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Encore une fois, tranquillisez-vous, votre affaire n’ira pas au Palais, du moins quant à ce qui vous concerne, vous et vos créanciers ; ce n’est pas un objet à remplir les engagements de V… avec son oncle. Tout ceci n’est peut-être qu’une simagrée. Ils savent à quoi s’en tenir ; si vous y donnez, à la bonne heure ; sinon, on nous satisfera.

C’est vous qui me ramenez encore à Uranie et au philosophe ; j’y reviens sans dégoût. Eh bien ! voilà un homme plus épris que jamais, sans cesse attisant son feu par les lettres qu’il écrit, autorisé dans ses espérances par la bonté qu’on a de les recevoir et la liberté de demander ses réponses, s’acheminant peu à peu au sort du malheureux Marson, ou à pis, et qu’on laisse froidement aller… Vous m’en direz tout ce qu’il vous plaira, mais cela ne s’arrange point dans ma tête avec la vérité du caractère d’Uranie. Tout ou rien, dites-le-lui de ma part.

Je brûle de faire un tour à Paris.

Le Baron, qui voit que je perds mon temps, et qui en est enragé, me disait hier au soir : « Savez-vous ce que c’est qu’une torpille ? — Pas trop. — C’est un poisson engourdi et qui porte son engourdissement à tout ce qu’il touche. Voilà l’emblème de tous vos collègues. »

Adieu, mon amie. Trois mois encore d’absence ! et le sang-froid avec lequel vous m’annoncez cela ! Mais vous ne croyez pas aux trois mois, n’est-ce pas ?

Quand, vous vous séparerez de la chère sœur, embrassez-la bien tendrement pour moi, et si par hasard elle vous propose de me le rendre, acceptez.

Je vous écrivais tout à l’heure que je bridais d’aller à Paris : à présent je tremble d’y trouver un monde d’affaires. N’ayant pas à m’en occuper, j’aimerais autant les ignorer.

J’ai toutes vos lettres jusqu’au n° 29 sans interruption.

N’ayez aucune inquiétude sur les contre-seings.

J’ai été tente deux ou trois fois d’être aussi fou que vous, mais j’étais tout éveillé, et j’ai résisté.

Je puis encore aller un peu ; mais pour jusqu’à trois mois cela est impossible.

Permettez-vous ?

Adieu, je sens l’ivresse qui me gagne.