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que nous avions été peints et dessinés ; je lui ai demandé une copie des deux dessins, et je les aurai. Les dix lignes où vous me dites qu’il n’y a rien dans vos lettres valent mieux que toutes les miennes ; si je vous avais dit les choses que j’y lis, et que j’eusse eu le bonheur de vous les persuader de moi comme je les crois de vous, je n’aurais plus qu’un souhait à faire : c’est que le temps et ma conduite vous entretinssent à jamais dans cette douce opinion. Le bonheur ou le malheur de votre vie est entre mes mains, dites-vous ? Ce n’est pas comme cela ; le bonheur de votre vie est entre mes mains ; le bonheur de la mienne est entre les vôtres ; c’est un dépôt réciproque confié à d’honnêtes gens. Uranie ne veut donc pas croire que je la haïsse ; absolument elle ne le veut pas. J’en ai pourtant bien des raisons, et, quand il n’y aurait que celle de m’humilier souvent aux yeux de la personne que j’aime, c’en serait bien assez pour me faire croire. Pardonnez ! qu’avez-vous dit là ? Elle n’a pas vu ce mot, j’en suis sûr. Je serais trop fier qu’elle se fût avouée coupable. M. Gaschon a été faire sa cour à Mme de Solignac. M. de Prisye ira. Que j’y aille aussi ! ma foi je n’en ai ni le temps, ni la volonté, ni le courage. Quoi qu’en dise Mme de Solignac, il est sûr que je n’ai jamais eu l’honneur de la voir.

Si cependant la maladie durait, si mon voyage était renvoyé à la semaine prochaine, par exemple, je ne répondrais de rien. Je n’aime point les occasions de balbutier, et balbutie toujours de timidité la première fois que je vois, et puis tout se réduit alors à des phrases d’usage dont on se paye réciproquement. Je n’ai pas un sou de cette monnaie. Adieu, ma tendre amie. Je ne vous recommande plus votre santé ; il y a quelqu’un à présent qui en aura soin pour vous. Il y avait avec ma dernière lettre un papier d’agriculture pour madame votre mère ; le lui avez-vous remis ? Adieu, encore une fois ; mon dévouement et mon respect à madame votre mère. Dites à Mme le Gendre…, dites-lui que vous m’aimez à la folie, et vous verrez que ce petit mensonge la fera pâlir… Et je ne la haïrais pas !… Hélas ! non…