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ne me coûte rien ; mais rien du tout. Si je lui causais le moindre chagrin, ce serait méchanceté pure ; car ni l’amour-propre ni le cœur ne sont offensés.

Je vous répéterai ce que je lui ai écrit. Je sais ce que je souhaite ; je sais ce qui est honnête ; mais je sais tout aussi bien ce qui n’est pas libre.

Je demande deux choses qu’on ne saurait me refuser sans tyrannie : la jouissance d’un bien que vous avez tant de fois regretté, de mon temps ; et la liberté de m’éloigner, quand il me plaira, d’un spectacle assidu qui pourrait finir par me tourmenter ; et c’est autant pour elle que pour moi que j’insiste sur ce point ; car si j’avais de la peine, elle la partagerait assurément.

Elle s’imagine que je vais chez vous verser un fiel dont mon âme est trop pleine ; vous m’obligerez de la détromper sur ce point.

Je suis arrivé ici tout à temps pour prévenir une aventure très-fâcheuse. Je vous parlerai de cela quand nous nous verrons.

Je n’ai point remis votre billet au Baron et pour cause.

J’ai été malade à mourir pendant deux jours, j’en suis quitte ; et je me porte comme ci-devant.

J’avais pensé comme vous que l’atrocité du prêtre[1] ôtait tout le pathétique de l’histoire de Félix. Envoyez-moi une copie de cette histoire et de celle d’Olivier, et ce que vous me demandez sera fait ; mais dépêchez-vous.

Je viens de recevoir une lettre d’elle où je lis : « Que votre travail ne soit point troublé par l’idée d’une peine qui n’existe encore que dans votre tête » ; et ailleurs : « Personne n’a encore le droit de tracasser mon âme. » Ou je ne sais pas lire, ou ce n’est pas le langage d’une femme sûre d’elle ; je n’entends rien de rien, ou cela signifie : Attendez.

Il est vrai que j’ai mené mon écuyer à toutes jambes, et j’aurais bien fait, si l’on avait su lui faire la réponse nette, ferme et tranchée qu’on devait lui faire, que j’espérais qu’on lui ferait et qu’on aurait dictée à une autre.

On prétend être sage ; mais je suis bien assuré qu’on juge-

  1. Dans les Deux Amis de Bourbonne. Voir t. V, p. 263.