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qui empécha l’Académie de beaucoup avancer sous M. Colbert l’Histoire du Roi par médailles : il appliquoit à mille autres usages les lumieres de la Compagnie. Il y faisoit continuellement inventer ou examiner les différens desseins de Peinture & de Sculpture dont on vouloit embellir Versailles. On y régloit le choix & l’ordre des statues : on y consultoit ce que l’on proposoit pour la décoration des appartemens & pour l’embellissement des jardins.

On avoit encore chargé l’Académie de faire graver le plan & les principales vûes des Maisons royales, & d’y joindre des descriptions. Les gravures en étoient fort avancées, & les descriptions étoient presque faites quand M. Colbert mourut.

On devoit de même faire graver le plan & les vûes des Places conquises, & y joindre une histoire de chaque ville & de chaque conquête : mais ce projet n’eut pas plus de suite que le précédent.

M. Colbert mourut en 1683, & M. de Louvois lui succéda dans la Charge de Surintendant des Bâtimens. Ce Ministre ayant sû que M. l’Abbé Tallemant étoit chargé des inscriptions qu’on devoit mettre au-dessous des tableaux de la gallerie de Versailles, & qu’on vouloit faire paroître au retour du Roi, le manda aussi-tôt à Fontainebleau où la Cour étoit alors, pour être exactement informé de l’état des choses. M. l’Abbé Tallemant lui en rendit compte, & lui montra les inscriptions qui étoient toutes prêtes. M. de Louvois le présenta ensuite au Roi, qui lui donna lui-même l’ordre d’aller incessamment faire placer ces inscriptions à Versailles. Elles ont depuis éprouvé divers changemens.

M. de Louvois tint d’abord quelques assemblées de la petite Académie chez lui à Paris & à Meudon. Nous l’appellons petite Académie, parce qu’elle n’étoit composée que de quatre personnes, M. Charpentier, M. Quinault, M. l’Abbé Tallemant, & M. Felibien le pere. Il les fixa ensuite au Louvre, dans le même lieu où se tiennent celles de l’Académie Françoise ; & il régla qu’on s’assembleroit deux fois la semaine, le Lundi & le Samedi, depuis cinq heures du soir jusqu’à sept.

M. de la Chapelle, devenu Contrôleur des bâtimens après M. Perrault, fut chargé de se trouver aux assemblées pour en écrire les délibérations, & devint par-là le cinquieme Académicien. Bien-tôt M. de Louvois y en ajoûta deux autres, dont il jugea le secours très-nécessaire à l’Académie pour l’Histoire du Roi : c’étoient M. Racine & M. Despreaux. Il en vint enfin un huitieme, M. Rainssant, homme versé dans la connoissance des Médailles, & qui étoit Directeur du cabinet des Antiques de Sa Majesté.

Sous ce nouveau Ministere on reprit avec ardeur le travail des Médailles de l’Histoire du Roi, qui avoit été interrompu dans les dernieres années de M. Colbert. On en frappa plusieurs de différentes grandeurs, mais presque toutes plus grandes que celles qu’on a frappées depuis : ce qui fait qu’on les appelle encore aujourd’hui au balancier Médailles de la grande Histoire. La Compagnie commença aussi à faire des devises pour les jettons de l’Ordinaire & de l’Extraordinaire des Guerres, sur lesquelles elle n’avoit pas encore été consultée.

Le Roi donna en 1691 le département des Académies à M. de Pontchartrain, alors Contrôleur Général & Secrétaire d’Etat ayant le département de la Maison du Roi, & depuis Chancelier de France. M. de Ponchartrain né avec beaucoup d’esprit, & avec un goût pour les Lettres qu’aucun Emploi n’avoit pû rallentir, donna une attention particuliere à la petite Académie, qui devint plus connue sous le nom d’Académie Royale des Inscriptions & Médailles. Il voulut que M. le Comte de Pontchartrain,

son fils, se rendît souvent aux assemblées, qu’il fixa exprès au Mardi & au Samedi. Enfin il donna l’inspection de cette Compagnie à M. l’Abbé Bignon, son neveu, dont le génie & les talens étoient déja fort célebrés.

Les places vacantes par la mort de M. Rainssant & de M. Quinault furent remplies par M. de Tourreil & par M. l’Abbé Renaudot.

Toutes les médailles dont on avoit arrêté les desseins du tems de M. de Louvois, celles mêmes qui étoient déja faites & gravées, furent revûes avec soin : on en réforma plusieurs ; on en ajoûta un grand nombre ; on les réduisit toutes à une même grandeur ; & l’Histoire du Roi fut ainsi poussée jusqu’à l’avenement de Monseigneur le Duc d’Anjou, son petit-fils, à la couronne d’Espagne.

Au mois de Septembre 1699 M. de Pontchartrain sut nommé Chancelier. M. le Comte de Pontchartrain, son fils, entra en plein exercice de sa Charge de Secrétaire d’Etat, dont il avoit depuis long-tems la survivance, & les Académiciens demeurerent dans son département. Mais M. le Chancelier qui avoit extrèmement à cœur l’Histoire du Roi par médailles, qui l’avoit conduite & avancée par ses propres lumieres, retint l’inspection de cet ouvrage ; & eut l’honneur de présenter à Sa Majesté les premieres suites que l’on en frappa, & les premiers exemplaires du Livre qui en contenoit les desseins & les explications.

L’établissement de l’Académie des Inscriptions ne pouvoit manquer de trouver place dans ce Livre fameux, où aucune des autres Académies n’a été oubliée. La médaille qu’on y trouve sur ce sujet représente Mercure assis, & écrivant avec un style à l’antique sur une table d’airain. Il s’appuie du bras gauche sur une urne pleine de médailles ; il y en a d’autres qui sont rangées dans un carton à ses pieds. La légendé Rerum gestarum sides, & l’exergue Academin Regia Inscriptionum & Numismatum, instituta M. DC. LXIII. signifient que l’Académie Royale des Inscriptions & Médailles, établie en 1663, doit rendre aux siecles à venir un témoignage fidele des grandes actions.

Presque toute l’occupation de l’Académie sembloit devoir finir avec le Livre des Médailles ; car les nouveaux évenemens & les devises des jettons de chaque année n’étoient pas un objet capable d’occuper huit ou neuf personnes qui s’assembloient deux fois la semaine. M. l’Abbé Bignon prévit les inconvéniens de cette inaction, & crut pouvoir en tirer avantage. Mais pour ne trouver aucun obstacle dans la Compagnie, il cacha une partie de ses vûes aux Académiciens, que la moindre idée de changement auroit peut-être allarmés : il se contenta de leur représenter que l’Histoire par médailles étant achevée, déja même sous la presse, & que le Roi ayant été fort content de ce qu’il en avoit vû, on ne pouvoit choisir un tems plus convenable pour demander à Sa Majesté qu’il lui plût assûrer l’état de l’Academie par quelqu’acte public émané de l’autorité royale. Il leur cita l’exemple de l’Académie des Sciences, qui fondée peu de tems après celle des Inscriptions par ordre du Roi, & n’ayant de même aucun titre authentique pour son établissement, venoit d’obtenir de Sa Majesté (comme nous allons le dire tout à l’heure) un Réglement signé de sa main, qui fixoit le tems & le lieu de ses assemblées, qui déterminoit ses occupations, qui assûroit la continuation des pensions, &c.

La proposition de M. l’Abbé Bignon fut extrèmement goûtée : on dressa aussi-tôt un Mémoire. M. le Chancelier & M. le Comte de Pontchartrain furent suppliés de l’appuyer auprès du Roi ; & ils le firent d’autant plus volontiers, que parfaitement instruits