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dans toute leur étendue : on ôte le plus exactement qu’on peut les caillots de sang qu’elles renferment ; & si l’artere donne du sang, on fait serrer le tourniquet : on essuie bien le fond de la plaie, pour voir positivement le point d’où il sort : on resserre ensuite le tourniquet : on passe alors par-dessous l’artere, l’aiguille plate de M. Petit, qui porte deux brins de fil ciré, dont l’un sert à faire la ligature au-dessus de la plaie du vaisseau, & l’autre au-dessous : on fait relâcher le tourniquet ; & si la ligature est bien faite, on panse le malade tout simplement comme il vient d’être dit.

La cure consiste à faire suppurer la plaie, à la mondifier, déterger & cicatriser comme les ulceres. (Voyez Ulcere.) Les ligatures tombent pendant la suppuration, non en se pourrissant, mais en sciant peu à peu les parties qui étoient comprises dans l’anse qu’elles formoient.

Lorsqu’on a fait la ligature d’une artere, il faut, s’il y a lieu de craindre que ce ne soit un tronc principal, couvrir tout le membre de compresses, qu’on arrosera souvent d’eau-de-vie ou d’esprit-de-vin camphrés, pour donner du ressort aux vaisseaux, & résoudre le sang coagulé. Il ne faut pas se décider trop légerement pour l’amputation à la vûe d’un gonflement accompagné du froid de la partie ; il faut au contraire faire des saignées, appliquer des cataplasmes, & fomenter le membre avec l’eau-de-vie camphrée & ammoniacée. J’ai vû faire l’opération de l’anevrysme au bras, le pouls fut plus de quinze jours à se faire sentir : on croyoit de jour en jour qu’on seroit obligé de faire l’amputation le lendemain : enfin par des soins méthodiques, les choses changerent de face, & le malade guérit parfaitement.

M. Foubert reconnoît une autre espece d’anevrysme faux, que celle dont on vient de parler ; il la nomme anevrysme enkisté ; cette seconde espece d’anevrysme faux présente tous les signes de l’anevrysme vrai, ou par dilatation, quoiqu’elle soit formée par la sortie du sang hors de l’artere. Cet anevrysme est ordinairement la suite d’une saignée au bras, où l’artere a été ouverte. Le Chirurgien ayant reconnu à la couleur du sang & à l’impétuosité avec laquelle il sort, qu’il a ouvert l’artere, doit en laisser sortir une quantité suffisante pour faire une grande & copieuse saignée. Pendant que le sang coule il doit mâcher du papier, & faire préparer des bandes & plusieurs compresses graduées. Il arrête facilement le sang, en comprimant l’artere au-dessus de la saignée. Il réunit ensuite la plaie en resserrant la peau, afin d’arrêter l’écoulement du sang de la veine, dont la sortie accompagne fort souvent celle du sang artériel. Le Chirurgien pose sur l’ouverture le tampon de papier qu’il a mâché & exprimé ; ce tampon doit être au moins de la grosseur d’une aveline : on pose sur ce papier trois ou quatre compresses graduées, depuis la largeur d’une piece de vingt-quatre sous, jusqu’à celle d’un écu de six livres ; par ce moyen l’ouverture de l’artere se trouve exactement comprimée pendant que les parties voisines ne le sont que légerement. On contient ces compresses graduées avec une bande pareille à celle dont on se sert pour les saignées du pié, c’est-à-dire, une fois plus longue que celle dont on se sert ordinairement pour la saignée du bras. Il ne faut serrer ce bandage que médiocrement, de crainte d’occasionner le gonflement de la main & de l’avant-bras : un Chirurgien appuiera ensuite ses doigts sur les compresses pendant quelques heures, en observant que la compression qu’il fait, ne porte que sur le point où l’artere a été piquée. Lorsque le Chirurgien cessera de comprimer, il faut substituer à ses doigts un bandage d’acier, dont la pelote bien garnie porte sur l’appareil, & appuie précisément sur le lieu de l’ouverture. (Voyez les figures 2. & 3. Pl.

XXII. qui représentent ces especes de bandages.) Ce bandage ne gêne en aucune façon le retour du sang, parce qu’il reçoit son point d’appui de la partie opposée à la pelote, & que tous les autres points de la circonférence du membre sont exempts de compression. On peut lever cet appareil au bout de 7 à 8 jours, sans craindre la sortie du sang : on examine si la compression immédiate du papier sur la peau n’y a pas produit une contusion qui pourroit être suivie d’ulcération, afin d’y remédier. Si les choses sont en bon état, on remet un nouveau tampon de papier mâché, un peu moins gros qu’à la premiere fois ; on applique des compresses graduées, qu’on assujettit par des tours de bande un peu moins serrée qu’au premier appareil ; si l’on a remarqué quelque contusion, on remettra le bandage d’acier sur le tout, & on fera observer au malade le repos du bras, qu’il aura soin de ne pas tirer de l’écharpe où il sera mis : à 8 jours de-là on pourra renouveller l’appareil, qui pourra être serré plus légerement. Ce traitement doit être continué 25 à 30 jours : à chaque levée d’appareil, le Chirurgien examinera avec attention s’il ne s’est point fait de tumeur ; il s’attacheroit alors à faire sa compression sur le point tuméfié : mais on ne doit point être dans cet embarras, si l’on a suivi exactement ce qui vient d’être prescrit.

Si ces moyens sont négligés, ou qu’on ne les ait pas continués assez de tems, il survient une tumeur anevrysinale, parce que l’impulsion du sang chasse le caillot qui bouchoit l’ouverture de l’artere. Il se forme d’abord une petite tumeur qui augmente peu-à-peu, & qui acquiert plus ou moins de volume selon l’ancienneté de sa formation, & la quantité du sang extravasé. Cette tumeur est ronde, circonscrite, sans changement de couleur à la peau ; elle est susceptible d’une diminution presque totale, lorsqu’on la comprime : enfin elle a tous les signes de l’anevrysme vrai, quoiqu’elle soit causée par l’extravasation du sang. Voici comme cela arrive : lorsqu’on a arrêté le sang d’une artere, & qu’on a réuni la plaie sur laquelle on a fait une compression suffisante, la peau, la graisse, l’aponevrose du muscle biceps, & la capsule de l’artere, se cicatrisent parfaitement : mais l’incision du corps de l’artere ne se réunit point. Les fibres qui entrent dans sa structure se retirent en tous sens par leur vertu élastique, & laissent une ouverture ronde dans laquelle il se forme un caillot. Si l’on continuoit assez long-tems la compression, pour procurer une induration parfaite du caillot, on guériroit radicalement le malade : mais si l’on permet l’exercice du bras avant que le caillot ait acquis assez de solidité pour cimenter l’adhérence de la capsule & de l’aponevrose, il s’échappera du trou. Le sang s’insinuera alors dans l’ouverture, les impulsions réitérées décolleront les parties qui avoisinent la circonférence de l’ouverture de l’artere, & ce décollement produit la tumeur anevrysmale, qui rentre lorsqu’on la comprime, parce que le sang fluide repasse dans l’artere. Cette tumeur, en grossissant & devenant plus ancienne, forme des couches sanguines, qui se durcissent considérablement, raison pour laquelle M. Foubert la nomme anevrysme enkisté, ou capsulaire.

Cette théorie est fondée sur un grand nombre de faits par les opérations d’anevrysme de cette espece, que ce célebre Chirurgien a eu occasion de pratiquer, & par les observations qu’il a faites, en disséquant les bras des personnes mortes, & qui avoient été guéries de semblables accidens par le moyen de la compression. En ouvrant, dans ces dissections, l’artere, postérieurement à l’endroit malade, il a trouvé un trou rond bouché exactement par un caillot de sang fort solide ; & disséquant avec attention la face extérieure de l’artere, il a trouvé à l’endroit du trou ;