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dans les dernieres années de sa vie à la condition de berger, & il mourut au son de la musette de sa bergere : l’Académie auroit de la peine à citer quelque exemple d’une vie plus Arcadienne, & d’une fin plus pastorale. Voyez Académie.

* ARCALU (Principauté d’) petit état des Tartares-Monguls, sur la riviere d’Hoamko, où commence la grande muraille de la Chine, sous le 122e degré de longitude & le 42e de latitude septentrionale.

ARCANE, s. m. (Chimie.) On se sert ordinairement de ce mot pour désigner un remede secret, un remede dont la composition n’est pas connue ; ce qui rend ce remede mystérieux & plus estimable pour le vulgaire, ou pour ceux qui pechent par l’éducation ou par l’esprit. On diroit que ces personnes veulent être trompées, & se plaisent à être les dupes de ces fanfarons en Medecine, qu’on nomme charlatans.

Les hommes agités par leurs passions détruisent la santé dont ils jouissent ; & aveuglés par de dangereux préjugés, ils s’en imposent encore sur les moyens de recouvrer cette santé précieuse lorsqu’ils l’ont perdue. Ils blâment injustement la Medecine comme une Science extraordinairement obscure ; cependant en ont-ils besoin, ils n’ont pas recours à ceux qui par leur étude & leur application continuelle pourroient en avoir dissipé les prétendues ténebres ; & dans leurs maladies, ils s’en rapportent à des ignorans.

Tout le monde est Medecin, c’est-à-dire tous les hommes jugent sur la Medecine décisivement, comme s’ils étoient certains de ce qu’ils disent ; & en même tems ils prétendent que les Medecins ne peuvent qu’y conjecturer.

On ne doit avancer que la Medecine est conjecturale, que parce qu’on peut dire que toutes les connoissances humaines le sont : mais si on veut examiner sincerement la chose, & juger sans préjugé, on trouvera la Medecine plus certaine que la plûpart des autres Sciences.

En effet, si une Science doit passer pour certaine lorsqu’on en voit les regles plus constamment suivies, les Medecins sont plus en droit de réclamer ce témoignage en leur faveur que les autres Savans. Quel contraste de maximes dans l’éloquence, la politique & la Philosophie ! Socrate a fait oublier Pythagore ; la doctrine de Socrate a de même été changée par Platon son eleve ; Aristote formé dans l’école de Platon, semble n’avoir écrit que pour le contredire.

Et pour se rapprocher de nos jours, nos peres ont vû Descartes fonder son empire sur les ruines de l’ancienne Philosophie : les succès ont été si éclatans, qu’il sembloit avoir fait disparoître devant lui tous les Philosophes ; & cependant moins d’un siecle a suffi pour changer presque toute sa doctrine : celle de Newton y a succédé, & plusieurs Philosophes censurent aujourd’hui celle-ci.

Au milieu des ruines des écoles de Pythagore, de Socrate, de Platon, d’Aristote, de Descartes & de Newton, Hippocrate qui vivoit avant Platon, se soûtient & joüit à présent de la même estime que ses contemporains lui ont accordée ; sa doctrine subsiste, au lieu que celles des autres Savans ses contemporains sont oubliées ou décriées.

Cependant Hippocrate n’étoit pas un plus grand homme que Socrate ou que Platon : si la doctrine de ce Medecin a été plus durable que celle de ces Savans, c’est que la Medecine dont Hippocrate a traité, a quelque chose de plus constant que n’ont les Sciences que ces grands Philosophes cultivoient.

Cette foule d’opinions littéraires ou philosophiques, qui tour-à-tour ont amusé le monde, est ensevelie depuis long-tems ; & l’Art qui a pour objet la santé des hommes, est encore aujourd’hui à peu près le

même qu’il étoit du tems d’Hippocrate, malgré l’immense intervalle des tems, malgré les changemens nécessaires qu’ont introduits en Medecine la variété des climats, la différence des mœurs, les maladies inoüies aux siecles passés ; toutes les découvertes faites par Galien, par Avicenne, par Rasis, par Fernel & par Boerhaave, n’ont servi qu’à confirmer les anciennes.

Pour juger la Philosophie, on ouvre les ouvrages des premiers Philosophes. S’agit-il de la Medecine, on laisse là Hippocrate & Boerhaave, & l’on va chercher des armes contre elle dans les livres & la conduite des gens qui n’ont que le nom de Medecin. On lui objecte toutes les rêveries des Alchimistes, entre lesquelles les arcanes ne sont pas oubliés.

Il est du devoir d’un citoyen de faire tous ses efforts pour arracher les hommes à une prévention qui expose souvent leur vie, tant en les écartant des vrais secours que la science & le travail pourroient leur donner, qu’en les jettant entre les mains de prétendus possesseurs de secrets, qui achevent de leur ôter ce qui leur reste de santé. Combien d’hommes ont été dans tous les tems, & sont encore tous les jours, les victimes de cette conduite ! C’est pourquoi les Magistrats attentifs à la conservation de la vie des citoyens, se sont toûjours fait le plus essentiel devoir de leurs charges de protéger la Medecine, & ont donné une attention particuliere à cette partie du gouvernement, sur-tout en réprimant l’impudence de ces imposteurs, qui pour tenter & exciter la confiance du peuple qu’ils trompent, ont des secrets pour tout, & promettent toûjours de guérir.

Arcane-corallin, (Chim. med.) c’est le précipité rouge adouci par l’esprit de vin. Arcane veut dire secret ; & corallin veut dire ici, de couleur de corail. En disant arcane-corallin, on dit une composition ou un remede secret qui est rouge comme du corail. Paracelse a quelquefois nommé l’arcane-corallin, diacelta teston.

Pour faire l’arcane-corallin, il faut commencer par faire le précipité rouge ; & pour faire le précipité rouge, on met dans un matras ou dans une phiole de verre parties égales de mercure & d’esprit de nitre. Lorsque la dissolution est faite, on la met dans une petite cornue que l’on place dans du sable sur le feu ; on ajuste un récipient à cette cornue, & on en lute les jointures.

Ensuite on distille jusqu’à sec, & on reverse dans la cornue ce qui a distillé dans le récipient. On fait redistiller, & on remet dans la cornue ce qui est passé dans le récipient. On réitere ainsi cette opération jusqu’à cinq fois : on a par ce moyen un beau précipité rouge qui est en feuillets comme du talc. Il faut à la derniere distillation augmenter le feu jusqu’à faire rougir la cornue.

Il y en a qui au lieu de faire le précipité rouge par la distillation, comme on vient de le dire, le font par l’évaporation : ils mettent dans une phiole ou dans un matras à cou court, parties égales de mercure & d’esprit de nitre ; ensuite ils mettent le vaisseau sur le sable à une chaleur douce. Lorsque la dissolution du mercure est achevée, ils augmentent doucement le feu pour dissiper ce qui reste d’esprit de nitre & toute l’humidité ; ce qui donne un précipité blanc, qui devient jaune en augmentant le feu dessous. Ensuite on met ce précipité dans un creuset qu’on place au milieu des charbons ardens ; le précipité devient rouge par la force du feu ; cependant il n’est jamais aussi rouge que celui dont on a donné auparavant la préparation. Et lorsque pour tâcher de le rendre aussi rouge on employe plus de feu, il devient moins fort ; parce que le feu dissipe de l’acide ; & même on rétablit par là en mercure coulant, une partie du préci-