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demi-pinte d’eau ; il y comprima ensuite trois ou quatre fois plus d’air qu’il n’y en avoit eu auparavant : une heure après il ouvrit le vase & en laissa sortir l’air en y serrant avec une vis un tuyau ouvert, dont l’un des bouts étoit plongé dans l’eau : il trouva peu de tems après que l’eau s’étoit élevée d’un pié dans le tuyau, & qu’elle venoit jusqu’à la hauteur de 16 pouces. Il conclut de là, que la force élastique de l’air avoit été affoiblie pendant quelque tems ; car si elle fût restée la même qu’elle étoit auparavant, tout l’air n’eût pas manqué de s’échapper du vase après qu’il eut été ouvert : d’où il s’ensuit, selon M. Hawksbée, que cet air étant resté dans le vase, il s’y étoit ensuite raréfié, & avoit fait monter l’eau dans le tuyau. Cependant on pourroit soupçonner qu’il seroit peut-être entré une plus grande quantité d’air dans l’eau, parce que l’air qui reposoit dessus, se trouvoit trois ou quatre fois plus comprimé, & que l’air n’auroit été en état de se dégager de l’eau qu’après un certain tems ; ensorte que celui qui avoit pû s’échapper librement, seroit en effet sorti du vase, tandis que celui qui avoit pénétré l’eau en trop grande quantité, auroit eu besoin de tems pour en sortir. M. Musschenbroek ayant versé du mercure dans un tuyau de 8 piés de long, dont un des bouts étoit recourbé, & ayant de cette maniere comprimé l’air dans le bout recourbé, scella ensuite l’autre bout hermétiquement, & marqua le degré de chaleur que l’air avoit alors. Depuis ce tems il dit avoir toûjours observé que le mercure se tenoit à la même hauteur dans le tuyau, lorsque l’air avoit le même degré de chaleur qu’au commencement de l’expérience. Au contraire lorsque l’air devenoit plus chaud, le mercure montoit dans le tuyau ; d’où il paroîtroit s’ensuivre que la compression de l’air ne lui fait point perdre son élasticité. On ne sauroit cependant nier que l’air ne puisse perdre de sa force élastique, puisque M. Hales a prouvé que la chose étoit possible, en mettant le feu à du soufre dans un verre plein d’air : & peut-être y a-t il un plus grand nombre d’exhalaisons qui produisent le même effet. Mussch.

Il est visible que le poids ou la pression de l’air ne dépend pas de son élasticité, & qu’il ne seroit ni plus ni moins pesant, quand il ne seroit pas élastique. Mais de ce qu’il est élastique, il s’ensuit qu’il doit être susceptible d’une pression qui le réduise à un tel espace que son élasticité qui réagit contre le poids qui le comprime, soit égale à ce poids.

En effet, la loi de l’élasticité est qu’elle augmente à proportion de la densité de l’air, & que sa densité augmente à proportion des forces qui le compriment. Or il faut qu’il y ait une égalité entre l’action & la réaction ; c’est-à-dire, que la gravité de l’air qui opere sa compression, & l’élasticité de l’air qui le fait tendre à sa dilatation, soient égales. Voyez Densité, Réaction, &c.

Ainsi l’élasticité augmentant ou diminuant généralement à proportion que la densité de l’air augmente ou diminue, c’est-à-dire, à proportion que l’espace entre ses particules diminue ou augmente, il n’importe que l’air soit comprimé & retenu dans un certain espace par le poids de l’atmosphere, ou par quelque autre cause ; il suffit qu’il tende à se dilater avec une action égale à celle de la cause qui le comprime. C’est pourquoi si l’air voisin de la terre est enfermé dans un vaisseau, de maniere qu’il n’ait plus du tout de communication avec l’air extérieur, la pression de cet air enfermé ne laissera pas d’être égale au poids de l’atmosphere. Aussi voyons nous que l’air d’une chambre bien fermée soûtient le mercure dans le Barometre par sa force élastique à la même hauteur que feroit le poids de toute l’atmosphere. Voyez l’art. Elasticité.

Suivant ce principe, on peut par de certaines mé-

thodes condenser l’air. Voyez Condensation.

C’est sur ce même principe qu’est fondée la structure de l’arquebuse-à-vent. Voyez Arquebuse-à-vent.

L’air peut donc être condensé : mais jusqu’à quel point le peut-il être, ou à quel volume est-il possible de le réduire en le comprimant ? Nous n’en connoissons point encore les bornes. M. Boyle a trouvé le moyen de rendre l’air treize fois plus dense en le comprimant : d’autres prétendent l’avoir vû réduit à un volume 60 fois plus petit. M. Hales l’a rendu 38 fois plus dense à l’aide d’une presse : mais en faisant geler de l’eau dans une grenade ou boulet de fer, il a réduit l’air en un volume 1838 fois plus petit, de sorte qu’il doit avoir été plus de deux fois plus pesant que l’eau ; ainsi comme l’eau ne peut être comprimée, il s’ensuit de là que les parties aëriennes doivent être d’une nature bien différente de celles de l’eau : car autrement on n’auroit pû réduire l’air qu’à un volume 800 fois plus petit ; il auroit alors été précisément aussi dense que l’eau, & il auroit résisté à toutes sortes de pressions avec une force égale à celle que l’on remarque dans l’eau. Mussch.

M. Halley assûre dans les Transactions philosophiques, en conséquence d’expériences faites à Londres, & d’autres faites à Florence dans l’Académie del Cimento, qu’on peut en toute sûreté décider qu’il n’y a pas de force capable de réduire l’air à un espace 800 fois plus petit que celui qu’il occupe naturellement sur la surface de notre terre. Et M. Amontons combattant le sentiment de M. Halley, soûtient dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, qu’on ne peut point assigner de bornes précises à la condensation de l’air ; que plus on le chargera, plus on le condensera ; qu’il n’est élastique qu’en vertu du feu qu’il contient ; & que comme il est impossible d’en tirer tout le feu qui y est, il est également impossible de le condenser à un point au-delà duquel on ne puisse plus aller.

L’expérience que nous venons de rapporter de M. Hales, prouve du moins que l’air peut être plus condensé que ne l’a prétendu M. Halley. C’est à l’élasticité de l’air qu’on doit attribuer les effets de la fontaine de Héron, & de ces petits plongeons de verre, qui étant enfermés dans un vase plein d’eau, descendent au fond, remontent ensuite, & se tiennent suspendus au milieu de l’eau, se tournent & se meuvent comme on le veut. C’est encore à cette élasticité que l’on doit l’action des pompes à feu. Voyez Fontaine & Pompe.

L’air, en vertu de sa force élastique, se dilate à un point qui est surprenant ; le feu a la propriété de le raréfier considérablement. L’air produit par cette dilatation le même effet que si sa force élastique augmentoit, d’où il arrive qu’il fait effort pour s’étendre de tous côtés. Il se condense au contraire par le froid, de sorte qu’on diroit alors qu’il a perdu une partie de sa force élastique. On éprouve la force de l’air échauffé, lorsqu’on l’enferme dans une phiole mince, scellée hermétiquement, & qu’on met ensuite sur le feu ; l’air se raréfie avec tant de force, qu’il met la phiole en pieces avec un bruit considérable. Si on tient sur le feu une vessie à demi soufflée, bien liée & bien fermée, non-seulement elle se gonflera par la raréfaction de l’air intérieur, mais même elle crevera. M. Amontons a trouvé que l’air rendu aussi chaud que l’eau bouillante, acquéroit une force qui est au poids de l’atmosphere, comme 10 à 33, ou même comme 10 à 35 ; & que la chose réussissoit également, soit qu’on employât pour cette expérience une plus grande ou une plus petite quantité d’air. M. Hawksbée a observé en Angleterre, qu’une portion d’air enfermée dans un tuyau de verre, lorsqu’il commençoit à geler, formoit un volume qui étoit à