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loppe. Pour ma part, je proteste que dans un autre temps je n’eusse jamais conçu les idées que je suis capable aujourd’hui de nourrir. Il est mille fois plus facile, j’en suis persuadé, pour un peuple éclairé de retourner à la barbarie que pour un peuple barbare d’avancer d’un seul pas vers la civilisation. Il semble en vérité que toute chose, le bien comme le mal, ait son temps de maturité. Quand le bien atteint son point de perfection, il commence à tourner au mal ; quand le mal est complet, il s’élève vers le bien. Mais au fait, princesse, je ne sais trop pourquoi je vous parle de sujets comme ceux-là que vous devez entendre discuter autour de vous avec plus de liberté et de force. Non, je n’ai jamais oublié la promesse que je vous ai faite. Je prie Mlle  Caminski d’agréer l’expression de mon respect. Celui que je vous offre, madame, est aussi sincère que profond.


LVII

À BRIASSON ET À LE BRETON[1]
Ce 31 août 1771.

Je n’ai point lu le Mémoire de M. Luneau, messieurs, et je ne le lirai point, parce que j’ai mieux à faire ; mais je vois par votre réponse qu’il vous reproche d’avoir imprimé l’Encyclopédie en un plus grand nombre de volumes que vous n’auriez dû. Et où M. Luneau a-t-il pris que le nombre de volumes dépendît de vous ? Le nombre des volumes d’un ouvrage dépend de l’étendue du manuscrit, et l’étendue du manuscrit, de l’objet et de la manière de le traiter, toutes choses qui ne concernent que l’auteur, qui est concis ou diffus. M. Luneau n’ignore pas plus que moi qu’on ne se donne pas le talent de bien écrire. Si l’Encyclopédie a des vices, ce n’est pas votre faute ; c’est la mienne.

Les chicanes qu’il vous fait sur le choix du caractère et sur

  1. Imprimée à la suite du Mémoire pour les libraires associés à l’Encyclopédie contre le sieur Luneau de Boisjermain. Imp. Le Breton, in-4o, 74 p.