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Prenez deux aimans ab, AB, (fig. 64. physiq.) mettez-les chacun dans une petite boîte de sapin pour qu’ils puissent aisément flotter sur une eau dormante & à l’abri des mouvemens de l’air ; faites ensorte qu’ils ne soient pas plus éloignés l’un de l’autre que ne s’étend leur sphere d’activité : vous verrez qu’ils s’approcheront avec une vitesse accélérée, & qu’ils s’uniront enfin dans un point C qui sera le milieu de leur distance mutuelle, si les aimans sont égaux en force & en masse, & si les deux boîtes sont parfaitement semblables : marquez les points b, A, par lesquels ces aimans se sont unis, & éloignez-les l’un de l’autre de la même distance, ils s’approcheront avec la même vitesse, & s’uniront par les mêmes points : mais si vous changez l’un de ces aimans de situation, de maniere qu’il présente à l’autre le point directement contraire à celui qui étoit attiré, ils se fuiront réciproquement avec une égale vitesse jusqu’à ce qu’ils soient hors de la sphere d’activité l’un de l’autre.

L’expérience fait connoître que ces deux aimans s’attirent par les poles de différent nom ; c’est-à-dire, que le pole boréal de l’un attire le pole austral de l’autre, & le pole boréal de celui-ci attire le pole austral du premier : au contraire les deux poles du nord se fuient aussi-bien que les deux poles du sud ; ensorte que c’est une loi constante du magnétisme, que l’attraction mutuelle & réciproque se fait par les poles de différent nom ; & la répulsion, par les poles de même dénomination.

On a cherché à découvrir si la force qui fait approcher ou fuir ces deux aimans, agit sur eux seulement jusqu’à un terme déterminé ; si elle agit uniformément à toutes les distances en deçà de ce terme : ou si elle étoit variable, dans quelle proportion elle croîtroit ou décroîtroit par rapport aux différentes distances : mais le résultat d’un grand nombre d’expériences a appris que la force d’un aimant s’étend tantôt plus loin, tantôt moins. Il y en a dont l’activité s’étend jusqu’à 14 piés ; d’autres dont la vertu est insensible à 8 ou 9 pouces. La sphere d’activité d’un aimant donné, a elle-même une étendue variable ; elle est plus grande en certains jours que dans d’autres, sans qu’il paroisse que ni la chaleur, ni l’humidité, ni la secheresse de l’air ayent part à cet effet.

D’autres expériences ont fait connoître que vers les termes de la sphere d’activité, la force magnétique agit d’abord d’une maniere insensible ; qu’elle devient plus considerable à mesure que le corps attiré s’approche de l’aimant, & qu’elle est la plus grande de toutes dans le point de contact : mais la proportion de cette force dans les différentes distances, n’est pas la même dans les différens aimans ; ce qui fait qu’on ne sauroit établir de regle générale.

Voici le résultat d’une expérience faite avec soin par M, du Tour.

Il a rempli d’eau un grand bassin M, (Pl. physiq. fig. 63.) & il a fait nager par le moyen d’une fourchette une aiguille à coudre A B qu’il avoit aimantée (qu’on peut par conséquent regarder comme un aimant, ainsi que nous le verrons par la suite) ; il a présenté une pierre d’aimant T à la distance de 13 pouces de cette aiguille, ce qui étoit à peu près le terme de sa sphere d’activité, & il a examiné le rapport des vitesses de l’aiguille à différentes distances. Voici le résultat de son observation.

L’aiguille a employé à parcourir

le 1er pouce 120 " 7 28
2e 110 8 16
3 70 9 12
4 72 10 6
5 56 11 3
6 44 12 & 13 1

Total pour les 13 pouces, 546″=9′ 6″

Ce qu’on a observé de la répulsion, est en quelque sorte semblable aux circonstances du phénomene de l’attraction ; c’est-à-dire, que la sphere de répulsion varie dans les différens aimans, aussi-bien que la force répulsive dans les différentes distances. Plusieurs Auteurs ont cru que la force répulsive ne s’étend dans aucun aimant aussi loin que la force attractive, & qu’elle n’est nulle part aussi forte que la vertu attractive, pas même dans le point de contact, où elle est la plus grande. La force attractive des poles de différens noms de deux aimans étoit, par une observation de M. Musschenbroek, de 340 grains dans le point de contact, tandis que la force répulsive des poles de même nom de ces deux aimans, n’étoit que de 44 grains dans le point de contact de ces deux poles.

Ces Auteurs joignent à ces observations une autre, qui n’est pas moins singuliere : c’est qu’on trouve des aimans (& la même chose arrive à des corps aimantés) dont les poles de même nom se repoussent tant qu’ils sont à une distance moyenne des termes de leur sphere d’activité, & s’attirent au contraire dans le point de contact ; d’autres se repoussent avec plus de vivacité vers le milieu de leur sphere d’activité qu’aux environs du point de contact, où il semble que la répulsion diminue. Néanmoins M. Mitchell prétend avoir observé par le moyen des aimans artificiels, que les deux poles attirent & repoussent également aux mêmes distances, & dans toute sorte de direction ; que l’erreur de ceux qui ont cru la répulsion plus foible que l’attraction, vient de ce que l’on affoiblit toûjours les aimans & les corps magnétiques, en les approchant par les poles de même nom, au lieu qu’on augmente leur vertu lorsqu’on les approche par les poles de différente dénomination ; que cette augmentation ou diminution de force occasionnée par la proximité de deux aimans, devient insensible à mesure qu’on les éloigne : c’est pourquoi l’on voit qu’à une grande distance l’attraction & la répulsion approchent de plus en plus de l’égalité ; & réciproquement s’éloignent de l’égalité à mesure que la distance réciproque des deux aimans diminue, & qu’ils agissent l’un sur l’autre ; ensorte que si un aimant est assez fort & assez près pour endommager considérablement un aimant foible qui l’approche par les poles de même nom, il arrivera que le pole de celui-ci sera détruit & changé en un pole d’une dénomination différente, au moyen dequoi la répulsion sera convertie en attraction. Plusieurs expériences au reste font croire à M. Mitchell que l’attraction & la répulsion croissent & décroissent en raison inverse des quarrés des distances respectives des deux poles.

Tous ces effets d’attraction & de répulsion réciproques de deux aimans, n’éprouvent aucun obstacle de la part des corps solides, ni des fluides. L’attraction & la répulsion de deux aimans étoit egalement forte, soit qu’il y eût une masse de plomb de 100 livres d’épaisseur entre-deux, soit qu’il n’y eût que de l’air libre. M. Boyle a éprouvé que la vertu magnétique pénétroit au-travers du verre scellé hermétiquement, qu’on sait être un corps des plus impénétrables par aucune sorte d’écoulement particulier : le fer seul paroît intercepter la matiere magnétique ; car une plaque de fer battu interposée entre deux aimans, affoiblit considérablement leurs forces attractives & répulsives.

De même ni le vent, ni la flamme, ni le courant des eaux n’interrompent les effets d’attraction & de répulsion de deux aimans ; ces actions sont aussi vives dans l’air commun, que dans l’air raréfié ou condensé dans la Machine pneumatique. Planche physiq. fig. 32. & 35.