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sûrement ; mais je ne souffre point, je ne souffrirai pas, et tout sera bien. Mais, mon ami, je sais bien ce qu’elle prétend ; reste à savoir s’il y a l’ombre de sens commun dans ses prétentions. Je ne vais point là pour le plaisir de voir M. l’écuyer ; s’il s’interpose à l’avenir, comme il l’a fait pendant un mois, et comme on l’a autorisé à faire pendant dix ans, il vaut mieux que je reste chez moi. Aimée de cet homme, amoureux d’elle et fou comme trente-six fous, c’est son expression, il vous paraît bien de s’être assurée de sa société trois fois la semaine au Louvre ? Allez, vous pensez mieux que vous ne dites, et vous ne pouvez vous dissimuler qu’à moins d’être une bûche, on doit être blessé de ce manque de délicatesse et d’égards. Que me parlez-vous de bonne foi ? On voit dans son âme que j’y suis seul encore ; cela se peut ; mais n’y voit-elle pas qu’elle me manque à tous égards, et qu’une pareille conduite de ma part la blesserait. Vous êtes étonné qu’elle m’ait répété vos encore, vos suppositions, vos craintes, etc. ; elle a bien fait pis, c’est que folle ou sage, fidèle ou infidèle, heureuse ou malheureuse, traîtresse ou trahie, il faut que je reste à côté d’elle. C’est qu’en protestant qu’elle se porte bien, elle conçoit qu’elle peut devenir malade, sans s’apercevoir que cette espèce de maladie est fort avancée, quand on craint de la prendre ; et voilà les propos et les procédés d’une femme qui n’est ni légère, ni fausse, ni idiote ! Dites-moi donc ce qu’elle est. Quand on reprend la liberté, je n’ai aucun besoin de traiter pour recouvrer la mienne ? Cela vous plaît à dire. Je ne veux pas qu’on m’accuse de n’avoir pas fait ce que j’ai promis. Et ce sens qui doit me guider, vous verrez qu’il m’avertira à temps ? Je ferai comme on fait, je lanternerai, l’amour-propre s’en mêlera, et je serai plus à plaindre que les punis. Je sacrifiais mon temps, mon repos, ma vie ; cela vaut bien peu de chose, si l’on ne sait pas, sans que je m’en mêle, être honnête de soi-même, et me débarrasser tout au moins d’un importun. Qu’on garde celui qu’on a apparemment de bonnes raisons de ménager, j’y consens ; mais qu’on me laisse en repos et que je fasse de moi tout ce qu’il me plaira. Quant à la destinée de mon temps et de ma personne, je vous promets bien que votre prophète radote sur ce point. La saison du besoin est bien loin, et ma nullité est un oracle plus sûr que le vôtre. Je ne sais ce que votre billet au