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externe de la vulve, & sans cesse elle monte dans le bas-ventre, qui lui oppose moins de résistance, & se dilate surtout entre les trompes, où il y a plus de sinus. Une matrice pleine d’un fœtus formé, occupe presque tout le bas-ventre, & fait remonter quelquefois le diaphragme dans le thorax. Quelquefois la femme ne paroît gueres grosse, quoique prête d’accoucher, & elle accouche d’un gros enfant ; la raison en est que l’uterus est plus dilaté postérieurement qu’antérieurement : mais il est facile, comme on voit, de s’assûrer, en touchant une femme, si elle est grosse, cet éloignement de l’uterus étant le premier signe de grossesse. (L)

Il s’ensuit de tout ce qui précede, qu’on peut considérer la matrice comme un muscle creux dont la dilatation est passive pendant tout le tems de la grossesse, & qui enfin se met en contraction & procure la sortie du fœtus. On a vû au commencement de cet article ce qu’il faut penser de divers raisonnemens sur ce qui sert d’aiguillon à cette contraction de la matrice : quoi qu’il en soit de la cause, il est constant que cette contraction est accompagnée de douleurs fort vives, qu’on nomme douleurs de l’enfantement. Elles se distinguent des douleurs de colique, en ce que celles-ci se dissipent, ou du moins reçoivent quelque soulagement par l’application des linges chauds sur le bas-ventre, l’usage intérieur de l’huile d’amandes douces, la saignée, les lavemens adoucissans, &c. au lieu que tous ces moyens semblent exciter plus fortement les douleurs de l’enfantement. Un autre signe plus distinctif est le siége de la douleur : dans les coliques venteuses, elle est vague ; dans l’inflammation, elle est fixe, & a pour siége les parties enflammées : mais les douleurs de l’enfantement sont alternatives, répondent au bas, & sont toutes déterminées vers la matrice. Ces signes pourroient néanmoins induire en erreur (car ils sont équivoques) & être produits par un flux de ventre, un tenesme, &c. Il faut donc, comme on l’a dit plus haut, toucher l’orifice de la matrice, & son état fournira des notions plus certaines sur la nature des douleurs, & les signes caractéristiques du futur accouchement. Lorsque le corps de la matrice agit sur l’enfant qu’elle renferme, elle tend à surmonter la résistance de l’orifice qui s’amincit peu à peu & se dilate. Si l’on touche cet orifice dans le tems des douleurs, on sent qu’il se resserre ; & lorsque la douleur est dissipée, l’orifice se dilate de nouveau. On juge du tems que l’accouchement mettra à se terminer par l’augmentation des douleurs, & par le progrès de la dilatation de l’orifice lorsqu’elles sont cessées.

Il est donc naturel de présumer, dit M. de Buffon, que ces douleurs qu’on désigne par le nom d’heures du travail, ne proviennent que de la dilatation de l’orifice de la matrice, puisque cette dilatation est le plus sûr moyen pour reconnoître si les douleurs que ressent une femme grosse sont en effet les douleurs de l’enfantement : la seule chose qui soit embarrassante, continue l’Auteur que nous venons de citer, est cette alternative de repos & de souffrance qu’éprouve la mere : lorsque la premiere douleur est passée, il s’écoule un tems considérable avant que la seconde se fasse sentir ; & de même il y a des intervalles souvent très-longs entre la seconde & la troisieme, entre la troisieme & la quatrieme douleur, &c. Cette circonstance de l’effet ne s’accorde pas parfaitement avec la cause que nous venons d’indiquer ; car la dilatation d’une ouverture qui se fait peu à peu, & d’une maniere continue, devroit produire une douleur constante & continue, & non pas des douleurs par accès. Je ne sai donc si on ne pourroit pas les attribuer à une autre cause qui me paroît plus convenable à l’effet : cette cause seroit

la séparation du placenta : on sait qu’il tient à la matrice par un certain nombre de mammelons qui pénetrent dans les petites lacunes ou cavités de ce viscere ; dès-lors ne peut-on pas supposer que ces mammelons ne sortent pas de leurs cavités tous en même tems ? Le premier mammelon qui se séparera de la matrice, produira la premiere douleur ; un autre mammelon qui se séparera quelque tems après, produira une autre douleur, &c. L’effet répond ici parfaitement à la cause, & on peut appuyer cette conjecture par une autre observation ; c’est qu’immédiatement avant l’accouchement il sort une liqueur blanchatre & visqueuse, semblable à celle que rendent les mammelons du placenta lorsqu’on les tire hors des lacunes où ils ont leur insertion ; ce qui doit faire penser que cette liqueur qui sort alors de la matrice, est en effet produite par la séparation de quelques mammelons du placenta. M. de Buffon, Hist. nat. (I)

Lorsque le Chirurgien aura reconnu que la femme est dans un véritable travail, il lui fera donner quelques lavemens pour vuider le rectum avant que l’enfant se trouve au passage : il est aussi fort à propos de faire uriner la femme ou la sonder, si le col de la vessie étoit déja comprimé par la tête de l’enfant. Lorsque la femme est assez forte, on gagne beaucoup à lui faire une saignée dans le travail ; la déplétion qu’on occasionne par ce moyen, relâche toutes les parties & les dispose très-avantageusement. On prépare ensuite un lit autour duquel on puisse tourner commodément. Le Chirurgien touchera la femme de tems en tems, pour voir si les membranes qui enveloppent l’enfant sont prêtes à se rompre. Lorsque les eaux ont percé, on porte le doigt dans l’orifice de la matrice pour reconnoître quelle partie l’enfant présente ; c’est la tête dans l’accouchement naturel : on sent qu’elle est dure, grosse, ronde & égale ; les autres parties ont des qualités tactiles différentes dont il est assez facile de s’appercevoir, même à travers les membranes. Les choses étant dans cet état, (les eaux étant percées) il faut faire coucher promptement la femme sur le lit préparé particulierement pour l’accouchement. Ce lit doit être fait d’un ou de plusieurs matelas garnis de draps pliés en plusieurs doubles, pour recevoir le sang & les eaux qui viendront en abondance. Il ne faut pas que la femme soit tout-à-fait couchée, ni assise tout-à-fait : on lui éleve la poitrine & la tête par des oreillers : on lui met un traversin sous l’os sacrum pour lui élever le bassin : les cuisses & les jambes seront fléchies, & il est bon que les piés puissent être appuyés contre quelque chose qui résiste. Chez les personnes mal à leur aise, où l’on n’a pas la commodité de disposer un lit extraordinaire, on met les femmes au pié de leur lit, qu’on traverse d’une planche appuyée contre les quenouilles. La femme en travail tiendra quelqu’un par les mains pour mieux se roidir & s’en servir de point d’appui dans le tems des douleurs. Il ne faut point presser le ventre comme le font quelques Sages-femmes. Le Chirurgien oindra ses mains avec quelques graisses, comme sain-doux, beurre frais, ou avec quelques huiles, afin de lubrifier tout le passage. Il mettra ensuite le bout de ses doigts dans le vagin, en les tenant, autant qu’il le pourra, écartés les uns des autres dans le tems des douleurs.

Quand la tête de l’enfant commencera à avancer, le Chirurgien se disposera à recevoir l’enfant. Lorsqu’elle sera avancée jusqu’aux oreilles, on tachera de glisser quelques doigts sur la machoire inférieure, & à la premiere douleur un peu forte on tirera l’enfant. Il ne faut pas tirer l’enfant tout droit, mais en vacillant un peu de côté & d’autre, afin de faire passer les épaules. Ces mouvemens se doivent faire