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ge d’un tiers de cire, d’un tiers de poix résine, d’un tiers de suif, le tout fondu ensemble. S’il est nécessaire de fumer les grands arbres greffés sur franc, faites-les déchausser au mois de Novembre, d’un demi-pié de profondeur sur quatre à cinq piés de tour, selon leur grosseur ; répandez sur cet espace un demi-pié de haut de fumier bien gras & bien pourri : mais à la distance d’un pié de la tige, & un mois après rejettez la terre sur le fumier en mettant le gason en dessous. Il y en a qui se contentent de les déchausser en Décembre ou Novembre, & de les rechausser en Mars ; ne leur procurant d’autre engrais que celui de la saison. N’oubliez pas de nettoyer la mousse des arbres quand il aura plû : cette mousse est une galle qui les dévore.

Si le Naturaliste a ses distributions d’arbres, le Jardinier a aussi les siennes. Il partage les arbres en sauvages qui ne sont point cultivés, & en domestiques qui le sont ; cette distribution est relative à l’avantage que nous en tirons pour la nourriture. En voici une autre qui est tirée de l’origine des arbres. Il appelle arbre de brin, celui qui vient d’une graine & où le cœur du bois est entier ; & arbre de sciage, celui qui n’est qu’une piece d’arbre refendu, où il n’y a qu’une partie du cœur ; où l’on n’apperçoit même cette partie qu’à un angle. Il donne le nom de crossette à celui qui vient de marcotte ; de taillis à celui qui croît sur souche ; s’il considere les arbres par rapport à leur grandeur, il appelle les plus élevés, arbres de haute futaie ; ceux qui le sont moins, arbres de moyenne futaie ; ceux qui sont au-dessous de ceux-ci, arbres taillis. Joint-il dans son examen l’utilité à la grandeur, il aura des arbres fruitiers de haute tige, & de basse-tige ou nains, & des arbres fruitiers en buissons ; des arbrisseaux, ou frutex ; & des arbustes ou sous-arbrisseaux, suffrutex. S’attache-t-il seulement à certaines propriétés particulieres, il dit que les pêchers se mettent en espaliers ; que les poiriers forment des vergers ; que les pommiers donnent des pommeraies ; que les abricotiers sont en plein-vent ; que les châtaigners font les châtaigneraies ; les cerisiers, les cerisaies ; les saules, les saussaies ; les osiers, les oseraies ; les ormes, les charmes, les tilleuls, les maronniers, les hêtres, les allées ; les charmilles & les érables, les palissades ; les chênes & tous les autres arbres, les bois. Quelle foule de dénominations ne verra-t-on pas naître, si on vient à considérer les arbres coupés & employés dans la vie civile ! Mais l’arbre coupé change de nom ; il s’appelle alors bois. Voyez Bois.

Des arbres en palissades. Les espaliers se palissent à la mi-Mai. On les palisse encore en Juillet, pour exposer davantage les fruits au soleil. V. Palisser & Palissades.

Des arbres à haute-tige. Il faut les placer à l’abri des vents du midi ; parce qu’au mois de Septembre, ces vents les dépouillent de leurs fruits. Pour faire un plant de ces arbres, il faut choisir un terrein qui ne soit point battu des vents, ni mouillé d’eaux croupissantes, & chercher la quantité d’arbres nécessaires pour l’étendue du terrein, ce qu’on obtiendra par les premieres regles de l’Arpentage & de la Géométrie ; vous diviserez ensuite votre terrein ; vous marquerez l’endroit & l’étendue des trous, & vous acheverez votre plant, comme nous l’avons dit ci-dessus : mais comme les arbres passent ordinairement de la pépiniere dans le plant, il y a quelques observations à faire sur la maniere de déplanter les arbres.

Marquez dans votre pepiniere avec une coutile ronde les arbres que vous voulez faire déplanter ; marquez-les tous du côté du midi, afin de les orienter de la même façon, car on prétend que cette précaution est utile ; marquez sur du parchemin la qualité de l’arbre & du fruit ; attachez-y cette étiquette,

& faites arracher. Pour procéder à cette opération, levez prudemment & sans offenser les racines, la premiere terre ; prenez ensuite une fourche ; émouvez avec cette fourche la terre plus profonde ; vuidez cette terre émue avec la pelle ferrée ; ménagez toûjours les racines. Cernez autant que vous le pourrez ; plus votre cerne sera ample, moins vous risquerez. Quand vous aurez bien découvert les racines, vous les séparerez de celles qui appartiennent aux arbres voisins ; vous vous associerez ensuite deux autres ouvriers ; vous agiterez tous ensemble l’arbre & l’arracherez. S’il y a quelques racines qui résistent, vous les couperez avec un fermoir bien tranchant. C’est dans cette opération que l’on sent combien il est important d’avoir laissé entre ces arbres une juste distance.

Arbre de haut ou de plein vent, arbre de tige ou en plein air. Toutes ces expressions sont synonymes, & désignent un arbre qui s’éleve naturellement fort haut & qu’on ne rabaisse point. Il y a des fruits qui sont meilleurs en plein vent qu’en buisson ou en espalier.

Arbre nain ou en buisson : c’est celui qu’on tient bas & auquel on ne laisse que demi-pié de tige. On l’étage en dedans, afin que la séve se jettant en dehors, ses branches s’étendent de côté, & forment une boule ou buisson arrondi.

Arbre en espalier : c’est celui dont les branches sont étendues & attachées contre des murailles, & qu’on a taillé à main ouverte, ou à plat ; il y a aussi des espaliers en plein air : ils sont cependant taillés à plat, & prennent l’air sur deux faces ; mais leurs branches sont soûtenues par des échalas disposés en raquette.

Arbres sur franc ; ce sont ceux qui ont été greffés sur des sauvageons venus de pepins, ou venus de boutures dans le voisinage d’autres sauvageons ; ainsi on dit, un poirier greffé sur franc, &c.

Arbres en contre-espalier ou haies d’appui, ce sont des arbres plantés sur une ligne parallele à des espaliers.

Observations particulieres sur les arbres. 1°. La racine des arbres, même de toute plante en général, en est comme l’estomac ; c’est-là que se fait la premiere & principale préparation du suc. De-là il passe du moins pour la plus grande partie, dans les vaisseaux de l’écorce, & y reçoit une nouvelle digestion. Les arbres creusés & cariés à qui il ne reste de bois dans leurs troncs que ce qu’il en faut précisément pour soûtenir l’écorce, & qui cependant vivent & produisent, prouvent assez combien l’écorce est plus importante que la partie ligneuse.

2°. Les arbres dont les chenilles ont rongé les feuilles, n’ont point de fruit cette année, quoiqu’ils ayent porté des fleurs, ou du moins n’ont que des avortons : donc les feuilles contribuent à la perfection du suc nourricier. Hist. de l’Acad. pag. 51. an. 1707.

Les deux propositions précédentes sont de M. de Réaumur : mais la premiere paroît contredite par deux observations rapportées Hist. de l’Acad. 1709. pag. 51. En Languedoc, dit M. Magnol, on ente les oliviers en écusson, au mois de Mai, quand ils commencent d’être en séve, au tronc ou aux grosses branches. Alors on coupe l’écorce d’environ trois ou quatre doigts tout autour du tronc ou des branches, un peu au-dessus de l’ente ; de sorte que le bois ou corps ligneux est découvert, & que l’arbre ne peut recevoir de nourriture par l’écorce. Il ne perd pourtant pas encore ses feuilles ; elles sont nourries par le suc qui est déjà monté. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que l’arbre porte dans cette année des fleurs & des fruits au double de ce qu’il avoit coûtume d’en porter. Ensuite les branches au-dessus de l’en-