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l’humidité de ce mêlange, & sublimer le résidu ; qu’ensuite on dissolvoit la matiere que donnoit la sublimation, & que l’on faisoit évaporer la dissolution pour tirer le sel ammoniac. Malgré tout cela, nous ne saurions pas encore la vraie préparation de ce sel, sans le Pere Sicard Jésuite, missionnaire en Egypte, qui a rapporté le procédé que l’on suit pour cette préparation. Voici en peu de mots ce qu’il en dit, dans les nouveaux mémoires des Missionnaires de la Compagnie de Jesus, dans le Levant. Tome II.

« On fait du sel ammoniac dans plusieurs lieux d’Egypte, comme Damaier & Mehallée ; mais sur-tout à Damaier, qui est un village dans la partie de l’Egypte appellée Delta, aux environs de la ville de Mansoura. On met une certaine suie dans de grandes bouteilles de verre d’un pié & demi de diametre avec un peu de sel marin dissous dans de l’urine de chameaux ou d’autres bêtes de somme. On remplit les bouteilles jusqu’à la moitié ou aux trois quarts, & on les range au nombre de vingt ou trente sur un fourneau bâti exprès pour cet usage ; on entoure les bouteilles avec de la terre-glaise, de façon que leur col ne passe que d’un demi-pié au-dessus de la terre ; alors on met le feu au fourneau, on l’augmente par degré ; & lorsqu’il est poussé à un certain point, on l’entretient pendant trois jours & trois nuits. Pendant ce tems, il se sublime une matiere qui s’attache au col des bouteilles, & il reste au fond une masse noire ; la matiere sublimée est le sel ammoniac. Il faut pour la préparation de ce sel une suie qui ait été produite par les excrémens des animaux, sur-tout des chameaux ». Cette suie est fort commune en Egypte ; car le bois y étant fort rare, on brûle les excrémens des animaux mêlés avec la paille ; on en fait de petites masses semblables à celles que les Tanneurs font avec le tan, & qu’ils appellent mottes à brûler : en Egypte on donne le nom de gelées à celles qui sont faites avec la fiente des animaux. Geoffroy, Mat. med. tom. I. Voyez Sel. (I)

LE SEL AMMONIAC, si l’on en croit l’illustre Boerhaave, garantit toutes les substances animales de la corruption, & pénetre les parties les plus intimes des corps ; il est apéritif, atténuant, résolutif, diaphorétique, sudorifique, antiseptique, & diurétique, propre à irriter les nerfs & à provoquer l’éternument ; il n’agit point sur le corps humain par une qualité acide ou alkaline, mais par une autre beaucoup plus pénétrante que celle du sel commun ; on l’ordonne à la dose d’un scrupule mêlé avec d’autres substances, dans les fievres intermittentes, dans les obstructions.

On en fait un gargarisme de la façon suivante dans la paralysie de la langue, dans le gonflement des amygdales : prenez de l’eau de fleurs de sureau, six onces ; de l’esprit de cochléaria, une once ; du sel ammoniac, un gros : mêlez-les ensemble, & faites-en un gargarisme.

Le sel ammoniac, dissous avec la chaux dans un vaisseau de cuivre, donne une eau ophthalmique qui est de couleur bleue.

Le sel volatil & l’esprit volatil urineux du sel ammoniac s’ordonnent à la dose de douze grains pour le sel volatil, & de douze gouttes pour l’esprit & sel aromatique huileux. Toutes ces préparations sont bonnes pour réveiller & irriter dans les affections soporeuses, dans l’affection hystérique.

On employe l’esprit de sel ammoniac pour frotter les parties affligées de rhûmatisme. Il ne faut point ordonner les esprits volatils seuls ; car ils irritent & brûlent les membranes de l’œsophage & des intestins, comme des caustiques.

Les fleurs martiales de sel ammoniac sont un excellent apéritif ; elles s’ordonnent jusqu’à la dose d’un

scrupule. Ces fleurs mises dans l’eau-de-vie, donnent la teinture de Mars de Mynsicht.

Le sel fébrifuge de Sylvius est le résidu ou le caput mortuum de la distillation du sel ammoniac avec le sel de tartre. Ce sel crystallisé se donne à un gros, & davantage, dans les fievres intermittentes & autres maladies. (N)

*Ammoniaque (Gomme) ; c’est un suc concret qui tient le milieu entre la gomme & la résine. Il s’amollit quand on le manie, & devient gluant dans les mains. Il est tantôt en gros morceaux formés de petits grumeaux, rempli de taches blanches ou roussâtres, parsemé dans la substance d’une couleur sale & presque brune ; de sorte qu’on peut fort bien le comparer au mêlange de couleurs que l’on voit dans le benjoin amygdaloïde : tantôt cette gomme est en larmes ou en petits grumeaux compacts & solides, semblables à de l’encens, jaunâtres & bruns en-dehors, blancs ou jaunâtres en-dedans, luisans & brillans. Sa saveur est douce d’abord, ensuite un peu amere : son odeur est pénétrante, & approche de celle du galbanum, mais elle est plus puante ; elle s’étend facilement sous les dents sans se briser, & elle y devient plus blanche : jettée sur des charbons ardens, elle s’enflamme, & elle se dissout dans le vinaigre ou dans l’eau chaude. On nous l’apporte d’Alexandrie en Egypte.

Pour l’usage on préfere le suc en larmes aux gros morceaux ; il faut choisir celles qui sont grandes, pures, seches, qui ne sont point mêlées de sable, de terre ou d’autres choses étrangeres. On les purifie quand elles sont sales, en les faisant dissoudre dans du vinaigre ; on les passe ensuite & on les épaissit.

Dioscoride dit que c’est la liqueur d’un arbre du genre de la férule, qui naît dans cette partie de la Libye, qui est près du temple de Jupiter-Ammon. M. Geoffroy dit qu’elle découle comme du lait, ou d’elle-même, ou par l’incision que l’on fait à une plante ombellifere, dont on n’a pas encore la description. Au reste, les graines qu’on trouve dans les morceaux de cette gomme, font bien voir qu’elle est le suc d’une plante ombellifere ; car elles sont foliacées, semblables à celles de l’anet, mais plus grandes. L’auteur que nous venons de citer, ajoûte que la plante qui les porte croît dans cette partie de l’Afrique qui est au couchant de l’Egypte, & que l’on appelle aujourd’hui le royaume de Barca.

Cette gomme donne dans l’analyse chimique par la distillation du phlegme limpide, roussâtre, odorant & un peu acide ; du phlegme urineux ; de l’huile limpide, jaunâtre, odorante, & une huile épaisse, roussâtre & brune.

La masse noire restée dans la cornue, calcinée au creuset pendant vingt heures, a laissé des cendres brunes dont on a tiré par lixiviation du sel alkali fixe.

D’où l’on voit que cette gomme est composée de beaucoup de soufre, soit grossier, soit subtil, mêlé avec un sel de tartre, un sel ammoniacal, & un peu de terre.

Elle est apéritive, atténuante, détersive ; elle amollit, digere, résout ; elle excite les regles ; elle fond les duretés & les tumeurs scrophuleuses.

On la donne en substance depuis un scrupule jusqu’à un demi-gros ; elle fait un excellent emménagogue, & pour cet effet on l’employe en pilules & en bols avec les préparations de mars & les fleurs de sel ammoniac.

Les préparations de la gomme ammoniaque sont les pilules, l’emplâtre & le lait.

Emplâtre de gomme ammoniaque : prenez de la gomme ammoniaque plus de six onces ; de la cire jaune, de la résine, de chacune cinq onces ; de l’emplâtre simple de mélilot, de l’onguent d’althéa, de l’huile