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fin dans un aimant parallelepipede il place les poles aux deux extrémités de telle sorte, que la moitié supérieure de la surface est pole austral, & la moitié inférieure pole boréal : la moitié supérieure de l’autre extrémité est pole boréal ; & l’inférieure, pole austral.

Il est vraissemblable que M. Knight réussit à produire tous ces effets par quelque moyen analogue à celui qui a été révélé au Public par M. Mitchell, c’est-à-dire, par le secours des aimans artificiels faits avec des barreaux d’acier trempés & polis, aimantés d’une façon particuliere, qu’il nomme la double touche. Il est très-certain qu’on peut donner à des barreaux d’acier d’une figure convenable, & trempés fort dur, une quantité de vertu magnétique très-considérable. L’acier trempé a cet avantage sur le fer & sur l’acier doux, qu’il retient beaucoup plus de vertu magnétique, quoiqu’il ait plus de peine à s’en imbiber, & qu’on est le maître de placer les poles à telle distance qu’on voudra l’un de l’autre, & dans les endroits qu’on jugera les plus convenables. Nous exposerons tout à l’heure à l’article de l’aimant artificiel la maniere d’aimanter par le moyen de la double touche.

La communication de la vertu magnétique n’épuise en aucune maniere sensible l’aimant dont on emprunte la vertu. Quel que soit le nombre de morceaux de fer qu’on aimante avec une même pierre, on ne diminue rien de sa force ; quoique cependant on ait vû des aimans qui ont donné au fer plus de vertu pour lever des poids, qu’ils n’en avoient eux-mêmes, sans que pour cela leur force ait paru diminuer.

Le fer ne s’enrichit pas non plus aux dépens de l’aimant, quelque vertu qu’il acquierre ; car on a pesé exactement une lame d’acier polie, & un aimant armé ; & après avoir marqué le poids de chacun séparément, on a aimanté la lame : après l’opération, on a trouvé le poids de ces deux corps exactement le même, quoiqu’on se soit servi d’une balance très exacte.

Au reste, ce ne sont pas les aimans qui levent les plus grands poids, qui communiquent le plus de vertu : l’expérience a appris que des aimans très-petits & très-foibles pour porter du fer, communiquent cependant beaucoup de vertu magnétique : il est vrai qu’il y a des especes de fer qui ne reçoivent presque point de vertu d’un bon aimant, tandis qu’une autre espece de fer en reçoit une très-considérable. Mais cette vérité ne paroît pas d’une maniere plus évidente que dans les aimans artificiels, qui communiquent pour la plûpart beaucoup de vertu, & qui néanmoins levent ordinairement peu de fer.

Aimant artificiel.

Lorsqu’un morceau de fer ou d’acier est aimanté, il peut communiquer de la vertu magnétique à d’autre fer, & à de l’aimant même (s’il est assez fort) : alors il ne differe en rien de l’aimant, quant aux effets ; c’est pourquoi on le nomme aimant artificiel. Entre les méthodes de faire des aimans artificiels, voici celle qui a été proposée comme la meilleure.

On choisira plusieurs lames de fleuret bien trempées, polies & bien calibrées, ensorte qu’elles soient égales en longueur, largeur & épaisseur : elles auront environ six pouces de long, cinq lignes de largeur, & une ligne d’épaisseur ; & si on veut augmenter leur longueur, on augmentera en même raison leurs autres dimensions. On aimantera bien chaque lame séparément sur le pole d’un excellent aimant bien armé : on préparera une armure ABCD, (fig. 36.) qui puisse les contenir toutes appliquées les unes sur les autres, & qui les serre & les embrasse par les boutons C & D posés vers leurs extrémités. L’épaisseur des jambages A & B, aussi-bien

que celle des boutons C & D, doit être d’autant plus grande, qu’il y a un plus grand nombre de barres assemblées : lors donc qu’on aura disposé toutes ces barres les unes sur les autres entre les deux jambages de maniere que les poles de même nom soient tous du même côté ; on les assujettira dans cette situation par le moyen des vis O, O, P, P, & l’aimant artificiel sera fait.

On se contente quelquefois d’unir ensemble plusieurs lames de fleuret aimantées chacune séparément, & auxquelles on conserve toute leur longueur ; on les tient assujetties par des cercles de cuivre en prenant garde que toutes leurs extrémités soient bien dans le même plan ; c’est sur cette extrémité qu’on passe les lames d’acier & les aiguilles qu’on veut aimanter, & ces sortes d’aimans artificiels sont préférables à beaucoup d’aimans naturels. Ces aimans artificiels seront d’autant meilleurs qu’ils seront construits d’excellent acier bien trempé & bien poli, qu’ils auront été passés sur le pole d’un aimant naturel ou artificiel bien vigoureux, qu’ils auront plus de longueur, enfin qu’ils seront rassemblés en plus grand nombre.

Il faut avoüer cependant que malgré toutes ces précautions, faute d’un aimant assez fort, on ne sauroit communiquer aux barres d’acier qui composent l’aimant artificiel, toute la vertu magnétique qu’elles sont capables de recevoir & de contenir ; car il faut observer qu’un morceau d’acier donné est capable d’une quantité de vertu magnétique déterminée, au-delà de laquelle il n’en sauroit plus acquérir ou tout au moins conserver. Il seroit donc trés-avantageux qu’on pût donner facilement aux lames d’acier toute la quantité de magnétisme qu’elles peuvent recevoir ; c’est précisément en quoi consiste l’avantage de la méthode de M. Mitchell, appellée la double touche ; méthode par laquelle il rend les aimans artificiels bien supérieurs à ceux qu’on peut faire par les méthodes précédentes, & plus forts même que les meilleurs aimans naturels : voici en quoi consiste cette méthode.

On prendra douze barres d’acier plat, égales, longues de six pouces & larges de six lignes, & d’une épaisseur telle qu’elles ne pesent qu’environ une once trois quarts. Après les avoir bien limées & ajustées, on les fera rougir à un feu modéré (car un trop grand feu, ou un trop foible, ne conviendroit pas si bien) & on les trempera. On fera auprès d’une de leurs extrémités une marque avec un ciseau ou un poinçon, afin qu’on puisse reconnoître le pole qui doit se tourner vers le nord, & qu’on nomme pole austral.

Toutes ces barres étant ainsi préparées, on en disposera six sur une table dans une même ligne droite, suivant la direction du méridien magnétique à peu près, & on les assujettira de maniere que toutes les extrémités marquées d’un coup de ciseau soient tournées vers le nord, & touchent l’extrémité de la barre voisine qui n’est pas marquée : ensuite on prendra une bonne pierre d’aimant armée, & on placera ses deux poles sur une des barres, ensorte que son pole du nord soit tourné vers le bout marqué de la barre qui doit devenir pole austral, & que le pole austral de l’aimant soit tourné vers l’extrémité de la barre qui n’est pas marquée, & qui doit devenir un pole boréal. On glissera l’aimant de côté & d’autre d’une extrémité à l’autre de la ligne formée par ces six barres, & on répetera la même opération trois ou quatre fois, prenant bien garde de les toucher toutes : ensuite ramenant l’aimant sur une des barres du milieu, on ôtera les deux barres qui sont aux extrémités, & on les placera dans le milieu de la ligne dans la même situation qu’elles étoient, après quoi on passera encore la pierre trois ou quatre fois