Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XX.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LE COLPORTEUR.
Puisque mon métier est d’en vendre,
N’en puis-je pas marquer le prix ?

LE LIBRAIRE.
Crains d’offenser par ce langage
Un écrivain de grand renom :
Monsieur a eu part à l’ouvrage.

LE COLPORTEUR.
Je le crois donc d’un certain bon.
Je connais monsieur par un livre[1]
Fort utile à lui comme à moi,
Et qui, par bonheur, nous fit vivre
Tous deux longtemps aux frais du Roi.
Je ne blâme ici que la forme
Et, par ma foi, j’en suis fâché.
Cet écrit, sans sa masse énorme,
Pourrait être un écrin caché.
Si sa taille était plus petite,
J’en répandrais incognito,
Car il a, dit-on, le mérite
De ce qu’on vend sous le manteau.
J’y voudrais pourtant une chose,
C’est qu’il eût été défendu.
Pour cela seul, sans autre cause,
Il serait alors bien vendu.
Mais, malgré ma note critique,
Il pourrait être débité.
Dans lui, l’autorité publique
N’est pas l’article respecté[2].

DIDEROT.
L’insolent ! Je perds patience.

LE LIBRAIRE.
Eh ! monsieur, un peu de douceur !
Servez-vous de votre science :
Vous êtes si bon confiseur[3] !

  1. Lettre d’un aveugle qui fit mettre Diderot à Vincennes, en 1749. (Note du temps.)
  2. L’article Autorité a pensé faire supprimer le dictionnaire. (Note du temps.)
  3. Il faut voir l’article Abricot du dictionnaire, très-déplacé. (Note du temps.)