Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/477

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous l’ait pas fait connaître plus tôt, car nous sommes des hommes et nous sommes ses enfants comme vous, et puis s’il n’y a que les chrétiens qui soient sauvés, nos pères sont donc damnés ! nos pères qui étaient si honnêtes gens ! oh ! nous aimons mieux être damnés avec nos pères que sauvés sans eux. Que sais-je quoi encore ?

J’ai beau vous dire du mal de votre sœur, il faut, tout bien considéré, que ce mal soit au bord de mes lèvres et qu’il n’y en ait rien du tout au fond de mon cœur ; car je sens que c’est pour elle que j’écris tout, ceci ; est-ce que si je n’étais pas rempli d’amitié, d’estime, d’attachement pour elle, si je n’avais pas les mêmes sentiments que vous, j’aimerais tant à causer avec elle ? Non, madame, je vous hais, je ne veux plus causer avec vous ; qu’est-ce que cela vous fait ? Je suis un homme, et vous les méprisez tous. Oh ! quelque jour j’aurai mon tour, et je ferai aussi une bonne sortie contre les femmes ; mais il faut que je sois à mon aise, et que je n’aie rien de mieux à vous dire. Peut-être faudrait-il que ce jour-là que j’aurai choisi pour dire du mal des femmes, j’oublie que vous en êtes une ; mais je ne l’oublierai jamais. Je me vengerai de votre sœur plus cruellement, et je satisferai mon cœur en même temps ; je ferai l’éloge de son sexe. Adieu : je ne sais plus ce que j’écris ; je veux être gai et je ne saurais. J’écris de mauvaise grâce. Réponse sur-le-champ, s’il vous plaît.


XLI


Le 30 septembre 1760.


Tenez, mon amie, votre Dem.... n’était bon à rien : il n’y avait pas assez d’étoffe ni pour faire un honnête homme ni pour faire un fripon. S’il n’est pas encore complètement stupide, cela ne tardera pas à venir. Au reste, un coup d’œil sur les conséquences et les contradictions des hommes, et l’on voit que la plupart naissent moitié sots ou moitié fous, sans caractère comme sans physionomie ; ils ne sont décidés ni pour le vice ni pour la vertu ; ils ne savent ni immoler les autres, ni se