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est ou sera incessamment avec vous. Je suis devenu si extravagant, si injuste, si jaloux ; vous m’en dites tant de bien ; vous souffrez si impatiemment qu’on lui remarque quelque défaut, que… je n’ose achever ! Je suis honteux de ce qui se passe en moi ; mais je ne saurais l’empêcher. Madame votre mère prétend que votre sœur aime les femmes aimables, et il est sûr qu’elle vous aime beaucoup. Adieu ! je suis fou. Voudriez-vous que je ne le fusse pas ? Adieu, adieu. Ai-je longtemps encore à dire ce triste mot ?


XXXVIII


Le .. septembre 1760.


J’éprouve le même ennui que vous. L’abbé Galiani vient d’arriver. Ses contes ne m’amusent plus comme auparavant ; j’étais mieux entre M. Grimm et son amie. Grimm a un peu déplu à Mme d’Épinay ; il ne désapprouvait pas assez le propos d’un homme de notre connaissance, appelé M. Venel, qui disait qu’il fallait garder la probité la plus scrupuleuse avec ses amis, mais que c’était une duperie d’en user mieux avec les autres qu’ils n’en useraient avec nous. Nous soutenions, elle et moi, qu’il fallait être homme de bien avec tout le monde sans distinction. L’abbé Galiani m’a beaucoup déplu, à moi, en confessant qu’il n’avait jamais pleuré de sa vie, et que la perte de son père, de ses frères, de ses sœurs, de ses maîtresses ne lui avait pas coûté une larme. Il m’a paru que cet aveu n’avait pas moins choqué Mme d’Épinay.

M. de Saint-Gény a la poitrine faible, et il est assujetti à un travail de bureau qui le tuera. Voilà tout. Le si dont je vous parle n’est point un doute ; il ressemble plutôt à un souhait : c’est la suite d’un grand éloge de votre sœur. Ne m’exhortez plus à la sobriété ; depuis plusieurs jours, je mange très-peu. Le Discours sur la Satire des philosophes n’est pas de M. de Saint-Lambert, ni l’Épître de Satan à Voltaire de Palissot, mais d’un M. de Rességuier, qui s’est fait mettre à la Bastille, il y a quelques années, pour des vers très-violents et très-bien