par le plus solide, de crainte d’occasionner des tiraillemens & des dilacérations par la secousse de l’os le plus foible : ainsi à la jambe on fait les premieres impressions sur le tibia, on scie ensuite les os conjointement, & on finit par le tibia. A l’avant-bras on finit par le cubitus. L’aide qui soutient doit appuyer fortement le péroné contre le tibia, ou le radius contre le cubitus, lorsqu’on scie ces parties.
Lorsque l’amputation est faite, il faut se rendre maître du sang : pour cet effet on lâche suffisamment le tourniquet afin de découvrir les principaux vaisseaux, & en faire la ligature, qui est le moyen le plus sûr & sujet à moins d’inconvéniens que l’application des caustiques. V. Caustique & Hémorrhagie. Dès qu’on a apperçu le vaisseau, on resserre le tourniquet : pour faire la ligature, on prend une aiguille courbe enfilée de trois ou quatre brins de fil dont on forme un cordonnet plat en le cirant. On entre dans les chairs au-dessous & à côté de l’extrémité du vaisseau en piquant assez profondément pour sortir au-dessus & à côté. On en fait autant du côté opposé, de façon que le vaisseau se trouve pris avec une suffisante quantité de chairs dans l’anse du fil entre les quatre points paralleles : on fait d’abord un double nœud, nommé communément le nœud du Chirurgien, que l’on fixe par un second nœud simple : s’il y a plusieurs vaisseaux considérables, on en fait la ligature. L’hémorrhagie des vaisseaux musculaires s’arrête par l’application de la charpie & la compression ; on pourroit tremper la charpie qu’on applique immédiatement sur ces vaisseaux, dans l’esprit de vin ou dans celui de térébenthine, pour en fermer l’orifice & donner lieu à la formation du caillot. On peut aussi appliquer pour produire cet effet, des boutons d’alun, ou de la poudre de ce minéral.
On couvre ensuite tout le moignon de charpie seche & brute, parce qu’elle s’accommode plus exactement à toutes les inégalités de la plaie, que si elle étoit arrangée en plumasseaux : on pose de petites compresses quarrées vis-à-vis les vaisseaux ; on contient le tout avec une compresse ronde ou quarrée dont on a abbattu les angles, ce qui la rend octogone ; celle-ci doit être soûtenue par une grande compresse en croix de Malte dont le plein sera de la grandeur du moignon & de la compresse octogone, & dont les quatre chefs s’arrangeront sur les parties antérieure, postérieure & latérales du moignon ; on applique ensuite les trois longuettes dont deux croisent le moignon ; & la troisieme qu’on nomme longuette circulaire à cause de son usage, contient les deux autres en entourant le bord du moignon. On fait ensuite un bandage qu’on nomme capeline, qui consiste en circulaires sur le membre, & en renversés pour couvrir le moignon, lesquels renversés sont contenus par des tours circulaires qui terminent l’application de la bande. On peut se dispenser de ce bandage qui exige une bande de six aunes de long ; ne faire que quelques circulaires pour contenir les compresses, & avoir un fond de bonnet de laine garni & armé de cordons pour en coëffer, pour ainsi dire, le bout du membre.
Tout cela étant achevé, on peut lâcher le tourniquet afin de soulager le malade ; ou même l’ôter entierement, après avoir mis le malade au lit. Il doit y être couché le moignon un peu élevé ; & un aide tenir ferme avec la main l’appareil pendant douze ou quinze heures, crainte d’une hémorrhagie.
On peut lever l’appareil au bout de trois ou quatre jours, & panser la plaie avec un digestif convenable. On attend ordinairement trois ou quatre jours pour la levée de l’appareil, pour que la suppuration se détache : mais on peut humecter dès le second jour la charpie avec l’huile d’hypericum.
Il est parlé dans l’histoire de l’Académie Royale des Sciences, année 1702, d’une méthode proposée à cette Académie par M. Sabourin Chirurgien de Geneve, pour perfectionner l’opération de l’amputation. Tout le secret consiste à conserver un lambeau de la chair & de la peau qui descende un peu au-dessous de l’endroit où se doit faire la section, afin qu’il serve à recouvrir le moignon. L’avantage de cette méthode est qu’en moins de deux jours ce lambeau de chair se réunit avec les extrémités des vaisseaux coupés, & exempte par-là de les lier, ou d’appliquer les caustiques & les astringens ; méthodes qui sont toutes fort dangereuses ou au moins fort incommodes. Ajoutez à cela que l’os ainsi recouvert ne s’exfolie point.
Cette opération qui est précisément la même que celle que Pierre Verduin Chirurgien d’Amsterdam a imaginée & publiée en 1697, n’a pas eu tous les avantages que ses partisans s’en promettoient ; personne ne la pratique : les personnes curieuses d’en savoir plus au long le détail, peuvent en lire la description dans les traités d’opérations de M. de Garengeot. Cette méthode a donné lieu à l’opération à deux lambeaux de M. Ravaton Chirurgien Aide-Major de l’Hôpital Royal de Landau, décrite dans le traité des opérations de M. le Dran, aussi bien que celle de M. Vermalle Chirurgien de l’Électeur Palatin. Ces opérations, qui consistent à fendre le moignon en deux endroits opposés pour scier l’os de façon qu’il y ait un ou deux pouces de chair qui le recouvrent ; ces opérations, dis-je, sont plus douloureuses que la méthode que nous avons décrite. On se propose d’éviter l’exfoliation de l’os, dont l’expectative ne rend pas l’opération ordinaire plus dangereuse, car on attend avec patience ce qui ne fait courir aucun péril : enfin on veut guérir en peu de jours & éviter la suppuration. L’expérience démontre néanmoins que la suppuration sauve plus de la moitié des malades. On sait que plusieurs personnes sont mortes après la guérison parfaite d’une amputation, par l’abondance du sang, qui ne leur étoit point nécessaire, ayant alors moins de parties à nourrir. La suppuration peut empêcher cette formation surabondante des liqueurs, & les accidens subits qu’elle occasionneroit comme on le voit quelquefois dans les amputations de cuisse, où les malades sont tourmentés de coliques violentes qui ne cedent qu’aux saignées, parce qu’elles sont l’effet de l’engorgement des vaisseaux mésentériques produit par l’obstacle que le sang trouve à sa circulation dans le membre amputé. Il y a cependant des observations qui déposent en faveur de ces opérations à lambeaux : mais je crois qu’on ne peut les pratiquer que pour les accidens de cause externe, & au bras par préférence.
M. le Dran, le pere, Maître Chirurgien de Paris, a fait le premier l’amputation du bras dans l’article. On n’applique pas le tourniquet pour faire cette opération. Il n’est pas plus nécessaire de passer une aiguille de la partie antérieure à la postérieure du bras en côtoyant l’humerus, afin d’embrasser avec un fil ciré les vaisseaux & les lier avec la peau pour empêcher l’hémorrhagie ; la soustraction de cette aiguille diminue la douleur. On fait une incision demi-circulaire à la partie moyenne du muscle deltoïde jusqu’au périoste exclusivement. On soûleve ce lambeau en le disséquant, jusqu’à ce qu’on ait découvert la tête de l’humerus. On incise la capsule ligamenteuse ; & tandis qu’un aide luxe supérieurement le bras en faisant sortir la tête de l’os, l’opérateur coupe les chairs le long de l’humerus avec un bistouri droit, & fait un lambeau triangulaire inférieurement. Il est le maître de lier les vaisseaux avant de les couper ; il n’y auroit pas d’ailleurs grand inconvénient à ne les lier qu’après. Quelques Chirurgiens prétendent mê-