Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’eau des fontaines est légere, la pierre des rochers est d’un gris bleu céleste, elle a le grain dur & fin ; on en fait de la chaux. C’est derriere ces rochers qu’on trouve les bures pour le soufre, l’alun, le vitriol, le plomb & le cuivre. Plus on s’enfonce dans les profondeurs de la terre, plus les matieres sont belles. On y descend quelquefois de 80 toises ; on suit les veines de rochers en rochers ; on rencontre de tres-beaux minéraux, quelquefois du crystal ; il sort de ces mines une vapeur qui produit des effets surprenans. Une fille qui se trouva à l’entrée de la mine fut frappée d’une de ces vapeurs, & elle changea de couleur d’un côté seulement. On trouve dans les bois sous les hauteurs à dix piés de profondeur, plusieurs sortes de sable dont on fait du verre, du crystal & de la fayance. Trois hommes commencent une bure ; ils tirent les terres, les autres les étançonnent avec des perches coupées en deux. Quand le percement est poussé à une certaine profondeur, on place à son entrée un tour avec lequel on tire les terres dans un panier qui a trois piés de diametre sur un pié & demi de profondeur. Six femmes sont occupées à tirer le panier, trois d’un côté du tour, trois de l’autre. Un broüetteur reçoit les terres au sortir du panier & les emmene. On conçoit que plus la bure avance, plus il faut de monde. Il y a quelquefois sept personnes dedans & sept au-dehors. De ceux du dedans les uns minent, les autres chargent le panier, quelques-uns étançonnent. Les hommes ont 20 sols du pays par jour, ou 28 sols de France ; les femmes dix sols de France. Quand on est parvenu à 50 piés de profondeur, les femmes du tour tirent jusqu’à 200 paniers par huit heures. A dix piés on commence à rencontrer de la mine qu’on néglige. On ne commence à recueillir qu’à 20 à 25 piés. Quand on la trouve bonne, on la suit par des chemins soûterrains qu’on se fraye en la tirant ; on étançonne tous ces chemins avec des morceaux de bois qui ont six pouces d’équarrissage sur six piés de haut ; on place ces étais à deux piés les uns des autres sur les côtés ; on garnit le haut de petits morceaux de bois & de fascines ; quand les ouvriers craignent de rencontrer d’eau, ils remontent leur chemin.

Mais s’il arrive qu’on ne puisse éviter l’eau, on pratique un petit canal soûterrain qui conduise les eaux dans une bure qui a 90 piés de profondeur, & qui est au niveau des eaux : là il y a dix pompes sur quatre bassins, quatre au niveau de l’eau, trois au second étage, & trois au troisieme. Des canaux de ces pompes, les uns ont deux piés de hauteur, les autres quatre ou même cinq. Ces pompes vont par le moyen de deux grandes roues qui ont 46 piés de diametre, & qui sont mises en mouvement par des eaux qui se trouvent plus hautes qu’elles & qui sont dans les environs. Cette machine qui meut les pompes s’appelle engin. La premiere pompe a 10 toises, la seconde 10, & celle du fond 10. Les trois verges de fer qui tiennent le piston ont 50 piés, & le reste est d’aspiration. La largeur de la bure a huit piés en quarré. L’engin & les pompes font le même effet que la machine de Marly, mais ils sont plus simples.

On jette le minéral qui contient l’alun dans de gros tas qui ont vingt piés de haut, sur soixante en quarré. V. Minéral. Plan. 2. A, A, A, sont ces tas. On le laisse dans cet état pendant deux ans, pour qu’il jette son feu, disent les ouvriers. Au bout de deux ans, on en fait, pour le brûler, de nouveaux amas, qu’on voit même Planche en B, B, B, B. Ces amas sont par lits de fagots & lits de minéral, les uns élevés au-dessus des autres, au nombre de vingt, en forme de banquettes, comme on les voit. On a soin de donner de l’air à ces amas dans les endroits où l’on s’apperçoit qu’ils ne brûlent pas également ; c’est ce que fait avec son pic la fig. 1. Pour donner

de l’air, l’ouvrier travaille ou pioche, comme s’il vouloit faire un trou d’un pié quarré : mais ce trou fait, il le rebouche tout de suite. On laisse brûler le minéral pendant huit à neuf jours, veillant à ce qu’il ne soit ni trop cuit ni pas assez cuit ; dans l’un & l’autre cas on n’en tireroit rien. Quand on s’apperçoit que la matiere est rougeâtre, & qu’elle sonne ; on s’en sert d’un côté (celui où l’on a commencé de mettre le feu) tandis que de l’autre côté on continue d’ajoûter à peu près la même quantité ; en sorte que l’amas se réforme à mesure qu’il se détruit : c’est ce que font les deux fig. 2. & 3. l’une, 2. emporte la matiere brûlée avec sa brouette ; l’autre, 3. continue un lit avec sa hotte. Les Fêtes & les Dimanches n’interrompent point ce travail, qu’on pousse pendant 8 heures par jour. Deux hommes prennent la matiere brûlée pour la jetter dans les baquets d’eau ; & une douzaine de petits garçons & de petites filles refont le tas à l’autre extrémité. C, C, C, C, &c. D, D, D, D, &c. sont ces baquets. Les hommes ont trente sols de France par jour, & les enfans cinq sols.

On remarque que les arbres qui sont aux environs des tas du minéral en feu meurent, & que la fumée qui les tue ne fait point de mal aux hommes. Les baquets sont au nombre de douze, comme on les voit sur deux rangées C, C, C, C, C, C ; D, D, D, D, D, D ; six d’un côté, six d’un autre : ils ont chacun seize piés en quarré, sur un pié de profondeur. Ces douze baquets sont séparés par un espace, dans lequel on en a distribué trois petits E, E, E, qui ont chacun, sur trois piés de long, un pié & demi de large, & deux piés de profondeur. Il y a un petit baquet pour quatre grands ; quatre des grands, deux d’un côté C, C, & deux de l’autre D, D, communiquent avec un petit E. L’ouverture par laquelle les grands baquets communiquent avec les petits, est fermée d’un tampon, qu’on peut ôter quand on veut. Les broüetteurs portent sans cesse de la matiere du tas dans les grands baquets : ces grands baquets sont pleins d’eau ; ils reçoivent l’eau par le canal F ; le canal F prolongé en G, G, G, &c. fait le tour des douze grands baquets : ces grands baquets ont des ouvertures en H, H, H, &c. par lesquelles ils peuvent recevoir l’eau qui coule dans le canal G, G, G, qui les environne. Quand la matiere a trempé pendant 24. heures dans un grand baquet C 1. on laisse couler l’eau chargée de particules alumineuses dissoutes dans le petit baquet E, & on la jette de ce petit baquet E, dans le grand D1. où elle reste encore à s’éclaircir : on continue ainsi à remplir les baquets C1. C2. C3. &c. & les baquets D1. D2. D3. &c. d’eau chargée de parties alumineuses, par le moyen des petits baquets E, E, E. Ces baquets sont tous faits de bois, de madriers & de planches, & le fond en est plancheyé. Quand on présume que l’eau est assez éclaircie dans les grands baquets C1. C2. C3. &c. D1. D2. D3. &c. on en ôte les bouchons, & on la laisse couler par le long canal E, E, E, &c. dans un réservoir F, qui est à 50 toises de-là : elle demeure deux à trois heures dans ce réservoir, puis on la laisse aller dans un autre réservoir I, qui est à deux cens toises du réservoir F ; mais de sa même grandeur : ce dernier réservoir I (Voyez Minéral. Plan. 3.) est derriere les chaudieres. Quand l’eau du réservoir I est claire, on s’en sert ; si elle ne l’est pas, on la laisse reposer. Quand elle est suffisamment reposée, on la laisse couler dans les deux chaudieres G, G ; ces chaudieres sont de plomb, & sont assises sur les fourneaux H, H, H. K, K, escaliers qui conduisent sur les fourneaux vers les chaudieres. L, L, cendriers. M, M, portes des fourneaux par lesquelles on jette la houille. L’eau qu’on a introduite dans les chaudieres G, G, y reste 24. heures ; on les remplit à me-