelemy : ce qu’il y a de certain, c’est qu’au commencement du IVe siecle l’Eglise d’Arménie étoit très-florissante, & que l’arianisme y fit peu de ravages. Ils étoient du ressort du patriarche de Constantinople : mais ils s’en séparerent avant le tems de Photius, aussi-bien que de l’église Greque, & composerent ainsi une église nationale, en partie unie avec l’Eglise Romaine, & en partie séparée d’elle. Car on en distingue de deux sortes ; les francs Arméniens, & les schismatiques. Les francs Arméniens sont catholiques, & soûmis à l’Eglise Romaine. Ils ont un patriarche à Naksivan, ville d’Arménie, sous la domination du roi de Perse, & un autre à Kaminiek, en Pologne. Les Armeniens schismatiques ont aussi deux patriarches ; l’un résidant au couvent d’Elchemiazin, c’est-à-dire, les trois églises proche d’Erivan, & l’autre à Eti en Cilicie.

Depuis la conquête de leur pays par Scha-Abbas, roi de Perse, ils n’ont presque point eu de pays ou d’habitation fixe : mais ils se sont dispersés dans quelques parties de la Perse, de la Turquie, de la Tartarie, & même en plusieurs parties de l’Europe, particulierement en Pologne. Leur principale occupation est le commerce, qu’ils entendent très-bien. Le cardinal de Richelieu, qui vouloit le rétablir en France, projetta d’y attirer grand nombre d’Armé-

niens ; & le chancelier Seguier leur accorda une Imprimerie à Marseille, pour multiplier à moins de

frais leurs livres de religion, qui avant cela étoient fort rares & fort chers.

Le christianisme s’est conservé parmi eux, mais avec beaucoup d’altération, sur-tout parmi les Arméniens schismatiques. Le Pere Galanus rapporte que Jean Hernac, Arménien catholique, assûre qu’ils suivent l’hérésie d’Eutychès, touchant l’unité de nature en Jesus-Christ, qu’ils croyent que le Saint-Esprit ne procede que du Pere ; que les ames des justes n’entrent point dans le paradis, ni celles des damnés en enfer, avant le jugement dernier ; qu’ils nient le purgatoire, retranchent du nombre des sacremens la confirmation & l’extreme-onction ; accordent au peuple la communion sous les deux especes ; la donnent aux enfans avant qu’ils ayent atteint l’âge de raison ; & pensent enfin que tout prêtre peut absoudre indifféremment de toutes sortes de péchés ; en sorte qu’il n’est point de cas réservés, soit aux Evêques, soit au Pape. Michel Fevre, dans son théatre de la Turquie, dit que les Arméniens sont Monophysites, c’est-à-dire, qu’ils n’admettent en Jesus-Christ qu’une nature composée de la nature divine & de la nature humaine, sans néanmoins aucun mêlange. Voy. Monophysites.

Le même auteur ajoûte que les Arméniens, en rejettant le purgatoire, ne laissent pas que de prier & de celébrer des messes pour les morts, dont ils croyent que les ames attendent le jour du jugement dans un lieu où les justes éprouvent des sentimens de joie dans l’espérance de la béatitude, & les méchans des impressions de douleur, dans l’attente des supplices qu’ils savent avoir mérités, quoique d’autres s’imaginent qu’il n’y a plus d’enfer depuis que Jesus-Christ l’a détruit en descendant aux limbes, & que la privation de Dieu sera le supplice des réprouvés ; qu’ils ne donnent plus l’extreme-onction depuis environ deux cens ans, parce que le peuple croyant que ce sacrement avoit la vertu de remettre par lui-même tous les péchés, en avoit pris occasion de négliger tellement la confession, qu’insensiblement elle auroit été tout-à-fait abolie : que quoiqu’ils ne reconnoissent pas la primauté du Pape, ils l’appellent néanmoins dans leurs livres le pasteur universel, & vicaire de J. C. Ils s’accordent avec les Grecs sur l’article de l’eucharistie, excepté qu’ils ne mêlent point d’eau avec le vin dans le sacrifice de la messe, & qu’ils s’y servent de pain sans levain pour la consécration, comme les Catholiques. Voyez Azyme.

C’est sans fondement que Brerewood les a accusés de favoriser les opinions des sacramentaires, & de ne point manger des animaux qui sont estimés immondes dans la loi de Moyse, n’ayant pas pris garde que c’est la coûtume de toutes les sociétés chrétiennes d’Orient de ne manger ni sang ni viandes étouffées ; en quoi, selon l’esprit de la primitive Eglise, il n’y a point de superstition. Ils sont grands jeûneurs ; & à les entendre, l’essentiel de la religion consiste à jeûner.

On compte parmi eux plusieurs monasteres de l’ordre de S. Basile, dont les schismatiques observent la regle : mais ceux qui se sont réunis à l’Eglise Romaine ont embrassé celle de S. Dominique, depuis que les Dominicains envoyés en Arménie par Jean XXII. eurent beaucoup contribué à les réunir au saint siége. Cette union a été renouvellée & rompue plusieurs fois, surtout au concile de Florence, sous Eugene IV.

Les Arméniens font l’office ecclésiastique en l’ancienne langue Arménienne, différente de celle d’aujourd’hui, & que le peuple n’entend pas. Ils ont aussi dans la même langue toute la bible, traduite d’après la version des Septante. Ceux qui sont soûmis au Pape font aussi l’office en cette langue, & tiennent la