quer en dessous & sans le froisser en dessus. Il n’y a que la seconde partie de ce probleme qui soit résolue par l’entacage, car il faut trop de tems pour entaquer & desantaquer. C’est par cette raison principalement qu’on ne s’en sert point dans les ouvrages où la fassure, c’est-à-dire la plus grande quantité d’étoffe que l’ouvrier puisse fabriquer sans tourner l’ensuple & sans enrouler, est très-petite ; c’est le cas des velours ciselés & des petits velours. La tire fatigueroit trop la chaîne, si la fassure étoit longue dans les velours ciselés ; d’ailleurs comme ce genre d’étoffe est très-fourni, les piquûres des aiguilles n’y font pas grand dommage. Dans les petits velours la chaine est trop fine, pour que la fassure puisse être longue. Il faut donc dans ces deux sortes de velours, tourner fréquemment, & par conséquent s’en tenir aux aiguilles, quoiqu’elles doivent rendre le travail des petits velours fort délicat. L’entacage n’a donc chassé les pointes que de l’ensuple des velours unis, dont l’ouvrier ne fabriquant qu’environ deux fassures par jour, ne desantaque qu’une fois ou deux. Reste donc un beau problème à proposer aux Méchaniciens, & surtout à l’habile Académicien M. de Vaucanson, à qui ces objets sont si connus, & qui s’est déja immortalisé par tant de machines délicates. Ce problème consiste à trouver une machine appliquable à tout genre d’étoffe en général, qui ne la pique point en dessous, qui ne la froisse point en dessus, & qui soit telle encore que l’ouvrier puisse changer souvent de fassure sans perdre beaucoup de tems. Ceux qui chercheront cette machine, trouveront plus de difficulté à la trouver qu’elle n’en présente d’abord.
Aiguilles à Brodeur. Les Brodeurs ont trois sortes d’aiguilles au moins ; les aiguilles à passer, les aiguilles à soie, & les aiguilles à frisure, L’aiguille à passer l’or & l’argent differe de l’aiguille à coudre en ce qu’elle a le trou oblong, au lieu que celle à Tailleur ou à coudre l’a quarré. Comme il faut effiler l’or pour enfiler cette aiguille, & que quand l’or est effilé il ne reste plus qu’une soie plate, il étoit nécessaire que l’aiguille à passer eût l’œil oblong. L’aiguille à soie est plus menue que l’aiguille à passer, & son œil est aussi très-oblong. L’aiguille à frisure s’enfilant d’une soie extremement fine, est encore plus petite que l’aiguille à soie, & a l’œil encore plus oblong : son œil est une petite fente imperceptible. L’aiguille à enlever s’enfile de ficelle ou de fil, & a le cul rond comme celle du Tailleur. Outre les noms que nous venons de donner à ces aiguilles, celle à enlever s’appelle encore aiguille à lisiere ; & celle à frisure, aiguille à bouillon.
Les aiguilles à faire le point sont comme les aiguilles à passer, mais extrèmement menues.
Les aiguilles à tapisserie sont grosses, fortes, & ont l’œil extrèmement large & long, sur-tout quand elles sont à tapisserie en laine.
Aiguilles de métier à bas ou de Bonnetier. Ces aiguilles sont plates par un bout, aiguës & recourbées par l’autre. La partie recourbée & aigue trouve, quand on la presse, une petite chasse pratiquée dans le corps de l’aiguille où elle peut se cacher. Voyez Planches d’Aiguillier-Bonnetier, fig. 7. 1. est la queue de l’aiguille, 2. sa tête, 3. son bec, 4. 5. sa chasse. Voici la maniere dont on fabrique cette aiguille. On a du fil d’acier fort élastique & fort doux : comme le fil d’acier nous vient des trifileries en paquets roulés, il s’agit d’abord de le redresser : pour cet effet, on le fait passer à plusieurs reprises entre des clous d’épingles plantés perpendiculairement & à la distance convenable sur une planche où on les voit par rangées. La fig. 1. Plan. de l’Aiguiller-Bonnetier est l’engin. La planche est percée de deux trous, 1. 2. à ses extrémités, pour pouvoir être fixée par des vis, 34.
34. 34. sont les clous d’épingles fichés sur la planche. 56. est le fil d’acier passé entre ces clous d’épingles. Quand le fil d’acier est redressé, on le coupe par morceaux de la longueur que doit avoir l’aiguille. On prend chacun de ces morceaux & on les aiguise en pointe avec une lime rude ; ce qui s’appelle ébaucher. On n’a que faire de dire que cette pointe formera le bec de l’aiguille. On prend l’aiguille ébauchée ; on a une espece de gaufrier chaud ; on insere dans ce gaufrier le bec de l’aiguille : cette manœuvre, qu’on appelle donner le recuit, détrempe l’aiguille & la rend moins cassante. Quand elle est recuite, elle se perce à l’étau. L’étau dont on se sert pour percer l’aiguille est une machine très-ingénieuse : sa queue A, en forme de pyramide, fig. 3. s’enfonce comme celle d’un tas d’Orfevre dans un billot de bois : son corps B a un rebord a, a, a, qui empêche l’étau d’enfoncer dans le billot. Ses deux mâchoires laissent entr’elles une ouverture quarrée F, dans laquelle on place une piece quarrée G. On doit remarquer à cette piece quarrée G, qui s’appelle bille, une rainure 1. 2. assez profonde. C’est dans cette rainure qu’est reçûe l’aiguille dont on veut faire la chasse ou qu’on veut percer. Imaginez la bille G placée dans le quarré F, sa rainure tournée vers l’ouverture n. Tournez la vis E ; l’extrémité de cette vis appuiera sur la bille, la pressera latéralement, & l’empêchera de sortir par le côté qu’elle est entrée. La bille ne pourra pas non plus sortir par le côté du quarré F opposé à son entrée, parce qu’on l’a fait un peu plus étroit ; en sorte que cette bille G entre en façon de coin dans ce quarré F. On a pratiqué l’ouverture n à la mâchoire courbe de l’étau, perpendiculairement au-dessus de la rainure 1. 2. de la bille G, & par conséquent de l’aiguille qu’il faut y supposer placée. Tournez la piece c, afin que l’aiguille qui s’insere dans la rainure par le côté opposé de la bille, ne s’y insere que d’une certaine quantité déterminée, & que toutes les aiguilles soient percées à la même distance du bec. Assemblez maintenant avec le corps de l’étau la piece H, au moyen des trois vis 1. 2. 3. qui fixent cette piece sur les deux mâchoires. Vous voyez dans le plan supérieur de cette piece H une ouverture m ; que cette ouverture corresponde encore perpendiculairement à l’ouverture n & à la rainure 1. 2. de la bille G : cela supposé il est évident qu’un poinçon kl, qui passeroit juste par l’ouverture m, par l’ouverture n, rencontreroit la rainure 1. 2. de la bille G, & par conséquent l’aiguille qui y est logée. Soit l’extrémité tranchante de ce poinçon, correspondante à la rainure & au milieu de l’aiguille ; frappez un coup de marteau sur la tête k de ce poinçon, il est évident que son extrémité 4. tranchante, ouvrira ou plûtôt s’imprimera dans l’aiguille. C’est cette empreinte qu’on appelle chasse ; & l’aiguille au sortir de cet instrument ou étau, est dite aiguille percée, quoique dans le vrai elle ne soit que creusée, & non ouverte d’outre en outre.
Cet étau est très-bon : mais il y en a un plus simple de l’invention du sieur Barat, le premier faiseur de métier à bas qu’il y ait à Paris, & qu’il y aura peut-être jamais. Voyez Planche 8. du métier à bas, fig. 1. ABCD est un étau fixé sur un établi : E est l’extrémité du poinçon. 1. 2. 3. 4. 5. 6. fig. 2. est sa partie inférieure. K, fig. 3. est la bille à laquelle on voit plusieurs rainures, afin qu’elle puisse servir à percer plusieurs sortes d’aiguilles. Fig. 4. L, est une plaque qui s’ajuste par le moyen des vis mn, dans l’endroit de la partie inférieure de l’étau chifré 5. 6. 4. 7. Imaginez donc la partie inférieure 1. 2. 3. 4. fig. 2. couverte de sa supérieure, comme on voit en A B C D, fig. 1. Imaginez la bille K, fig. 3. placée dans le quarré 8. 3. 6. 4. Imaginez la plaque L, figure 4 fixée en 5. & 7. fig. 2. par les vis mn. Ima-