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dérangemens occasionnés par les secousses du vaisseau. Il paroît au reste que cette découverte a été faite avant l’an 1180. Voyez l’article Aiguille, où l’on traite plus particulierement de cette découverte.

I. Des Poles de l’aimant, et de sa vertu directive.

Chaque aimant a deux poles dans lesquels réside la plus grande partie de sa vertu : on les reconnoît en roulant une pierre d’aimant quelconque dans de la limaille de fer ; toutes les parties de cette limaille qui s’attachent à la pierre se dirigent vers l’un ou l’autre de ces poles, & celles qui sont immédiatement dessus sont en ces points perpendiculairement hérissées sur la pierre : enfin la limaille est attirée avec plus de force & en plus grande abondance sur les poles que par-tout ailleurs. Voici une autre maniere de connoître les poles ; on place un aimant sur un morceau de glace polie, sous laquelle on a mis une feuille de papier blanc : on répand de la limaille peu à peu sur cette glace autour de l’aimant, & on frappe doucement sur les bords de la glace pour diminuer le frottement qui empêcheroit les molécules de limaille d’obéir aux écoulemens magnétiques : aussi-tôt on apperçoit la limaille prendre un arrangement régulier, tel qu’on l’observe dans la figure, dans lequel la limaille se dirige en lignes courbes AEB, AEB, (Pl. Phys. fig. 58.) à mesure qu’elle est éloignée des poles, & en lignes droites AA, BB, à mesure qu’elle s’en approche ; ensorte que les poles sont les points où convergent toutes ces différentes lignes courbes & droites.

Maintenant on appelle axe de l’aimant, la ligne droite qui le traverse d’un pole à l’autre ; & l’équateur de l’aimant est le plan perpendiculaire qui le partage par le milieu de son axe. Or cette propriété de l’aimant d’avoir des poles est comme essentielle à tous les aimants ; car on aura beau casser un aimant en tant de morceaux que l’on voudra, les deux poles se trouveront toujours dans chaque morceau. Cette polarité de l’aimant ne vient point, comme on l’a cru, de ce que les mines de l’aimant sont dirigées nord & sud ; car il est très-certain que ces mines affectent comme les autres toute sorte de direction, & nommément il y a dans le Devonshire une mine d’aimant, dont les veines sont dirigées de l’est à l’ouest, & dont les poles se trouvent aussi dans cette direction : mais les poles de l’aimant ne doivent point être regardés comme deux points si invariables qu’ils ne puissent changer de place : car M. Boyle dit, qu’on peut changer les poles d’un petit morceau d’aimant en les appliquant contre les poles plus vigoureux d’une autre pierre ; ce qui a été confirmé de nos jours par M. Gwarin Knight, qui peut changer à volonté les poles d’un aimant naturel, par le moyen des barreaux de fer aimantés.

On a donné aux poles de l’aimant les mêmes noms qu’aux poles du monde, parce que l’aimant mis en liberté, a la propriété de diriger toûjours ses poles vers ceux de notre globe ; c’est-à-dire, qu’un aimant qui flotte librement sur une eau dormante, ou qui est mobile sur son centre de gravité, ayant son axe parallele à l’horison, s’arrêtera constamment dans une situation telle, qu’un de ses poles regarde toûjours le nord, & l’autre le midi : & si on le dérange de cette situation, même en lui en donnant une directement contraire, il ne cessera de se mouvoir & d’osciller jusqu’à ce qu’il ait retrouvé sa premiere direction. On est convenu d’appeller pole austral de l’aimant, celui qui se tourne vers le nord, & pole boréal celui qui se dirige vers le sud. Le méridien magnétique est le plan perpendiculaire à l’aimant suivant la longueur de son axe, qui passe par conséquent par les poles.

Lorsqu’après avoir bien reconnu les poles & l’axe d’un aimant, on le laisse flotter librement sur un liége, le vaisseau dans lequel il flotte étant posé sur une méridienne exactement tracée, on s’appercevra que les poles de l’aimant ne regardent pas précisément ceux du monde, mais qu’ils en déclinent plus ou moins à l’est ou à l’ouest, suivant les différens lieux de la terre où se fait cette observation. Cette déclinaison de l’aimant varie aussi chaque année, chaque mois, chaque jour, & même à chaque heure dans le même lieu. V. l’article Aiguille, où l’on en traite plus particulierement.

Pareillement, si l’on fait nager sur du mercure un aimant sphérique, après en avoir bien reconnu l’axe & les poles, il se dirigera d’abord à peu près nord & sud : mais on remarquera aussi que son axe s’inclinera d’une maniere constante ; ensorte que dans nos climats le pole austral s’incline, & le pole boréal s’éleve, & au contraire dans l’autre hémisphere. Cette inclinaison varie aussi dans tous les lieux de la terre & dans tous les tems de l’année, comme on peut le voir à l’article Aiguille, où l’on en parle plus amplement.

Les poles de l’aimant sont, comme nous l’avons dit précédemment, des points variables que nous sommes quelquefois les maîtres de produire à volonté, & sans le secours d’aucun aimant ; comme nous verrons qu’il est facile de le faire par les moyens que nous exposerons dans la suite : car lorsqu’on coupe doucement & sans effort un aimant par le milieu de son axe, chacume de ses parties a constamment deux poles, & devient un aimant complet : les parties qui étoient contiguës sous l’équateur avant la section, & qui n’étoient rien moins que des poles, le sont devenues, & même poles de différens noms ; ensorte que chacune de ces parties pouvoit devenir également pole boréal ou pole austral, suivant que la section se seroit faite plus près du pole austral ou du pole boréal du grand aimant. & la même chose arriveroit à chacune de ces moitiés, si on les coupoit par le milieu de la même maniere. Voyez Pl. physiq. fig. 66.

Mais si au lieu de couper l’aimant par le milieu de son axe AB, on le coupe suivant sa longueur, (Pl. physiq. fig. 67.) on aura pareillement 4 poles aa, bb, dont ceux du même nom seront dans chaque partie, du même côté qu’ils étoient avant la section, à la reserve qu’il se sera formé dans chaque partie un nouvel axe ab, ab, parallele au premier, & plus ou moins rentré au-dedans de la pierre, suivant qu’elle aura naturellement plus de force magnétique.

II. De la vertu attractive de l’aimant
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§. I. De l’attraction réciproque de deux aimans, & de la répulsion.

Le phénomene de l’attraction réciproque de deux aimans, d’un aimant & d’un morceau de fer, ou bien de deux fers aimantés, est celui de tous qui a le plus excité l’admiration des anciens Philosophes, & qui a fait dire à quelques-uns que l’aimant étoit animé. En effet qu’y a-t-il de-plus singulier que de voir deux aimans se porter l’un vers l’autre comme par sympathie ; s’approcher avec vitesse comme par empressement ; s’unir par un côté déterminé au point de ne se laisser séparer que par une force considérable ; témoigner ensuite dans une autre situation, une haine réciproque qui les agite tant qu’ils sont en présence ; se fuir avec autant de vitesse qu’ils s’étoient recherchés, & n’être tranquilles que lorsqu’ils sont fort éloignés l’un de l’autre ? Ce sont cependant les circonstances du phénomene de l’attraction & de la répulsion de l’aimant, comme il est facile de s’en convaincre par l’expérience suivante.