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et dans les arts, sans qu’on sache trop sur quels titres ; conserver le petit nombre des autres qui sont très en état de donner un bon conseil à l’auteur sur son ouvrage, et leur faire un sort digne à peu près de leurs fonctions.

Il y a déjà quelques pensions : qui empêcherait d’ajouter à cette expectative un petit tribut sur l’ouvrage même censuré ? Outre l’exemplaire qui revient au censeur, sinon de droit, au moins d’usage, pourquoi ne lui fixerait-on pas un honoraire relatif au volume, qui serait à la charge de l’auteur ou du libraire ? par exemple dix-huit livres pour le volume in-douze, un louis pour l’in-octavo, trente-six livres pour l’in-quarto, deux louis pour l’in-folio ; cette taxe ne serait pas assez onéreuse pour qu’on s’en plaignît. Ce n’est rien si l’ouvrage réussit ; c’est un bien léger accroissement de perte s’il tombe ; et puis, elle ne serait payée qu’au cas que l’ouvrage fût jugé susceptible de privilège ou de permission tacite.

La chose est tout à fait différente à Londres : il n’y a ni privilèges ni censeurs. Un auteur porte son ouvrage à l’imprimeur, on l’imprime, il paraît. Si l’ouvrage mérite par sa hardiesse l’animadversion publique, le magistrat s’adresse à l’imprimeur ; celui-ci tait ou nomme l’auteur : s’il le tait, on procède contre lui ; s’il le nomme on procède contre l’auteur. Je serais bien fâché que cette police s’établît ici ; bientôt elle nous rendrait trop sages.

Quoi qu’il en soit, s’il importe de maintenir les règlements des corporations, puisque c’est un échange que le gouvernement accorde à quelques citoyens des impositions particulières qu’il assied sur eux, du moins jusqu’à ce que des temps plus heureux lui permettent d’affranchir absolument l’industrie de ces entraves pernicieuses par l’acquit des emprunts que ces corporations ont faits pour fournir à ces impositions, je puis et je ne balance pas à vous dénoncer un abus qui s’accroît journellement au détriment de la communauté et du commerce de la librairie : je parle de la nuée de ces gens sans connaissances, sans titre et sans aveu, qui s’en immiscent avec une publicité qui n’a pas d’exemple. À l’abri des protections qu’ils se sont faites et des asiles privilégiés qu’ils occupent, ils vendent, achètent, contrefont, débitent des contrefaçons du pays ou étrangères et nuisent en cent manières diverses, sans avoir la moindre inquiétude sur la sévérité des lois. Comment est-il