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pour la Russie en septembre 1766. Les copies des neuf premières lettres furent alors communiquées à Voltaire, à Catherine II, à Grimm, à Naigeon, au prince Galitzin. Voltaire remercia Falconet par un petit billet, daté du 18 décembre 1767, que Diderot trouva « poli et sec ». Il n’est rien de plus, en effet. Catherine répondit « d’un coin de l’Asie » qu’elle se garderait bien de décider entre deux adversaires si convaincus de leur propre bonne foi. Sa lettre, publiée par M. Cournault, est des plus curieuses.

Après une dernière révision de cette discussion, en 1769, pendant un séjour au Grandval, Diderot ne s’en occupa plus. Mais la copie, conservée par Falconet, fut prêtée à un Anglais, William Tooke, qui la traduisit et la fit paraître à Londres, peut-être avec l’autorisation tacite de Falconet, depuis longtemps tourmenté du désir de rendre le public juge du procès[1].

Six ans après, le prince Galitzin s’entremit pour solliciter de Diderot l’autorisation de publier ses lettres avec leurs réfutations dans l’édition que Falconet préparait de ses œuvres. Diderot refusa net. Sa réponse, qu’on trouvera dans la correspondance générale, laisse planer sur son ancien ami l’accusation d’avoir tronqué le manuscrit primitif. En marge de l’autographe, le sculpteur a crayonné ces mots : « L’original existe et je puis le produire » ; mais soit qu’il ait été égaré, soit que Falconet ait eu intérêt à le détruire, il ne s’est point retrouvé dans ses papiers. Occupé par un travail très-important — sans doute l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron — Diderot promettait néanmoins à Mme Falconet (Mlle Collot) de revoir cette correspondance dès qu’il aurait quelque loisir. Il n’en fit rien.

Méfiant, irascible, brutal même, « le Jean-Jacques de la sculpture » — un mot de Diderot — était, sous sa rude enveloppe, délicat et honnête. Privé du plaisir d’imprimer une controverse dont il tirait sans doute vanité, il ne laissa percer dans ses écrits aucune aigreur contre Diderot, ni aucune allusion à ce refus. Il ne pouvait oublier d’ailleurs que c’était à lui, à lui seul, qu’il avait dû l’honneur d’être choisi pour ériger la statue de Pierre Ier.

Au moment où la bibliothèque du philosophe allait être vendue à Catherine, en 1765, le prince Galitzin cherchait un artiste digne de concevoir et d’exécuter le monument que la czarine voulait élever à son terrible prédécesseur. Il s’adressait tour à tour à Pajou, à Coustou, à Vassé,

  1. Pieces written by Mons. Falconet and Mons. Diderot on sculpture in general and particularly on the celebrated statue of Peter the Great, now finishing by the former at the St Petersburg. Translated from the French, with several additions, by the Rev. William Tooke. London, 1774, in-4°. (Gravure d’après la statue). — Livre introuvable à Paris et à Londres.