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LXII

À MADAME DIDEROT[1]
La Haye, ce 9 avril 1774.

Chère amie, je suis arrivé à La Haye le 5 de ce mois, après avoir fait environ sept cents lieues en vingt-deux jours. Le prince et la princesse m’attendaient avec impatience et m’ont reçu avec les démonstrations de l’amitié la plus vraie et la plus touchante. Dans quatre jours d’ici je serais à côté de toi, si la fantaisie m’en prenait un peu sérieusement ; mais Sa Majesté Impériale m’a chargé de publier ici les statuts d’un grand nombre d’établissements qu’elle a formés pour le bonheur de ses sujets, et il faut s’acquitter de cette commission. Si le libraire hollandais est un arabe, comme il a coutume d’être, je pars incessamment pour Paris. Si je peux l’amener à quelque condition raisonnable, je reste. Je ne sais pas encore à quoi m’en tenir sur les frais de mon retour. J’attendrai, pour m’en expliquer avec mon conducteur, qu’il ait fait en Hollande sa tournée et qu’il revienne à La Haye.

La veille de mon départ de Pétersbourg, Sa Majesté Impériale me fit remettre trois sacs de mille roubles chacun. J’allai chez notre ministre à sa cour échanger cet argent du pays contre un billet payable en France. L’escompte, qui est très-fort, surtout dans ce moment, à Pétersbourg, a réduit ces trois mille roubles à douze mille six cents livres de notre monnaie. Si je prends sur cette somme la valeur d’une plaque en émail et de deux tableaux dont j’ai fait présent à l’impératrice, les frais de mon retour et les présents qu’il est honnête que nous fassions aux Nariskin, qui ont eu tant de bontés pour moi, qui m’ont traité comme un de leurs frères, et qui m’ont logé, nourri, défrayé de tout pendant cinq mois, il nous restera cinq à

  1. Publiée dans les Mélanges de la Société des bibliophiles français, t. II, 1822-1824, par M. H. de Chateaugiron, qui tenait la copie de cette lettre de M. Gaillard, chargé d’affaires de France en Hollande et depuis garde du dépôt des archives des affaires étrangères. Il en existe un tirage à part.