nuant comme une pyramide. Le dedans étoit rempli de matieres combustibles, & le dehors revêtu de draps d’or, de compartimens d’ivoire, & de riches peintures. Chaque étage formoit un portique soûtenu par des colonnes ; & sur le faîte de l’édifice on plaçoit assez ordinairement une représentation du char doré, dont se servoit l’Empereur défunt. Ceux qui portoient le lit de parade le remettoient entre les mains des Pontifes, & ceux-ci le plaçoient sur le second étage du bucher. On faisoit ensuite des courses de chevaux & de chars. Le nouvel Empereur une torche à la main, alloit mettre le feu au bucher, & les principaux Magistrats l’y mettant aussi de tous côtés, la flamme pénétroit promptement jusqu’au sommet, & en chassoit un aigle où un paon, qui s’envolant dans les airs, alloit selon le peuple porter au ciel l’ame du feu Empereur ou de la feue Impératrice, qui dès-lors avoient leur culte & leurs autels comme les autres dieux.
On accorda aussi l’apothéose aux favoris des Princes, à leurs maîtresses, &c. mais en général on ne déféroit cet honneur en Grece, que sur la réponse d’un oracle ; & à Rome, que par un decret du Sénat.
Les anciens Grecs déifierent ainsi les Princes, les Héros, les inventeurs des arts ; & nous lisons dans Eusebe, Tertullien & S. Chrysostome, que sur le bruit des miracles de Jesus-Christ, Tibere proposa au Sénat de Rome de le mettre au nombre des dieux ; mais que cette proposition fut rejettée, parce qu’il étoit contraire aux lois d’introduire dans Rome le culte des dieux étrangers : c’est ainsi qu’ils nommoient les divinités de tous les peuples, à l’exception de celles des Grecs, qu’ils ne traitoient point de barbares.
Le grand nombre de personnes auxquelles on accordoit les honneurs de l’apothéose avilit cette cérémonie, & même d’assez bonne-heure. Dans Juvenal, Atlas fatigué de tant de nouveaux dieux, dont on grossissoit le nombre des anciens, gémit & déclare qu’il est prêt d’être écrasé sous le poids des cieux : & l’empereur Vespasien naturellement railleur, quoiqu’à l’extrémité, dit en plaisantant à ceux qui l’environnoient, je sens que je commence à devenir dieu, faisant allusion à l’apothéose qu’on alloit bien-tôt lui décerner. (G)
* APOTHICAIRE, s. m. celui qui prépare & vend les remedes ordonnés par le Medecin. Les Apothicaires de Paris ne font avec les marchands Epiciers, qu’un seul & même corps de communauté, le second des six corps des Marchands.
On conçoit aisément qu’une bonne police a dû veiller à ce que cette branche de la Medecine, qui consiste à composer les remedes, ne fût confiée qu’à des gens de la capacité & de la probité desquels on s’assûrât par des examens, des expériences, des chef-d’œuvres, des visites, & les autres moyens que la prudence humaine peut suggérer.
Les statuts de ceux qui exercent cette profession à Paris, contiennent neuf dispositions. La premiere, que l’aspirant apothicaire, avant que de pouvoir être obligé chez aucun maître de cet art, en qualité d’apprentif, sera amené & présenté par le maître, au Bureau, par-devant les Gardes, pour connoître s’il a étudié en grammaire, & s’il est capable d’apprendre la Pharmacie. Qu’après qu’il aura achevé ses quatre ans d’apprentissage, & servi les maîtres pendant six ans, il en rapportera le brevet & les certificats ; qu’il sera présenté au Bureau par un conducteur, & demandera un jour pour subir l’examen ; qu’à cet examen assisteront tous les maîtres, deux Docteurs en Medecine de la Faculté de Paris, Lecteurs en Pharmacie ; qu’en présence de la compagnie, l’aspirant sera interrogé durant l’espace de trois heures par les Gardes, & par neuf autres maîtres que les Gardes auront choisis & nommés.
La seconde, qu’après ce premier examen, si l’aspirant est trouvé capable à la pluralité des voix, il lui sera donné jour par les Gardes pour subir le second examen, appellé l’acte des herbes, qui sera encore fait en présence des Maîtres & des Docteurs qui auront assisté au précédent.
La troisieme, que, si après ces examens, l’aspirant est trouvé capable, les Gardes lui donneront un chef-d’œuvre de cinq compositions : que l’aspirant, après avoir disposé ce chef-d’œuvre, fera la démonstration de toutes les drogues qui doivent entrer dans ces compositions ; que s’il y en a de défectueuses ou de mal choisies, elles seront changées, & qu’il en fera ensuite les préparations & les mêlanges en la présence des maîtres, pour connoître par eux, si toutes choses y seront bien observées.
La quatrieme, que les veuves des maîtres pourront tenir boutique pendant leur viduité, à la charge toutefois qu’elles seront tenues, pour la conduite de leur boutique, confection, vente & débit de leurs marchandises, de prendre un bon serviteur expert & connoissant, qui sera examiné & approuvé par les Gardes ; & que les veuves & leurs serviteurs seront tenus de faire serment par-devant le Magistrat de police, de bien & fidelement s’employer à la confection, vente & débit de leurs marchandises.
La cinquieme, qu’attendu que de l’art & des marchandises des Epiciers incorporés avec les apothicaires dépendent les confections, compositions, vente & débit des baumes, emplâtres, onguens, parfums, sirops, huiles, conserves, miels, sucres, cires, & autres drogues & épiceries ; ce qui suppose la connoissance des simples, des métaux, des minéraux, & autres sortes de remedes qui entrent dans le corps humain, ou s’y appliquent & servent à l’entretien & conservation des citoyens ; connoissance qui requiert une longue expérience ; attendu que l’on ne peut être trop circonspect dans cette profession, parce que souvent la premiere faute qui s’y commet n’est pas réparable : il est ordonné qu’il ne sera reçû aucun maître par lettres, quelque favorables ou privilégiées qu’elles soient, sans avoir fait apprentissage, & subi les examens précédens ; & que toutes marchandises d’épicerie & droguerie, entrant dans le corps humain, qui seront amenées à Paris, seront descendues au Bureau de la communauté, pour être vûes & visitées par les Gardes de l’apothicairerie & épicerie, avant que d’être transportées ailleurs, quand même elles appartiendroient à d’autres marchands ou bourgeois qui les auroient fait venir pour eux.
La sixieme, que, comme il est très-nécessaire que ceux qui traitent de la vie des hommes, & qui participent à cet objet important, soient expérimentés, & qu’il seroit périlleux que d’autres s’en mêlassent ; il est défendu à toutes sortes de personnes, de quelque qualité & état qu’elles soient, d’entreprendre, composer, vendre & distribuer aucunes medecines, drogues, épiceries, ni aucune autre chose entrant dans le corps humain, simple ou composée, ou destinée à quelque composition que ce soit, de l’art d’Apothicairerie & de Pharmacie, ou marchandise d’épicerie, s’il n’a été reçû maître, & s’il n’a fait le serment par-devant le Magistrat de police, à peine de confiscation, & de cinquante livres parisis d’amende.
La septieme, que les apothicaires & épiciers ne pourront employer en la confection de leurs medecines, drogues, confitures, conserves, huiles, sirops, aucunes drogues sophistiquées, éventées, ou corrompues, à peine de confiscation, de cinquante livres d’amende, d’être les drogues & marchandises ainsi défectueuses brûlées devant le logis de celui qui s’en trouvera saisi, & de punition exemplaire, si le cas y écheoit.