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§. 2. De l’attraction réciproque de l’aimant & du fer.

L’aimant attire le fer avec encore plus de vigueur qu’il n’attire un autre aimant : qu’on mette sur un liége A, Planche phys. fig. 62.. un morceau de fer cubique B qui n’ait jamais été aimanté, & que le tout flotte sur l’eau, & qu’on lui présente un aimant C par quelque pole que ce soit, le fer s’en approchera avec vivacité ; & réciproquement si on met l’aimant sur le liége & qu’on lui présente le morceau de fer, il s’approchera de celui-ci avec la même vitesse ; ensorte qu’il paroît que l’action de l’aimant sur le fer & de celui-ci sur l’aimant est égale & réciproque.

Cette attraction de l’aimant sur le fer s’étend jusques sur tous les corps qui contiennent des particules de ce métal, & le nombre en est très-grand dans la nature : il attire des particules de toutes les especes de terres, de sables, de pierres ; des sels & des résidences de toutes les fontaines ; des cendres & des suies de toutes sortes de bois & de tourbes ; des charbons, des huiles & des graisses de toute espece ; du miel, de la cire, du castor, & une infinité d’autres matieres. En un mot l’aimant est la pierre de touche par le moyen de laquelle on démêle jusqu’aux plus petites parties ferrugineuses que renferme un corps.

A la vérité pour découvrir que ces corps renferment du fer, il est souvent nécessaire d’employer le moyen de la calcination pour soûmettre ce métal à l’action de l’aimant : mais cette préparation n’est employée que pour les corps qui ne tiennent pas le fer sous une forme métallique, ou lorsque ses particules sont confondues d’une maniere particuliere avec d’autres métaux : dans ce cas le fer obéit souvent à l’action d’un aimant très-foible, tandis qu’il se refuse à celle d’un aimant fort. Ainsi on a vû à Petersboug un alliage de fer & d’étain qu’un foible aimant attiroit, & sur lequel un excellent aimant n’avoit aucune action.

Aucuns corps solides ou fluides n’empêchent en rien l’action mutuelle du fer & de l’aimant, si ce n’est le fer lui-même, comme nous l’avons remarqué précédemment. La chaleur excessive du fer ne diminue pas non plus ces effets ; car on a appliqué le pole boréal d’un aimant sur un clou à latte tout rouge, qui a été vivement attiré & qui est resté suspendu : mais on a remarqué aussi que la chaleur excessive de l’aimant diminue sa vertu du moins pour un tems : on a fait rougir l’aimant qui avoit servi dans l’expérience précédente, & quand il a été bien rougi, on a appliqué son pole boréal sur un autre clou à latte semblable, qui a été attiré foiblement, quoiqu’il soit resté suspendu : néanmoins au bout de deux ou trois jours la pierre attiroit le clou aussi vivement qu’avant d’avoir été au feu. La plus grande force attractive d’un aimant est aux environs de ses poles : il y a des aimants qui peuvent lever des clous assez considérables par leurs poles, & qui ne sauroient lever les plus petites parties de limaille par leur équateur. Cependant si on fait ensorte que différentes parties de l’équateur deviennent des poles, comme nous avons dit qu’il arrive en coupant l’aimant en plusieurs parties, la force attractive sera très-sensible dans ces nouveaux poles, de maniere que la somme des poids que pourra lever un-gros aimant ainsi coupé par parties excedera de beaucoup ce que ce morceau pouvoit soûlever, lorsqu’il étoit entier.

§. 3. De l’armure de l’aimant.

La force attractive d’un aimant nouvellement sorti de la mine ne consiste qu’à lui faire lever de petits clous ou d’autres morceaux de fer d’une pesanteur peu considérable ; c’est pourquoi on est obligé de l’armer pour augmenter sa force : d’ailleurs l’armure réunit, dirige & condense toute sa vertu vers les poles,

& fait que ses émanations sont toutes dirigées vers la masse qu’on met sous ses poles.

Il est essentiel avant que d’armer un aimant, de bien reconnoître la situation de ses poles : car l’armure lui deviendroit inutile si elle étoit placée partout ailleurs que sur ces parties. Afin donc de reconnoître exactement les poles d’un aimant, on le mettra sur un carton blanc lissé, & on répandra par-dessus de la limaille de fer qui ne soit point rouillée, ce qui se fera plus uniformément par le moyen d’un tamis : on frappera doucement sur le carton, & on verra bien-tôt se former autour de l’aimant un arrangement symmétrique de la limaille qui se dirigera en lignes courbes E E (Planche phys. fig. 58.) vers l’équateur, en suivant les lignes droites A B vers les poles qui seront dans les deux parties de l’aimant où tendront toutes ces lignes droites : mais on les déterminera encore plus précisément en plaçant dessus une aiguille fort fine & très-courte : car elle se tiendra perpendiculairement élevée à l’endroit de chaque pole, & elle sera toûjours oblique sur tout autre point.

Lorsqu’on a bien déterminé où sont les poles de l’aimant, il faut le scier de maniere qu’il soit bien plan & bien poli à l’endroit de ces poles : de toutes les figures qu’on peut lui donner, la plus avantageuse sera celle où l’axe aura la plus grande longueur, sans cependant trop diminuer les autres dimensions.

Maintenant pour déterminer les proportions de l’armure, il faut commencer par connoître la force de l’aimant qu’on veut armer ; car plus cette force est grande, plus il faut donner d’épaisseur aux pieces qui composent l’armure. Pour cet effet on aura de petits barreaux d’acier bien polis & un peu plats, qu’on appliquera sur un des poles de l’aimant : on présentera à ce barreau d’acier immédiatement au-dessous du pole un petit anneau de fer auquel sera attaché le bassin d’une balance, & l’on éprouvera quelle est la plus grande quantité de poids que l’aimant pourra supporter, sans que l’anneau auquel tient le plan de la balance se sépare du barreau d’acier : on fera successivement la même expérience avec plusieurs barreaux semblables, mais de différentes épaisseurs, & on découvrira facilement par le moyen de celui qui soûlevera le plus grand poids, quelle épaisseur il faudra donner aux boutons de l’armure.

Lorsqu’on aura déterminé cette épaisseur, on choisira des morceaux d’acier bien fins & non trempés qu’on taillera de cette maniere. A B (fig. 59.) est une des jambes de l’armure, dont la hauteur & la largeur doivent être égales respectivement à l’épaisseur & à la largeur de l’aimant : B E D est un bouton de la même piece d’acier dont le plan S B D est perpendiculaire à A B : sa largeur à l’endroit où il touche le plan A B doit être des deux tiers de G G, largeur de la plaque A B, & l’épaisseur du bouton S E doit avoir la même dimension : enfin la longueur B D, qui est la quantité dont le bouton sera avancé au-dessous de la pierre, sera des deux tiers de D S ou de S E. Il est nécessaire que ce bouton devienne plus mince, & aille en s’arrondissant par-dessous depuis S & D jusqu’en E, de maniere que sa largeur en E soit d’un tiers ou d’un quart de la largeur S D. Il est encore fort important de faire attention à l’épaisseur de la jambe A B ; car si on la fait trop épaisse ou trop mince, l’armure en aura moins de force : or c’est ce qu’on ne sauroit bien déterminer qu’en tâtonnant ; c’est pourquoi il y faudra procéder comme on a fait pour déterminer l’épaisseur du bouton. On observe en général que l’extrémité supérieure C C, doit être arrondie, & un peu moins élevée que l’aimant, & que l’épaisseur de la plaque doit être moindre vers C C, que vers G G. On appliquera donc ces deux plaques avec leurs boutons sur les poles respectifs de l’aimant, de