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dignes successeurs que vous avez et ceux qu’on veut leur associer !

Cependant j’ai conféré quelquefois avec les meilleurs imprimeurs et libraires de Paris, et je puis assurer qu’il est des arrangements auxquels ils sont tous disposés à se prêter. Qu’on sépare de la multitude de ces intrus une vingtaine des moins notés, s’ils s’y trouvent, et ils ne refuseront point de se les affilier. On en formera une classe subalterne de marchands qui continueront d’habiter les quartiers qu’ils occupent, et où, par une bizarrerie que je vous expliquerai tout à l’heure, les libraires par état ne peuvent se transplanter ; ils seront reconnus à la chambre syndicale ; ils se soumettront aux règlements généraux ; on en pourra faire un particulier pour eux ; on fixera les bornes dans lesquelles leur commerce se renfermera ; ils fourniront proportionnellement aux impositions du corps, et les enfants de ces gueux-là, mieux élevés et plus instruits que leurs pères, pourront même un jour se présenter à l’apprentissage et y être admis.

C’est ainsi, ce me semble, qu’on concilierait l’intérêt de la bonne et solide librairie et la paresse des gens du monde qui trouvent très commodes des domestiques qui vont leur présenter le matin les petites nouveautés du jour.

En attendant qu’on prenne quelque parti là-dessus, si les libraires demandent que, conformément aux arrêts et règlements de leur état, et notamment à l’article 4 de celui du 27 février 1723, tous ceux qui se mêleront de leur commerce sans qualité soient punis suivant la rigueur des lois, et que si, nonobstant les ordonnances du 20 octobre 1721, 14 août 1722, 31 octobre 1754 et 25 septembre 1742, les maisons royales et autres asiles prostitués à ce brigandage paraissent cependant trop respectables pour y faire des saisies et autres exécutions, il soit sévi personnellement contre ceux qui y tiendront boutique ouverte et magasins ; je trouve qu’à moins d’un renversement d’équité qui ne se conçoit pas et qui signifierait : « Je veux que parmi les citoyens il y en ait qui me payent tant pour le droit de vendre des livres, et je veux qu’il y en ait qui ne me payent rien ; je veux qu’il y ait des impositions pour les uns et point d’impositions pour les autres, quoique cette distinction soit ruineuse ; je veux que ceux-ci soient assujettis à des lois dont il me plaît d’affranchir les autres ; je veux que celui à qui j’ai