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de ses sujets ne saurait manquer d’ambitionner. Pour qu’elle jugeât elle-même de son talent, il m’a permis de mettre sous ses yeux les premiers cahiers d’un ouvrage auquel il a été conduit par les études de la profession d’avocat. Si elle daignait l’appeler, il irait sans faste, il reviendrait comme il serait allé, et il aurait trop de vanité, s’il était humilié de n’avoir pas su répondre aux vues de Votre Majesté Impériale. Il est et je suis à ses ordres. Que je serais satisfait si j’avais trouvé par hasard une occasion de lui témoigner ma reconnaissance !

C’est avec ce sentiment qui ne pourrait s’affaiblir que dans une âme ingrate, et avec le plus profond respect, que je suis et serai toute ma vie, de Votre Majesté Impériale, etc.


LXXIV

À PHILIDOR[1].
Paris, ce 10 avril 1782.

Je ne suis pas surpris, monsieur, qu’en Angleterre toutes les portes soient fermées à un grand musicien, et soient ouvertes à un fameux joueur d’échecs ; nous ne sommes guère plus raisonnables ici que là. Vous conviendrez cependant que la réputation du Calabrais n’égalera jamais celle de Pergolèse. Si vous avez fait les trois parties sans voir, sans que l’intérêt s’en mêlât, tant pis : je serais plus disposé à vous pardonner ces essais périlleux si vous eussiez gagné à les faire cinq ou six cents guinées ; mais risquer sa raison et son talent pour rien, cela ne se conçoit pas. Au reste, j’en ai parlé à M. de Légal, et voici sa réponse : « Quand j’étais jeune, je m’avisai de jouer une seule partie d’échecs sans avoir les yeux sur le damier ; et à la fin de cette partie, je me trouvai la tête si fatiguée, que ce fut la première et la dernière fois de ma vie. Il y a de la folie à

  1. Reproduite par M. Ed. Fournier dans les Chroniques et Légendes des rues de Paris, cette lettre, dont l’autographe appartenait au fils de Philidor, a d’abord été publiée dans une brochure, Réponse à la soirée d’Ermites, 1838, in-8.