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truction & l’usage de cet instrument. 1°. Il faut que les liqueurs dans lesquelles on plonge l’aréometre, soient exactement au même degré de chaleur, ou de froid, afin qu’on puisse être sûr que leur différence de densité ne vient point de l’une de ces deux causes, & que le volume de l’aréometre même n’en a reçû aucun changement.

2°. Que le col de l’instrument, sur lequel sont marquées les gradations, soit par tout d’une grosseur égale ; car s’il est d’une forme irréguliere, les degrés marqués à égales distances ne mesureront pas des volumes de liqueurs semblables en se plongeant ; il sera plus sûr & plus facile de graduer cette échelle relativement à la forme du col, en chargeant successivement l’instrument de plusieurs petits poids bien égaux, dont chacun produira l’enfoncement d’un degré.

3°. On doit avoir soin que l’immersion se fasse bien perpendiculairement à la surface de la liqueur, sans quoi l’obliquité empêcheroit de compter avec justesse le degré d’enfoncement.

4°. Comme l’usage de cet instrument est borné à des liqueurs qui different peu de pesanteur entre elles, on doit bien prendre garde que la partie qui surnage ne se charge de quelque vapeur ou saleté, qui occasionneroit un mécompte, dans une estimation, où il s’agit de différences peu considérables. Et lorsque l’aréometre passe d’une liqueur à l’autre, on doit avoir soin que sa surface ne porte aucun enduit, qui empeche que la liqueur où il entre ne s’applique exactement contre cette surface.

5°. Enfin malgré toutes ces précautions, il reste encore la difficulté de bien juger le degré d’enfoncement, parce que certaines liqueurs s’appliquent mieux que d’autres au verre ; & qu’il y en a beaucoup qui, lorsqu’elles le touchent, s’élevent plus ou moins au-dessus de leur niveau. Quand on se sert de l’aréometre que nous avons décrit, il faut le plonger d’abord dans la liqueur la moins pesante, & remarquer à quelle graduation se rencontre sa surface : ensuite il faut le rapporter dans la plus dense, & charger le haut de la tige, ou du col, de poids connus, jusqu’à ce que le degré d’enfoncement soit égal au premier. La somme des poids qu’on aura ajoûtés, pour rendre cette seconde immersion égale à la premiere, sera la différence des pesanteurs spécifiques entre les deux liqueurs. Nous devons ces remarques à M. Formey, qui les a tirées de M l’abbé Nollet, Lect. Phys. (O)

ARÉOPAGE, s. m. (Hist. anc.) sénat d’Athenes ainsi nommé d’une colline voisine de la citadelle de cette ville consacrée à Mars ; des deux mots Grecs πάγος, bourg, place, & Ἄρης, le dieu Mars ; parce que, selon la fable, Mars accusé du meurtre d’un fils de Neptune, en fut absous dans ce lieu par les juges d’Athenes. La Grece n’a point eu de tribunal plus renommé. Ses membres étoient pris entre les citoyens distingués par le mérite & l’intégrité, la naissance & la fortune ; & leur équité étoit si généralement reconnue, que tous les états de la Grece en appelloient à l’aréopage dans leurs démêlés, & s’en tenoient à ses décisions. Cette cour est la premiere qui ait eu droit de vie & de mort. Il paroît que dans sa premiere institution, elle ne connoissoit que des assassinats : sa jurisdiction s’étendit dans la suite aux incendiaires, aux conspirateurs, aux transfuges ; enfin à tous les crimes capitaux. Ce corps acquit une autorité sans bornes, sur la bonne opinion qu’on avoit dans l’Etat, de la gravité & de l’intégrité de ses membres. Solon leur confia le maniement des deniers publics, & l’inspection sur l’éducation de la jeunesse ; soin qui entraîna celui de punir la débauche & la fainéantise, & de récompenser l’industrie & la sobriété. Les aréopagites connoissoient encore des matieres de religion : c’étoit à eux à arrêter le cours de l’impiété, & à venger les dieux du blasphème, & la religion du mépris. Ils délibéroient

sur la consécration des nouvelles divinités, sur l’érection des temples & des autels, & sur toute innovation dans le culte divin ; c’étoit même leur fonction principale. Ils n’entroient dans l’administration des autres affaires, que quand l’état allarmé de la grandeur des dangers qui le menaçoient, appelloit à son secours la sagesse de l’aréopage, comme son dernier refuge. Ils conserverent cette autorité jusqu’à Periclès, qui ne pouvant être aréopagite, parce qu’il n’avoit point été archonte, employa toute sa puissance & toute son adresse à l’avilissement de ce corps. Les vices & les excès qui corrompoient alors Athènes, s’étant glissés dans cette cour ; elle perdit par degrés l’estime dont elle avoit joüi, & le pouvoir dont elle avoit été revêtue. Les auteurs ne s’accordent pas sur le nombre des juges qui composoient l’aréopage. Quelques-uns le fixent à trente-un ; d’autres à cinquante-un, & quelques autres le font monter jusqu’à cinq cens. Cette derniere opinion ne peut avoir lieu que pour les tems où ce tribunal tombé en discrédit, admettoit indifféremment les Grecs & les étrangers ; car, au rapport de Ciceron, les Romains s’y faisoient recevoir : ou bien elle confond les aréopagites avec les prytanes.

Il est prouvé par les marbres d’Arondel, que l’aréopage subsistoit 941 ans avant Solon : mais comme ce tribunal avoit été humilié par Dracon, & que Solon lui rendit sa premiere splendeur ; cela a donné lieu à la méprise de quelques auteurs, qui ont regardé Solon comme l’instituteur de l’aréopage.

Les aréopagites tenoient leur audience en plein air, & ne jugeoient que la nuit ; dans la vûe, dit Lucien, de n’être occupés que des raisons, & point du tout de la figure de ceux qui parloient.

L’éloquence des avocats passoit auprès d’eux pour un talent dangereux. Cependant leur sévérité sur ce point se relâcha dans la suite : mais ils furent constans à bannir des plaidoyers, tout ce qui tendoit à émouvoir les passions, ou ce qui s’écartoit du fond de la question. Dans ces deux cas, un héraut imposoit silence aux avocats. Ils donnoient leur suffrage en silence, en jettant un espece de petit caillou noir ou blanc dans des urnes, dont l’une étoit d’airain, & se nommoit l’urne de la mort, θάνατου ; l’autre étoit de bois, & s’appelloit l’urne de la miséricorde, ἔλεου. On comptoit ensuite les suffrages ; & selon que le nombre des jettons nous prévaloit ou étoit inférieur à celui des blancs, les juges traçoient avec l’ongle une ligne plus ou moins courte sur une espece de tablette enduite de cire. La plus courte signifioit que l’accusé étoit renvoyé absous ; la plus longue exprimoit sa condamnation.

AREOPAGITE, juge de l’aréopage. Voici le portrait qu’Isocrate nous a tracé de ces hommes merveilleux, & du bon ordre qu’ils établirent dans Athènes. « Les juges de l’aréopage, dit cet auteur, n’étoient point occupés de la maniere dont ils puniroient les crimes, mais uniquement d’en inspirer une telle horreur, que personne ne pût se résoudre à en commettre aucun : les ennemis, selon leur façon de penser, étoient faits pour punir les crimes ; mais eux pour corriger les mœurs. Ils donnoient à tous les citoyens des soins généreux, mais ils avoient une attention spéciale aux jeunes gens. Ils n’ignoroient pas que la fougue des passions naissantes donne à cet âge tendre les plus violentes secousses, qu’il faut à ces jeunes cœurs une éducation dont l’âpreté soit adoucie par certaine mesure de plaisir ; & qu’au fonds il n’y a que les exercices où se trouve cet heureux mêlange de travail & d’agrément, dont la pratique constante puisse plaire à ceux qui ont été bien élevés. Les fortunes étoient trop inégales pour qu’ils pussent prescrire à tous indifféremment les mêmes choses & au même