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tendu qu’il avoit été funeste à plusieurs Moines confreres de Basile Valentin, qui leur en avoit fait prendre comme remede ; & que c’étoit par cette raison, qu’on lui avoit donné le nom d’antimoine, comme qui voudroit dire contraire aux Moines.

On trouve presque par-tout des mines d’antimoine ; il y en a en plusieurs endroits d’Allemagne, comme en Hongrie : nous en avons plusieurs en France. Il y en a une bonne mine à Pegu ; une autre près de Langeat & de Brioude ; une autre au village de Pradot, paroisse d’Aly, qui donne un antimoine fort sulphureux : elle a été ouverte en 1746 & 1747. Un autre filon d’antimoine au village de Montel dans la même paroisse, en Auvergne. On a trouvé d’autres mines de ce même minéral à Manet près Montbrun en Angoumois. Il y a de l’antimoine dans les mines de pierre couvise ou pierre couverte d’Auriac, de Cascatel, dans le vallon nommé le champ des mines ; & à Malbois, dans le comté d’Alais en Languedoc ; à Giromagny & au Puy dans la haute Alsace ; en Poitou & en Bretagne, &c. On ne voit point chez les Marchands, d’antimoine qui n’ait été séparé de la mine par une premiere fusion. Pour tirer ce minéral de sa mine, on la casse en morceaux, & on la met ensuite dans un vaisseau dont le fond est percé de plusieurs trous ; on couvre le vaisseau, & on lute exactement le couvercle : on met le feu sur ce couvercle, la chaleur fait fondre l’antimoine qui coule par les trous dont on vient de parler, dans un récipient qui est au-dessous, où il se moule en masse pyramidale. C’est l’antimoine fondu, que l’on doit distinguer de l’antimoine natif, c’est-à-dire, de l’antimoine qui n’a pas passé au feu. Le meilleur antimoine est celui qui est le plus brillant par une quantité de filets luisans comme le fer poli, & en même tems le plus dur & le plus pesant. Il ne faut pas croire que l’antimoine de Hongrie soit meilleur que celui de France pour l’usage de la Medecine. Geoffroy, Mat. medec. tome I.

L’antimoine est composé d’une substance métallique qu’on nomme régule, & d’une partie sulphureuse qui forme environ le tiers de sa masse. Cette partie sulphureuse de l’antimoine est de la nature du soufre minéral ; elle est composée du superflu du principe huileux de l’antimoine & du superflu de son principe salin, qui est vitriolique : ce soufre est différent du principe huileux, qui concourt à la composition de la partie réguline.

Le mercure a de grands rapports avec cette matiere réguline : la terre de l’antimoine est extrèmement légere, comme est celle du mercure : le soufre s’unit également au mercure & au régule d’antimoine, de sorte qu’on peut regarder l’antimoine crud comme une espece de cinabre, composé de la partie métallique de l’antimoine, unie au soufre commun, de même que le cinabre proprement dit est le mercure uni au soufre, avec lequel il forme des aiguilles. L’antimoine a encore ceci de commun avec le mercure, que l’esprit de sel a autant de rapport avec le régule d’antimoine, qu’avec le mercure.

Plusieurs Chimistes regardent la partie métallique de l’antimoine comme un mercure fixé par une vapeur arsénicale. Mais peut-on retirer du mercure du régule d’antimoine ? quelques-uns ont dit que ce mercure qui faisoit partie de l’antimoine, étoit la production de l’opération que l’on fait pour l’en tirer ; d’autres ont assûré que ce mercure étoit contenu dans l’intérieur de l’antimoine.

Quoiqu’on tire du mercure du régule d’antimoine, il est difficile de mêler du régule d’antimoine avec du mercure ; il faut observer à cette occasion que l’antimoine crud ne peut que très-difficilement se mêler au régule qui se joint facilement au soufre.

Quelques Chimistes ont pensé que si on pouvoit unir ensemble le mercure & l’antimoine, ce seroit un moyen de découvrir de nouvelles propriétés dans ces deux minéraux.

Plusieurs se vantent d’avoir tiré du mercure de l’antimoine : mais aucun ne dit qu’il les ait joints ensemble ; quoiqu’il y en ait, du nombre desquels est Becker, qui aient cherché à purifier le mercure par le moyen de l’antimoine.

L’antimoine contient beaucoup de soufre : cependant il est très-difficile de l’unir au mercure qui se lie si aisément au soufre ; parce que le soufre s’attache encore plûtôt à l’antimoine, qu’au mercure même. On sait que le régule d’antimoine est un des plus forts moyens qu’on puisse employer pour retirer le mercure du cinabre ; & c’est suivant ce principe, que pour faire le cinabre d’antimoine, on enleve premierement la partie réguline de l’antimoine, pour que son soufre ait la liberté de se joindre au mercure.

Cependant dans la vûe d’unir ensemble ces deux matieres qui sont d’une si grande importance en Chimie, M. Malouin a fait plusieurs expériences ; & après avoir tenté inutilement différens moyens difficiles & compliqués, il a réussi par d’autres qui sont plus naturels & plus simples, dont il a rendu compte dans un mémoire qu’il donna à l’Académie Royale des Sciences en l’année 1740. Voyez Ethiops antimonial.

Si on verse de l’eau-forte sur de l’antimoine en poudre grossiere, & que pendant la dissolution qui résultera de ce mêlange, on y ajoûte de l’eau froide ; il surnagera aussi-tôt après la dissolution une matiere grasse qui vient de l’antimoine, & que M. Malouin dit, dans son mémoire sur l’union du mercure & de l’antimoine, avoir détaché de l’antimoine par le moyen du mercure.

On peut tirer par la distillation de l’antimoine, faite par une cornue, une liqueur acide, comme on en peut tirer du soufre de la même façon ; & c’est cette liqueur, qu’on peut tirer aussi de l’antimoine, que quelques Chimistes ont nommée vinaigre des Philosophes ; il y a d’autres préparations de vinaigre d’antimoine ; le plus recommandé est celui de Basile Valentin.

Il y en a qui appellent mercure d’antimoine, le mercure tiré du cinabre d’antimoine mêlé avec la chaux ou le fer, quoique le mercure ne puisse être dit que mercure revivifié du cinabre d’antimoine.

Au reste on trouve dans bien des livres de Chimie différens procédés pour faire du mercure avec de l’antimoine : mais le succès ne répond pas aux promesses des auteurs ; de sorte que Rolfinckius, & l’auteur incrédule qui a pris le nom d’Udene Udenis, mettent ce mercure tiré de l’antimoine au nombre des non-êtres, c’est-à-dire des choses qui ne sont point. Cependant Becker & Lancelot ont soûtenu ce fait. Le procédé qu’en donne Lancelot dans son ouvrage qui a pour titre Epistola ad curiosos, est fidele ; & quiconque voudra le suivre exactement, trouvera l’opération embarrassante, mais vraie, suivant la Pharmacopée de Brandebourg.

L’antimoine a causé de grandes contestations en Medecine. La nature de ce minéral n’étant point encore assez connue, la Faculté fit en 1566 un decret pour en défendre l’usage, & le Parlement confirma ce decret. Paumier de Caen grand Chimiste, & célebre Medecin de Paris, ne s’étant pas conformé au decret de la Faculté & à l’Arrêt du Parlement, fut dégradé en 1609 : cependant l’antimoine fut depuis inséré dans le livre des Médicamens, composé par ordre de la Faculté en 1637 ; & enfin en 1666, l’expérience ayant fait connoître les bons effets de l’antimoine dans plusieurs maladies, la Faculté en permit