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qu’à vil prix, parce qu’on ne comptera pas plus sur leur cession que sur celle de leur aïeul ; que cependant, comme il y a de la canaille dans tous les corps et qu’elle ne manque pas dans la librairie, il se trouvera un particulier sans honneur et sans fortune qui se déterminera à acquérir d’elles, et que cet homme haï et perdu n’aura jamais la jouissance paisible et lucrative de sa possession.

Cependant, continuez-vous, il y a de votre aveu des ouvrages importants qui manquent et dont nous avons besoin ; comment en obtiendrons-nous les réimpressions ?

Comment ? Je ne balance pas à vous le dire : en raffermissant les privilèges ébranlés, en maintenant les lois de cette propriété. Poursuivez sévèrement les contrefacteurs, portez-vous avec un front terrible dans les cavernes de ces voleurs clandestins. Puisque vous tirez des subsides considérables des corporations, et que vous n’avez ni la force ni le moyen de les anéantir ; puisque vous avez assez de justice pour sentir qu’en les privant des droits que vous leur avez accordés, il ne faut pas les laisser sous le poids des dettes qu’elles ont contractées dans vos besoins urgents ; puisque vous n’êtes pas en état de payer ces dettes ; puisque vous continuez à leur vendre votre pernicieuse faveur, soutenez-les du moins de toute votre force, jusqu’à ce que vous ayez dans vos coffres de quoi les dissoudre. Sévissez contre des intrus qui s’immiscent de leur commerce et qui leur enlèvent leurs avantages sans partager leurs charges ; que ces intrus n’obtiennent point vos privilèges ; que les maisons royales ne leur servent plus d’asile ; qu’ils ne puissent introduire ni dans la capitale ni dans les provinces des éditions contrefaites ; remédiez sérieusement à ces abus, et vous trouverez des compagnies prêtes à seconder vos vues. N’attendez rien d’important de vos protégés subalternes ; mais rien, je vous le dis, et moins encore d’un commerçant qui luttera contre l’indigence et à qui vous imposeriez vainement un fardeau supérieur à ses forces. C’est une terre effritée à laquelle vous demandez du fruit en la sevrant de ses engrais ordinaires. Que diriez-vous, monsieur, d’un marchand qui vous vendrait chèrement, et qui entretiendrait encore à sa porte un voleur pour vous dépouiller au sortir de chez lui ? C’est ce que vous faites.

Notre position, me direz-vous, est embarrassante… Je le