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quement de déterminer la réfraction du fluide par la connoissance que l’on a du diametre de l’arc-en-ciel. Voici en quoi consiste sa méthode. 1°. Le rapport de la réfraction, c’est-à-dire, des sinus d’incidence & de réfraction, étant connu, il cherche les angles d’incidence & de réfraction d’un rayon, qu’on suppose devenir efficace après un nombre déterminé de réflexions ; c’est-à-dire, il cherche les angles d’incidence & de réfraction d’un faisceau de rayons infiniment proches, qui tombant paralleles sur la goutte, sortent paralleles après avoir souffert au-dedans de la goutte un certain nombre de réflexions déterminé. Voici la regle qu’il donne pour cela. Soit une ligne donnée AC (Pl. d’opt. fig. 49.) on la divisera en D, en sorte que DC soit à AC en raison du sinus de réfraction au sinus d’incidence ; ensuite on la divisera de nouveau en E, en sorte que AC soit à AE comme le nombre donné de réflexions augmenté de l’unité est à cette même unité ; on décrira après cela sur le diametre AE le demi-cercle ABE, puis du centre C, & du rayon CD, on tracera un arc DB qui coupe le demi-cercle au point B : on menera les lignes AB, CB ; ABC ou son complément à deux droits sera l’angle d’incidence, & CAB l’angle de réfraction qu’on demande.

2°. Le rapport de la réfraction & l’angle d’incidence étant donné, on trouvera ainsi l’angle qu’un rayon de lumiere qui sort d’une boule, après un nombre donné de réflexions, fait avec la ligne d’aspect, & par conséquent la hauteur & la largeur de l’arc-en-ciel. L’angle d’incidence & le rapport de réfraction étant donnés, l’angle de réfraction l’est aussi. Or si on multiplie ce dernier par le double du nombre des réflexions augmenté de 2, & qu’on retranche du produit le double de l’angle d’incidence, l’angle restant sera celui que l’on cherche.

Supposons avec M. Newton que le rapport de la réfraction soit comme 108 à 81 pour les rayons rouges, comme 109 à 81 pour les bleus, &c. Le problème précédent donnera les angles sous lesquels on voit les couleurs.

I. Arc-en-ciel. rouge 42d 11′. Le spectateur ayant le dos tourné au soleil, parce que les rayons qui viennent à l’œil du spectateur après une ou deux reflexions, sont du même côté de la goutte que les rayons incidens.
violet 40d 16′.
II. Arc-en-ciel. rouge 50d 58′.
violet 54d 9′.

Si l’on demande l’angle formé par un rayon après trois ou quatre réflexions, & par conséquent la hauteur à laquelle on devroit appercevoir le troisieme & le quatrieme arc-en-ciel, qui sont très-rarement & très-peu sensibles, à cause de la diminution que souffrent les rayons par tant de réflexions réitérées, on aura

III. Arc-en-ciel. rouge 41d 37′. Le spectateur ayant le visage tourné vers le soleil, parce que les rayons qui viennent à l’œil du spectateur après trois ou quatre réflexions, sortent de la goutte d’un côté opposé à celui par où ils y sont entrés, & conséquemment sont, par rapport au soleil, d’un autre côté de la goutte que les rayons incidens.
violet 37d 9′.
IV. Arc-en-ciel. rouge 43d 53′.
violet 49d 34′.

Il est aisé sur ce principe de trouver la largeur de l’arc-en-ciel ; car le plus grand demi-diametre du premier arc-en-ciel, c’est-à-dire, de sa partie extérieure, étant de 42d 11′, & le moindre, savoir, de la partie intérieure, de 40d 16′, la largeur de la bande mesurée du rouge au violet sera de 1d 55′; & le plus grand diametre du second arc étant de 54d 9′, & le moindre de 50d 58′, la largeur de la bande sera de 3d 11′, & la distance entre les deux arcs-en-ciel de 8d 47′.

On regarde dans ces mesures le soleil comme un point ; c’est pourquoi comme son diametre est d’environ 30′, & qu’on a pris jusqu’ici les rayons qui passent par le centre du soleil, on doit ajoûter ces

30′ à la largeur de chaque bande ou arc du rouge au violet ; savoir, 15′ en-dessous au violet à l’arc intérieur, & 15′ en-dessus au rouge dans le même arc ; & pour l’arc-en-ciel extérieur, 15′ en-dessus au violet, & 15′ en-dessous au rouge ; & il faudra retrancher 30′ de la distance qui est entre les deux arcs.

La largeur de l’arc-en-ciel intérieur sera donc de 2d 25′, & celle du second de 3d 41′, & leur distance de 8d 17′. Ce sont-là les dimensions des arcs-en-ciel, & elles sont conformes à très-peu près à celles qu’on trouve en mesurant un arc-en-ciel avec des instrumens.

Phénomenes particuliers de l’arc-en-ciel. Il est aisé de déduire de cette théorie tous les phénomenes particuliers de l’arc-en-ciel : 1°. par exemple, pourquoi l’arc-en-ciel est toûjours de même largeur : c’est parce que les degrés de refrangibilité des rayons rouges & violets qui forment ses couleurs extrèmes, sont toûjours les mêmes.

2°. Pourquoi on voit quelquefois les jambes de l’arc-en-ciel contiguës à la surface de la terre, & pourquoi d’autres fois ces jambes ne viennent pas jusqu’à terre : c’est parce qu’on ne voit l’arc-en-ciel que dans les endroits où il pleut : or si la pluie est assez étendue pour occuper un espace plus grand que la portion visible du cercle que décrit le point E, on verra un arc-en-ciel qui ira jusqu’à terre, sinon on ne verra d’arc-en-ciel que dans la partie du cercle occupée par la pluie.

3°. Pourquoi l’arc-en-ciel change de situation à mesure que l’œil en change, & pourquoi, pour parler comme le vulgaire, il fuit ceux qui le suivent, & suit ceux qui le fuient : c’est que les gouttes colorées sont disposées sous un certain angle autour de la ligne d’aspect, qui varie à mesure qu’on change de place. De-là vient aussi que chaque spectateur voit un arc-en-ciel différent.

Au reste ce changement de l’arc-en-ciel pour chaque spectateur, n’est vrai que rigoureusement parlant ; car les rayons du soleil étant censés paralleles, deux spectateurs voisins l’un de l’autre ont assez sensiblement le même arc-en-ciel.

4°. D’où vient que l’arc-en-ciel forme une portion de cercle tantôt plus grande & tantôt plus petite : c’est que sa grandeur dépend du plus ou moins d’étendue de la partie de la superficie conique qui est au-dessus de la surface de la terre dans le tems qu’il paroît ; & cette partie est plus grande ou plus petite, suivant que la ligne d’aspect est plus inclinée ou oblique à la surface de la terre ; cette obliquité augmentant à proportion que le soleil est plus élevé, ce qui fait que l’arc-en-ciel diminue à proportion que le soleil s’éleve.

5°. Pourquoi l’arc-en-ciel ne paroît jamais lorsque le soleil est élevé d’une certaine hauteur : c’est que la surface conique sur laquelle il doit paroître est cachée sous terre lorsque le soleil est élevé de plus de 42d ; car alors la ligne OP, parallele aux rayons du soleil, fait avec l’horison en-dessous un angle de plus de 42d, & par conséquent la ligne OE, qui doit faire un angle de 42d avec OP, est au-dessous de l’horison, de sorte que le rayon EO rencontre la surface de la terre, & ne sauroit arriver à l’œil. On voit aussi que si le soleil est plus élevé que 42d, mais moins que 54, on verra l’arc-en-ciel extérieur, sans l’arc-en-ciel intérieur.

6°. Pourquoi l’arc-en-ciel ne paroît jamais plus grand qu’un demi-cercle : le soleil n’est jamais visible au-dessous de l’horison, & le centre de l’arc-en-ciel est toûjours dans la ligne d’aspect ; or dans le cas où le soleil est à l’horison, cette ligne rase la terre ; donc elle ne s’éleve jamais au-dessus de la surface de la terre.

Mais si le spectateur est placé sur une éminence considérable, & que le soleil soit dans ou sous l’ho-