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Dieu nous a faits ; et c’est la chose la plus honnête et, comme la suite vous le prouvera, la chose en même temps la plus indifférente. Je vous l’ai dit cent fois, monsieur, et je vous ai toujours dit vrai, la plus belle page n’entrera jamais en comparaison, à mes yeux, avec votre satisfaction.

Mais j’ai à vous parler d’une bien autre chose. Quoi ! les libraires prétendent que nous ne pouvons faire imprimer nos ouvrages à nos frais et dépens ; que quand le roi et son ministre nous en auront accordé la permission, il faudra qu’ils soient les dépositaires de notre bien ; que quand nous leur aurons confié nos livres à vendre, ils en mettront l’argent dans leur poche, nous payeront en livres de leurs fonds et feront ensuite saisir chez nous ces livres ; que nous n’aurons pas la liberté de nous adresser à des commerçants de province ; que nos amis, qui sont au loin, n’auront pas celle de s’adresser à nous ! Jamais cela ne sera, et nous espérons que vous ferez bonne et prompte justice de ces prétentions aussi ridicules qu’elles sont injustes. Je n’insiste pas là-dessus, car je sais que vous nous estimez un peu plus que ces gens dont nous faisons la fortune, et qui nous ont condamnés à mâcher des feuilles de laurier. N’est-il pas bien étrange que j’aie travaillé trente ans pour les associés de l’Encyclopédie ; que ma vie soit passée, qu’il leur reste deux millions et que je n’aie pas un sol ? À les entendre, je suis trop heureux d’avoir vécu. J’ai l’honneur, etc.


XLVIII


À LUNEAU DE BOISJERMAIN.
1770.

Je suis tout aussi embarrassé que vous, monsieur, pour avoir les Dialogues sur les grains[1] ; la distribution en est em-

  1. Dialogue sur le commerce des blés (par Galiani). Londres (Paris, Merlin), 1770, in-8.