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fournissoient, tomberont en mortification, & il faudra faire l’amputation du membre. Voyez Amputation.

La cure des anevrysmes est différente suivant leur espece : les anevrysmes des capacités ne sont point susceptibles de guérison radicale : pour empêcher leur augmentation, & prévenir leurs crevasses, qui feroient périr les malades, il faut faire observer un régime humectant & adoucissant, défendre les travaux & les exercices peu modérés, & faire saigner de tems en tems, relativement aux forces du malade, pour diminuer la pléthore, & empêcher par-là la colonne du sang de faire effort contre les parois de la poche anevrysmale.

Les anevrysmes des extrémités formés par la dilatation d’une artere, ne peuvent être guéris que par l’opération : on essayeroit en vain la compression de la tumeur, comme un moyen palliatif. On a imaginé des bandages faits sur le modele des brayers pour les hernies, & on fait observer qu’il faut que les pelottes soient creuses, pour s’opposer simplement à l’accroissement de la tumeur, sans oblitterer le vaisseau. Ainsi dans les anevrysmes commençans, les tumeurs qui sont oblongues demanderoient des pelotes creusées en gouttiere ; c’est ce qui a fait donner à ces bandages le nom de ponton. M. l’Abbé Bourdelot, premier Medécin de M. le Prince, est l’inventeur de ces bandages, à l’occasion d’un anevrysme qui lui survint après avoir été saigné : nous parlerons de cette espece d’anevrysme consécutif. Nous remarquerons ici que l’application d’un bandage ne convient point pour la cure même palliative d’un anevrysme par dilatation ; parce qu’en comprimant la tumeur d’un côté, elle croîtroit de l’autre.

L’opération est l’unique ressource pour les anevrysmes vrais des extrémités : mais elle n’est praticable que dans le cas de la dilatation d’une ramification, & non dans celle d’un tronc. Pour savoir si l’anevrysme affecte une branche ou un tronc, il faut comprimer l’artere immédiatement au-dessus de la poche anevrysmale, après avoir intercepté le cours du sang par la partie dilatée : il faut être attentif à observer si la chaleur & la vie se conservent dans les parties inférieures ; car c’est un signe que le sang passe par des branches collatérales : ainsi en continuant cette compression, les branches de communication se dilateront peu à peu, & deviendront en état de suppléer l’artere principale, dont l’opération abolit l’usage. Si cette compression préparatoire prive les parties inférieures de l’abord du sang nécessaire à leur entretien, il faut la cesser promptement, & se contenter des moyens palliatifs indiqués pour les anevrysmes des capacités ; puisque l’opération n’auroit aucun succès, & qu’elle seroit suivie de la mortification du membre.

Pour opérer l’anevrysme vrai, il faut y avoir préparé le malade par les remedes généraux ; & après avoir disposé l’appareil convenable, qui consiste en aiguilles enfilées de fil ciré, en charpie, compresses & bandes, on fait mettre le malade en situation : il peut être dans son lit, ou assis dans un fauteuil. Il faut faire assujettir le membre par des aides-Chirurgiens : on applique ensuite le tourniquet au-dessus de la tumeur. (Voyez Tourniquet.) L’opérateur pince la peau transversalement sur la tumeur avec les pouces & les doigts indexs de chaque main : il fait prendre par un aide le pli de peau qu’il tenoit avec les doigts de la main droite ; il reçoit de cette main un bistouri droit qu’on lui présente, & avec lequel il incise tout le pli de la peau : il passe une sonde cannelée dans l’angle inférieur de l’incision longitudinale qu’il a faite, & il la continue jusqu’au-de-là de la poche, au moyen du bistouri droit dont la pointe est conduite par la cannelure de cette

sonde : on en fait autant à l’angle supérieur de l’incision. Si la tumeur ou poche anevrysmale est recouverte d’une aponevrose, comme au pli du bras par celle du muscle biceps, il faut faire fléchir l’avant-bras pour inciser cette partie, & le débrider supérieurement & inférieurement comme on a fait la peau. Lorsque la maladie est bien découverte, on passe une aiguille enfilée d’un fil ciré sous le corps de l’artere au-dessus de sa dilatation, évitant d’y comprendre le nerf, dont la ligature exciteroit des convulsions, &c. Il y a une aiguille particuliere pour cette opération. (Voyez Aiguille à anevrysme.) Au défaut de cette aiguille, on peut se servir du talon d’une aiguille courbe ordinaire. On a observé, lorsqu’on s’est servi de la compression préparatoire dont j’ai parlé, que l’artere contracte adhérence avec les parties subjacentes, & qu’alors il n’est pas possible de se servir d’une aiguille à pointe obtuse. Quelques Praticiens dans ce cas embrassent beaucoup de chairs avec une aiguille bien pointue, & tranchante sur les côtés ; & ils mettent par-là le nerf à l’abri des accidens que produit la constriction trop exacte de ce genre de vaisseaux. On pourroit néanmoins se servir d’une aiguille fort courbe & bien tranchante, & passer immédiatement sous l’artere, sans lier le nerf, qui n’y est jamais collé exactement. D’ailleurs, l’observation a démontré que la dilatation de l’artere éloignoit assez le nerf, & lui faisoit faire un angle dans lequel la ligature pouvoit passer : ainsi avec un peu d’attention, on ne risquera pas de le comprendre dans la ligature, ou de le piquer avec l’aiguille pointue & tranchante. On fait une seconde ligature au-dessous de la poche, car le sang des arteres collatérales pourroit rétrograder, parce qu’il trouveroit moins de résistance vers cet endroit. (Voyez ces ligatures, Plan. XXII. fig. 5.) On ouvre ensuite la poche, on la vuide de tout le sang qui y est conténu, & on retranche avec le bistouri les levres de la plaie de la poche, & de celle des tégumens, si on juge qu’elles puissent embarrasser dans les pansemens, comme cela arrive toûjours, pour peu que la tumeur ait de volume.

L’appareil consiste à remplir la plaie de charpie seche, qu’on contient avec les compresses & quelques tours de bande. Il ne faut pas beaucoup serrer le bandage : mais on peut laisser le tourniquet médiocrement serré, en supposant qu’on se soit servi de celui de M. Petit, afin de modérer l’action du sang contre la ligature supérieure. Les pansemens ne different point de ceux de l’anevrysme faux dont nous allons parler.

L’opération de l’anevrysme faux differe de celle qui convient à l’anevrysme vrai. Il n’est pas possible d’appliquer le tourniquet lorsque le bras est fort gonflé, & que ce gonflement s’étend jusqu’à l’aisselle : souvent il n’est pas nécessaire de s’en servir, quoiqu’on doive toûjours l’avoir prêt au besoin, parce que l’épanchement du sang peut être interrompu par la présence d’un caillot qui se sera formé dans l’ouverture de l’artere. J’ai eu occasion de faire cette opération à une personne qui avoit reçû un coup d’épée, qui avoit pénétré obliquement depuis la partie inférieure de l’avant-bras jusqu’au pli du coude. Après avoir ouvert deux tumeurs dans leurs parties les plus saillantes, & avoir ôté les caillots du mieux qu’il me fut possible, je pansai les plaies avec de la charpie seche, des compresses, & un bandage contentif : je ne pûs découvrir le point de l’artere ouyerte que le quatrieme jour, lorsque la suppuration eut entraîné le caillot qui s’opposoit à la sortie du sang. J’appliquai alors le tourniquet, & fis la ligature de l’artere : le malade guérit en peu de tems.

Si l’application du tourniquet est possible, il faut le mettre en place : on incise ensuite les tumeurs