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couvre ensuite la surface concave du miroir avec des feuilles d’or taillées en quarré de deux ou trois doigts de large ; il ajoûte qu’on peut faire de très-grands miroirs avec 30, 40, ou un plus grand nombre de morceaux quarrés de verre, qui seront joints & arrangés les uns auprès des autres dans une écuelle de bois : les effets de ces miroirs, selon cet auteur, seront aussi grands que si la surface étoit parfaitement sphérique. Ibid. Voyez Miroir.

On sait la propriété qu’a la parabole de réfléchir à son foyer tous les rayons qui tombent sur sa concavité, parallélement à son axe ; d’où il s’ensuit que si d’un solide parabolique creux on retranche la portion qui contient le foyer, les rayons du soleil tombant sur ce solide parabolique, parallélement à l’axe, se réuniront à son foyer ; ce qui donne un moyen facile d’avoir un miroir brûlant dont le foyer soit derriere lui à une distance donnée. Voyez Parabole.

De plus, comme tous les rayons qui partent du foyer d’une parabole, se réfléchissent parallélement à l’axe, & que ce parallélisme s’étend à l’infini, il s’ensuit que si on plaçoit une seconde parabole à une distance infinie de la premiere, de maniere seulement que leur axe fût le même, les rayons réfléchis par la premiere parallélement à l’axe, iroient, après avoir frappé la seconde, s’assembler tous à son foyer ; de sorte qu’étant partis d’un point, ils se réuniroient dans un autre point infiniment éloigné.

Donc si le foyer de la premiere parabole étoit occupé par un corps bien chaud, comme par un charbon enflammé, toute sa chaleur se feroit sentir au foyer de la seconde parabole, quoiqu’infiniment distant. Voilà le pur géométrique : mais il est certain que le physique doit en rabattre beaucoup, & même infiniment, & que des rayons ne s’étendroient pas à l’infini dans l’air, ni même dans aucun milieu, sans perdre absolument leur force & leur chaleur. On n’aura donc un effet sensible qu’en plaçant les paraboles à quelque distance ; & M. Dufay a trouvé que l’expérience réussissoit en plaçant ainsi deux miroirs paraboliques à 18 piés de distance.

Il substitua aux miroirs paraboliques deux miroirs sphériques, l’un de 20 pouces de diametre, l’autre de 17 ; & trouva qu’ils brûloient éloignés l’un de l’autre de 50 piés, c’est-à-dire, trois fois plus que les paraboliques.

On peut conjecturer que cette grande supériorité des miroirs sphériques sur les paraboliques, vient d’un endroit qui paroît desavantageux pour les sphériques. Ces derniers n’ont pas, comme les paraboliques, un foyer exact qui ne soit qu’un point ; mais aussi le charbon qu’on met au foyer n’est pas un point. Si ce foyer est celui du miroir parabolique, tous les rayons qui ne sont pas partis du seul point du charbon placé au foyer, ne se réfléchissent point parallélement à l’axe, ne tombent point sous cette direction sur l’autre miroir, & par conséquent n’étant pas bien réunis à son foyer, ils brûlent peu ; ou, ce qui revient au même, les deux miroirs ont besoin pour brûler d’être peu éloignés. Mais si le foyer où est le charbon est celui d’un miroir sphérique, l’espace qu’occupe le charbon peut être en grande partie le même que le foyer du miroir : or tout ce qui part de ce foyer se réfléchit exactement parallele.

Les miroirs paraboliques ayant fait un certain effet à une distance de 18 piés, M. Dufay a trouvé que si on interposoit ensuite une glace plane des deux côtés, il falloit les rapprocher de dix piés ; ce qui marque une grande perte ou un grand affoiblissement de rayons causé par la glace : son épaisseur augmente très-peu cet effet ; & par conséquent il vient beaucoup plus des rayons réfléchis à la rencontre de

la glace, que de leur affoiblissement par le passage à travers son épaisseur.

De la paille allumée entre les deux miroirs en diminue considérablement l’action ; ce qui revient à l’observation de M. Homberg sur le grand miroir ardent du Palais Royal, qui agissoit beaucoup moins pendant de grandes chaleurs, que quand l’air venoit d’être rafraîchi par la pluie ; une partie des rayons réunis par le miroir ardent étoient peut-être absorbés ou détournés de leur direction par les soufres répandus dans l’air pendant les grandes chaleurs ; & les soufres allumés qui font la flamme de la paille produisoient apparemment, dans le cas dont il s’agit, un effet semblable.

Le vent même violent ne diminue point sensiblement l’action des miroirs, soit que sa direction soit précisément contraire à celle des rayons qui vont d’un miroir à l’autre, soit qu’il la coupe à angles droits.

Un charbon ayant été placé au foyer d’un verre convexe des deux côtés, d’où les rayons qui l’ont traversé en s’y rompant sortoient paralleles, M. Dufay a reçû ces rayons sur la surface d’un miroir concave qui les réunissoit à son foyer : mais ces rayons n’ont pû brûler que quand le verre & le miroir n’ont été éloignés que de quatre piés, tant les rayons se sont affoiblis en passant au travers du verre ; & il faut bien remarquer que ces rayons sont ceux d’un charbon ; car ceux du soleil, ou ne s’affoiblissent pas ainsi, ou s’affoiblissent beaucoup moins ; d’où M. Dufay conclut qu’il doit y avoir une grande différence entre le feu du soleil & nos feux ordinaires, dont les parties doivent être beaucoup plus massives, & plus sujettes à s’embarrasser dans des passages étroits.

Le P. Taquet a observé que si on place une chandelle au foyer d’un miroir parabolique, l’image de cette chandelle reçûe loin du miroir ne paroît pas ronde, comme elle le seroit en effet si tous les rayons refléchis étoient paralleles à l’axe : mais cette image a une figure semblable à celle de la chandelle ; parce que la chandelle n’étant pas un point, les rayons qu’elle envoye ne se refléchissent pas parallélement à l’axe du miroir parabolique.

On sait que la courbe nommée ellipse a cette propriété, que des rayons qui partiroient d’un de ses foyers & qui tomberoient sur la concavité de cette courbe, se réuniroient tous à l’autre foyer, Cependant M. Dufay ayant mis un charbon au foyer d’un miroir elliptique travaillé avec tout le soin possible, & n’ayant pas eu égard à la grosseur de ce charbon, les rayons ne se sont jamais réunis en assez grand nombre à l’autre foyer pour pouvoir brûler. Mais lorsqu’au lieu d’un charbon il y mettoit une bougie allumée, les rayons se réunissoient exactement à l’autre foyer & y causoient une chaleur sensible, mais n’avoient pas la force de brûler ; ce qui arrive de même avec les miroirs paraboliques, sans doute parce que les parties de la flamme sont trop déliées pour conserver long-tems leur mouvement dans l’air.

Si on met au foyer d’un miroir parabolique ou sphérique un charbon ardent, les rayons qui après avoir rencontré le miroir, sont refléchis parallélement à l’axe ou à peu près, forment une espece de cylindre, dans l’espace duquel on sent une chaleur à peu près égale à celle d’un poële, & qui est sensible jusqu’à 20 ou 30 piés ; de façon qu’avec quelques charbons on pourroit échauffer une serre pour des plantes, ou quelque autre endroit d’une largeur médiocre : on pourroit aussi donner aux contre-cœurs des cheminées une forme sphérique ou parabolique, ce qui les rendroit beaucoup plus propres à renvoyer la chaleur que les plaques ordinaires. Voyez l’Hist. & les Mem, de l’Acad, 1726. (O)